Dépêchons-nous d’être en retard sur l’évolution technologique, et de nous laisser dépasser par les pratiques avant de réagir, peut-être. C’est en substance le message adressé aux auteurs par le ministère de la Culture, qui a répondu à de nombreuses questions posées ces derniers mois par différents députés, au nom du Syndicat national des auteurs et compositeurs. Ces députés s’inquiétaient du contrat d’édition, encadré par la loi en France depuis 1957, et qui n’a jamais évolué depuis, alors qu’il est totalement inadapté à l’édition numérique.
En effet, la section du code de la propriété intellectuelle consacrée aux contrats d’édition paraît aujourd’hui totalement anachronique. Il oblige par exemple l’éditeur à « fabriquer ou faire fabriquer des exemplaires de l’œuvre », à « indiquer le nombre minimal d’exemplaires constituant le premier tirage », à communiquer à l’auteur un état des ventes avec « le nombre d’exemplaires fabriqués en cours d’exercice et précisant la date et l’importance des tirages et le nombre des exemplaires en stock », etc.
En signant un contrat d’édition, l’auteur cède à l’éditeur les droits sur son œuvre, mais en contrepartie l’éditeur doit « assurer à l’œuvre une exploitation permanente et suivie et une diffusion commerciale ». Ainsi si l’éditeur n’assure pas son travail d’éditeur, l’auteur peut casser le contrat et aller voir ailleurs.Cette faculté est consacrée par l’article L132-17, qui dispose que « la résiliation a lieu de plein droit lorsque, sur mise en demeure de l’auteur lui impartissant un délai convenable, l’éditeur n’a pas procédé à la publication de l’œuvre ou, en cas d’épuisement, à sa réédition ».
Mais dans l’univers numérique, quand est-ce que l’éditeur est réputé avoir « publié l’œuvre » et assuré une « exploitation permanente et suivie » du livre électronique ? Sachant que l’éditeur ne peut « apporter à l’œuvre aucune modification », cela interdit-il aussi les liens hypertextes ou l’ajout de bannières publicitaires ? L’éditeur a-t-il le droit de proposer ses livres sous forme d’abonnement à son catalogue plutôt que par vente à l’exemplaire ?
En guise de réponse, le ministère de la Culture botte en touche et donne un répit aux éditeurs. Il juge que les principes fixés en 1957 « sont toujours d’actualité et doivent conduire tout particulièrement l’éditeur à (…) respecter son obligation d’exploitation de l’œuvre afin de lui donner toutes ses chances de succès auprès du public« .
« Ces principes sont adaptables aux évolutions technologiques par le simple fait d’ajustements des pratiques contractuelles existantes. Il serait prématuré de faire évoluer ce cadre légal sans avoir de connaissance précise des modèles économiques qui caractériseront l’exploitation du livre numérique« , ajoute-t-il. Le cabinet de Frédéric Mitterrand dit souhaiter « laisser sa chance à la négociation interprofessionnelle« , avant toute régulation. Des discussions doivent d’ailleurs s’engager avec le Syndicat national de l’édition dans les prochaines semaines.
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