Lorsque des députés socialistes, verts, communistes et UMP se sont alliés à la fin de l’année 2005 pour voter par surprise un amendement instituant la licence globale en France, la Sacem s’est positionnée en première ligne pour attaquer le vote des représentants du peuple, et pour demander à ce que l’on revienne immédiatement à l’esprit d’origine de la loi DADVSI : répression, répression et répression. Grande et belle victoire. L’amendement vilain a été rayé du texte après un tour de passe-passe historique réalisé par le ministre d’alors Renaud Donnedieu de Vabres, et la la licence globale qui était demandée par les internautes a été enterrée.

Avec elle, l’espoir de rémunérer la musique sur Internet.

Le principe de la licence globale n’était pas la légalisation d’une pratique illégale, pour dédouaner de toute responsabilité les « pirates ». Il s’agissait d’un compromis social : laissez-nous télécharger et partager librement vos œuvres, et nous payerons tous les mois une somme fixe à nos FAI, qu’ils auront pour obligation de vous reverser. A vous, ensuite, de redistribuer cet argent entre tous les auteurs, compositeurs, interprètes et éditeurs qui le méritent, sur la base par exemple du nombre de téléchargements qu’ils ont obtenu. Certes, l’idée n’est pas parfaite. Mais elle semblait alors être la moins mauvaise des solutions, et elle avait l’énorme avantage de pouvoir être acceptée par les internautes qui étaient alors condamnés par les tribunaux à de lourdes amendes.

Aujourd’hui, beaucoup d’internautes ont refermé la porte. Ils ne veulent plus entendre parler de la licence globale. La main qu’ils avaient tendue, ils la retirent. Et la Sacem commence seulement à réaliser qu’elle a fait en 2005 ce qui risque d’être la plus grosse erreur stratégique de toute son existence.

On sait qu’elle prépare déjà un plan B à l’échec annoncé du projet de loi Hadopi, rebaptisée « Loi création et internet ». Dans un plaidoyé pour le projet de loi publié par La Tribune (et reproduite par Electron Libre), le président du conseil d’administration de la Sacem, Laurent Petitgirard, salue un texte qui serait « un compromis entre toutes les parties présentes » aux accords de l’Elysée. Il oublie que la seule partie avec laquelle il fallait trouver un compris, les consommateurs, étaient absents. Et il redoute, à son tour, que le projet de loi soigneusement préparé dans les arcanes du ministère de la culture, qui très clairement ne comprend rien à ce qu’il propose, ne soit « sensiblement altéré à l’issue du processus législatif« .

Faisant montre d’une mémoire courte, Laurent Petitgirard feint d’ignorer que la Sacem a refusé le paiement d’une taxe par les FAI au titre de la licence globale, et il s’indigne de l’absence d’une telle taxe. « Alors même que les échanges de musique sont largement à l’origine de l’explosion des abonnements, ces derniers n’auraient-ils pas dû depuis le début contribuer à la rémunération des auteurs ?« , demande-t-il. Il craint désormais que la taxe imposée aux FAI pour financer la télévision publique ne laisse plus aucune marge de manœuvre à la filière musicale lorsqu’elle voudra à son tour ponctionner les opérateurs. « Dans ce contexte, ajoute en effet M. Petitgirard, la proposition d’une taxation à 0,9 % des fournisseurs d’accès à Internet au bénéfice de la télévision publique ne peut qu’inquiéter les auteurs, qui risquent de voir s’évanouir une source de rémunération dont ils devraient déjà bénéficier directement depuis longtemps« .

Ne fallait-il pas y penser avant ?

Le président de la Sacem va jusqu’à critiquer le manque d’ambition de la loi Création et Internet, qui serait selon lui « le service minimum, et bien tardif, pour tenter de freiner sans la compenser, hélas, la baisse considérable des revenus [des auteurs]« .

La loi Création et Internet « constitue pour les auteurs et leurs éditeurs une espérance après près de dix ans d’inaction« , conclue M. Petitgirard. Ca fera plaisir à M. Donnedieu de Vabres d’apprendre que suivre les instructions de la Sacem en 2005 et 2006 était de l’inaction… C’est une réalité, mais c’est amusant à lire. Ca le serait, en tout cas, si la Sacem n’était pas le premier responsable de cette inaction.

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