L’unité européenne ne se fera manifestement pas sur le dossier de la numérisation des ouvrages. En effet, alors que la France renâcle à confier son patrimoine littéraire à Google pour le diffuser en ligne, l’Italie a adopté une autre stratégie en signant hier un accord ambitieux avec la firme de Mountain View. Si les modalités exactes de l’accord entre les deux parties ne sont pas connues, on sait en revanche qu’il porte notamment sur un million d’œuvres écrites avant 1860 appartenant aux bibliothèques de Rome et de Florence.
« L’accord a une signification politique forte (…) L’Italie se positionne ainsi à l’avant-garde dans ce secteur, avec la conviction d’enrichir considérablement le patrimoine culturel disponible gratuitement sur Internet » a déclaré le ministre italien de la culture, Sandro Bondi, dans des propos rapportés par l’AFP. Le ministre a également souhaité que ce partenariat avec le géant du web soit « un point de départ, et que bientôt de nombreux autres volumes pourront être disponibles » en ligne.
Pour Google, c’est une victoire importante. Auparavant, l’entreprise n’avait eu accès qu’à des bibliothèques privées. En signant un accord avec le ministère de la culture italien, c’est toutes les bibliothèques publiques du pays qui sont désormais éligibles à la numérisation. « Il s’agit de notre premier accord avec le ministère de la Culture d’un gouvernement » a d’ailleurs souligné le responsable des ventes mondiales de Google, Nikesh Arora.
« Google prendra en charge le coût de la numérisation de ces ouvrages et installera un centre de numérisation en Italie » a d’ores et déjà annoncé Google dans un communiqué. Rappelons que la firme a déjà numérisé pas moins de 12 millions d’ouvrages depuis 2004. Dès lors, la société bénéficie d’une expérience et d’une expertise absolument indéniables. Cependant, d’importantes problématiques autour des droits d’auteur n’ont pas été résolues, entrainant une certaine méfiance des deux côtés de l’Atlantique à l’égard de l’ambitieux projet de Google.
C’est pourquoi la gouvernement français a tempéré les ardeurs de Google dans ce domaine. On se souvient que Nicolas Sarkozy avait eu des mots durs envers le projet de numérisation et de l’indexation des œuvres littéraires françaises sur le web. « Nous ne nous laisserons pas dépouiller de notre patrimoine au profit d’une grande entreprise, quand bien même celle-ci serait sympathique, importante ou américaine. Nous n’allons pas laisser ce que des générations et des générations ont produit en langue française être ainsi récupéré, juste parce que nous ne serions pas capable de financer notre propre projet de numérisation » avait-il alors déclaré.
Toutefois, cette saillie s’est fracassée devant la réalité des faits. En ne tablant qu’avec « les moyens actuels de la Bibliothèque nationale de France, il faudrait environ 750 millions d’euros et 375 ans pour numériser l’ensemble des ouvrages » avait prévenu Yann Gaillard, le responsable du rapport sur « la politique du livre face au défi du numérique ». Et il serait dommage de devoir attendre l’an 2 385 pour que les quelques 14 millions de livres et d’imprimés de la BNF soient enfin en ligne.
Il n’est donc pas vraiment étonnant de voir que la commission des finances, sur la base d’un rapport d’information du Sénat, « approuve les orientations du récent rapport de Marc Tessier proposant d’effectuer une numérisation aussi exhaustive que possible du patrimoine de la Bibliothèque nationale de France et, dans le cadre d’un partenariat avec Google, d’échanger des fichiers, ou à défaut de mettre en place une filière commune de numérisation« . Rappelons qu’un partenariat avec Google était l’une des recommandation du rapport Tessier.
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