Il ne passe plus un seul jour sans que l’on entende parler du site AllofMP3.com. Encore aujourd’hui, c’est la BPI (British Phonographic Industry), l’association des maisons de disques britanniques, qui annonce son intention de porter plainte contre le service russe. Edité par la société moscovite MediaServices, AllofMP3 propose de la musique facturée au méga-octets, sans l’autorisation des producteurs de musique. Il joue sur un vide juridique présent dans le droit d’auteur russe et affiche une licence octroyée par la ROMS, une société de gestion de droits d’auteur spécialisée dans le multimédia.
Dans un communiqué envoyé mardi, AllofMP3 s’émeut du tour politique que prend l’affaire, et veut se défendre. « Des officiels et des hommes politiques du gouvernement américain ont demandé ces derniers temps que les autorités russes ferment allofmp3.com, prétendant que le site est pirate. Autrement, ils menacent la Russie de sanctions, y compris en bloquant son entrée à l’OMC« , constate la plate-forme. En six points, AllofMP3 veut défendre à la fois sa légalité et sa bonne foi. En voici la substance :
1. Le site appartient à une société russe, opère depuis 6 ans en Russie, avec les toutes les garanties juridiques locales. Aucun tribunal n’a jamais condamné le site malgré les diverses enquêtes menées.
2. AllofMP3 opère uniquement depuis la Russie et ne fait pas de publicité sur d’autres territoires.
3. AllofMP3 transfère régulièrement de grandes sommes d’argents au titre des droits d’auteur à des sociétés de gestion collective comme la ROMS ou FAIR, qui lui ont octroyé des licences.
4. Quiconque devrait porter un regard neutre sur la légalité de AllofMP3. MediaServices pourrait porter plainte à son tour, pour diffamation.
5. Le 1er septembre 2006 entre en vigueur une nouvelle loi russe sur le droit d’auteur. Depuis janvier AllofMP3 négocie directement avec les ayant droits pour se mettre d’accord sur de nouveaux tarifs d’ici le 1er septembre.
6. AllofMP3 tient au respect de la loi ainsi qu’au respect des attentes des consommateurs et des intérêts de tous les ayant droits, nationaux ou étrangers.
Une légalité uniquement locale
Depuis le premier article écrit à son sujet, en 2004, Ratiatum a pris le parti que AllofMP3 était un site illégal. Nous le justifions par une analyse purement juridique basée sur le courant de jurisprudence qui traverse la quasi totalité des juridictions. Le fait n’étant pas de savoir si AllofMP3 est légal en Russie (il l’est ou semble l’être), mais plutôt de savoir si AllofMP3 peut légalement s’adresser aux internautes étrangers pour vendre de la musique sur la base de licences octroyées pour le marché russe, dans le contexte économique du marché russe. « En créant un site francophone, Allofmp3.com, la société russe MediaServices outrepasse les termes de ses accords, qui ne visent pas la vente de musique sur le marché européen. Selon toute évidence, MediaServices n’a pas obtenu les droits auprès des titulaires français pour vendre ses œuvres auprès des français aux conditions du marché russe« , écrivions nous alors. Notre avis n’a pas changé d’une virgule. Il est même renforcé par le soin que prend MediaServices à préciser dans son point 2 qu’il ne fait pas de publicité pour ses services hors de la Russie.
Le problème pour MediaServices, là encore du point de vue du juriste que nous sommes, c’est que la jurisprudence a une interprétation large de la « publicité » sur internet. Si AllofMP3 ne cherche pas à vendre de la musique ailleurs qu’en Russie, comment justifie-t-il la traduction du site en anglais (les versions françaises et italiennes ont disparu) ? Pourquoi mettre en avant les tops américains, anglais, allemands et français ? Pourquoi ne pas bloquer l’accès au non-russes par un filtrage des adresses IP, ou moins aggressivement, refuser les cartes de paiement non émises en Russie ? Ce sont autant de questions que les tribunaux devront se poser pour déterminer si oui ou non, AllofMP3 dépassait volontairement et en connaissance de cause le cadre du marché russe.
Même s’il nous faut encore essuyer une salve de critiques aiguisées, nous le redisons fermement aujourd’hui : AllofMP3 n’est pas légal pour les internautes français.
Mais quelle que soit la légalité ou non de AllofMP3, ce qu’il faut retenir du site russe c’est la capacité de la plate-forme à réunir un nombre de clients considérables sur trois atouts principaux que n’ont pas les plate-formes commerciales soutenues par les majors : des fichiers de grande qualité sonore fournis sans DRM, une tarification souple et très abordable, et un catalogue très important. AllofMP3 prouve aux maisons de disques que les internautes sont prêts à payer pour avoir un service qu’ils jugent de qualité. Il ne s’agit plus alors que de parvenir au meilleur compromis, par le jeu de l’offre et de la demande. Mais le marteau ne fera pas entrer l’énorme demande dans la petite boîte de l’offre. Il est temps de changer de boîte, ou la demande s’en trouvera une autre, comme celle de AllofMP3.
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