L’offre de reprise du journal Le Monde portée avec Orange a échoué, face à celle portée par le fondateur de Free. C’est aussi le pessimisme d’Orange face au numérique (« qui fragilise l’industrie des contenus ») qui a échoué face à l’optimisme du trio Niel-Bergé-Pigasse (« une immense opportunité »).

Nicolas Sarkozy n’aura pas remporté le combat qu’il a souhaité mener contre l’offre de reprise du journal Le Monde portée par le fondateur de Free Xavier Niel, par le mécène Pierre Bergé, et le financier Matthieu Pigasse. Dans un communiqué, Orange a indiqué ce matin qu’il allait retirer l’offre présentée au Conseil du surveillance du Monde avec le propriétaire du Nouvel Observateur Claude Perdriel, et le groupe de presse espagnol Prisa. Cette décision fait suite au vote quasi unanime de la Société des rédacteurs du Monde, qui a rejeté l’offre plébiscitée par le chef de l’Etat. Elle aurait vu selon les rumeurs Denis Olivennes (actuel directeur du Nouvel Observateur) prendre la direction du journal, et le président de France Telecom Stéphane Richard, proche de Nicolas Sarkozy, disposer d’une influence financière sur la vie du journal.

« Par respect pour les administrateurs du Monde, Orange a accepté, comme le Nouvel Observateur, que son offre soit maintenue jusqu’à la réunion du Conseil de surveillance du Monde qui se tient ce lundi 28 juin 2010. Orange et le Nouvel Observateur sont convenus de retirer leur proposition à l’issue de ce Conseil, et quelle que soit la décision qui sera prise, comme ils s’y étaient engagés dans le cas d’un vote défavorable de la Société des rédacteurs du Monde« , indique l’opérateur.

L’épisode aura au moins permis d’en savoir plus sur la vision du numérique par Orange. Vendredi, l’opérateur historique dont Christine Albanel est désormais directrice de la communication a en effet envoyé un premier communiqué qui prenait acte du vote de la Société des rédacteurs du Monde. Pour tenter de convaincre une dernière fois du bienfondé de sa proposition, Orange a sorti l’argument du piratage bien connu des adversaires du numérique.

« Orange réaffirme la pertinence de son projet industriel, convaincu que les éditeurs de contenus et les opérateurs de réseaux ont vocation à nouer des partenariats ouverts pour défendre leurs intérêts mutuels dans le contexte de la révolution numérique. Si le numérique est une formidable opportunité pour tous, à commencer par les médias, son avènement fragilise l’industrie des contenus par le piratage et la captation de la publicité« , écrivait ainsi l’opérateur.

« Le projet industriel d’Orange et de ses partenaires, grands professionnels de la presse, propose une association d’intelligences qui s’appuie sur un modèle économique durable, seule garantie de l’indépendance et de la liberté de la presse« .

La semaine dernière, Mediapart avait publié l’intégralité des deux offres présentées au journal Le Monde. Celle d’Orange ne détaillait pas cette stratégie industrielle anti-piratage miracle. Le document se contentait de dire, en paraissant le subir, qu’Orange sera « extrêmement utile pour développer les nouveaux supports et projeter l’offre du Groupe Le Monde dans l’univers numérique qui est notre nouvel horizon« . Il parlait également d’une « amélioration des recettes publicitaires numériques par le couplage des offres du Monde, du Nouvel Observateur et d’Orange« . Mais en dehors de l’utilisation du volume d’audience d’Orange pour accentuer les recettes publicitaires des publications du groupe, rien. Pas un mot sur la remise en question du contenu lui-même, pourtant essentielle à la réussite financière du journal.

Loin du discours dramatisant de son concurrent, l’offre du trio Niel-Bergé-Pigasse s’est montrée optimiste face à l’univers numérique. « Dans le paysage de l’information qui se dessine, la presse papier aura sa place, tant auprès de la nouvelle génération de lecteurs que de l’ancienne. Le développement accéléré du Net et des supports numériques offre une immense opportunité aux médias qui savent produire des contenus de qualité« , écrivaient ainsi les trois associés. « Le Groupe Le Monde doit se repenser dans cet univers où ces nouveaux médias deviennent progressivement la première source d’information de ses lecteurs« . L’offre de Free propose ainsi de fusionner les rédactions web et papier, d’investir beaucoup plus dans la « déclinaison numérique des différents magazines du groupe« .

Sans que ça soit le critère déterminant, c’est l’offre la plus optimiste sur l’univers numérique qui l’a donc emporté. A raison. Depuis qu’il a sorti tour à tour ses enquêtes explosives sur l’affaire Bettencourt et les attentats de Karachi, le journal payant en ligne Mediapart voit le nombre de ses abonnements exploser, avec plus de 400 nouveaux abonnés par jour. C’est la preuve que l’information de qualité, indépendante, a une valeur que les internautes sont prêts à payer.

Ce sera la seule manière de faire accepter le passage à la formule entièrement payante du Monde.

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