Lundi en commission des lois, la ministre de la Culture Christine Albanel a défendu le fait de réintégrer la double peine dans le texte du projet de loi Création et Internet, alors que les députés l’avaient rejetée. Avant la convocation de la commission mixte paritaire, l’Assemblée avait en effet estimé qu’il n’était pas juste de payer l’abonnement pendant la période (qui peut aller de un mois à un an) où l’accès à Internet est suspendue. Les députés avaient donc ajouté une disposition qui faisait obligation aux FAI de dévoiler le détail des prix de leurs offres ADSL, en expliquant ce qui dans un forfait à 29,90 euros par mois relève de l’accès à Internet proprement dit, de la téléphonie illimitée et de la télévision sur IP. En cas de suspension, puisqu’ils n’ont le droit de couper que l’accès à internet sans toucher au téléphone ou à la TV, ils devaient ne facturer que ces deux derniers services.

Comme nous l’avions alors expliqué, une telle disposition est redoutée par les opérateurs de télécoms. Dévoiler le prix de chacun des services, c’est avouer qu’ils peuvent être vendus séparément, et donc s’exposer à des actions en justice pour vente liée. In fine, c’est le risque d’être obligé de proposer des forfaits nus, avec uniquement l’accès à Internet, à des prix très inférieurs aux forfaits actuels. Les FAI ont fait savoir au gouvernement qu’il était hors de question d’accepter un tel risque.

En commission, la ministre de la Culture a donc défendu la réintroduction de la double peine, par ces mots :

« Dans les faits, nous devrons surveiller des œuvres sur des sites de peer-to-peer, relever une adresse IP, trouver l’internaute et lui adresser un avertissement. Et nous devrons le faire une deuxième fois, puis une troisième, à propos d’œuvres différentes, avant d’envisager la suppression de son accès à internet. Il s’agit donc de téléchargeurs pour le moins opiniâtres ! Ceux-là verront leur accès suspendu, peut-être pour un
seul mois, mais vous ne trouvez pas supportable qu’ils continuent pendant ce temps à payer leur accès à internet – qui, dans le cadre du triple play, revient environ à sept euros par mois ? C’est pourtant dérisoire, comparé à une simple amende, alors que renoncer à ces sept euros par mois pénaliserait les fournisseurs
d’accès, et poserait un problème constitutionnel : les FAI, ayant passé un contrat et subissant une perte de ressources qui n’est aucunement de leur fait, devront en outre mettre en œuvre des procédures compliquées pour rembourser ces sept euros.

Il ne s’agit donc pas ici d’une double peine mais d’une sanction globale, équilibrée et pour tout dire très faible par rapport à l’acharnement dont auront fait preuve les pirates« .

A propos du prétendu « problème constitutionnel » que poserait le fait d’éviter la double peine, c’est un faux argument. S’il constatera effectivement le préjudice injustifié des FAI, le Conseil constitutionnel obligerait simplement l’Etat, c’est-à-dire le contribuable, à dédommager les FAI du montant non facturé.


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