Cette semaine, le Copyright Madness revient sur l’idée d’un droit d’auteur pour les robots qui continue à progresser au Parlement européen, le Royaume-Uni qui commence à « s’hadopiser » malgré le Brexit, Google qui est attaqué pour avoir piqué à un concurrent le nom de Content ID et IBM qui bat tous les records avec 8 000 brevets déposés en un an. Bonne lecture et à la semaine prochaine !
Copyright Madness
Blacklisté. En 2015, une charte a été conclue entre les acteurs du paiement en ligne et les ayants droit, avec l’aval du Ministère de la culture, pour dresser une « liste noire » des services réputés violer le droit d’auteur. La société d’hébergement 1Fichier.com semble aujourd’hui faire les frais de cette action. Elle n’arrive plus à conclure de contrat avec des intermédiaires de paiement pour monétiser ses activités et soupçonne d’avoir été blacklistée par les ayant droit. Même un recours en justice ne lui a pas permis de débloquer la situation. Le problème, c’est que cette fameuse liste noire est gardée secrète et que ce système permet à des acteurs privés de décider de l’illégalité de certaines activités sans passer devant un juge. Vous avez dit justice privée ?
Aveuglement. En Argentine, un procès pour contrefaçon va s’ouvrir à propos d’une réécriture de L’Aleph, une des nouvelles de Jorge Luis Borges. Un écrivain a en effet voulu lui rendre hommage en produisant une nouvelle version de l’histoire, augmentée de nouveaux passages épousant son style de manière à faire croire que c’est Borges qui l’avait écrite. Mais la veuve de l’écrivain ne l’entend pas de cette oreille et a intenté un recours en justice. Borges lui-même se plaisait, dans ses écrits, à des jeux d’écriture brouillant les pistes de la paternité des textes et l’auteur de la version augmentée n’a nullement voulu réaliser un plagiat, puisqu’il est tout à fait transparent sur sa source. Borges a fini sa vie aveugle, mais il semblerait que ses ayants droit le soit plus encore…
Pédagogie. Pour la nouvelle année, le Royaume-Uni a décidé de mettre en place un système d’avertissement par mail façon Hadopi si un internaute est pris la main dans le sac. Les titulaires de droits vont pouvoir inaugurer le Voluntary Copyright Alert Program qui consiste à signaler aux fournisseurs d’accès à Internet des plages d’adresses IP de personnes suspectées d’avoir téléchargé illégalement. Ces dernières recevront un petit mail les avertissant que quelqu’un a vraisemblablement utilisé leur connexion Wi-Fi pour s’adonner à la contrebande numérique. Des conseils seront formulés à leur attention pour éviter que ce fâcheux incident ne se reproduise. Les internautes seront même invités à consulter un site qui leur montrera en quoi c’est mal de télécharger. Ce dispositif s’inscrit dans un programme éducatif plus large appelé Get it Right. Un nom qui en dit long…
I, Robot. Le Parlement européen prépare une résolution sur la réglementation des robots qui comporte des choses intéressantes et d’autres… plus délirantes ! On y retrouve notamment cette idée de créer un droit d’auteur pour les robots, ou plus exactement de déterminer des « critères de création intellectuelle propre applicables aux œuvres protégeables par droit d’auteur créées par des ordinateurs ou des robots ». On imagine déjà les studios en train de se frotter les mains à l’idée de faire des films avec des scénarios écrits par un algorithme, des acteurs virtuels et une musique générée par un robot, sans rien avoir à reverser à des créateurs humains. Espérons qu’un grain de sable viendra gripper la machine législative !
Trademark Madness
Incroyable, mais vrai. Cette nouvelle nous a fait beaucoup rire. Elle concerne Content ID, le « robocopyright » de YouTube, dont nous parlons souvent dans cette chronique. À l’origine, Google n’utilisait pas son propre système de filtrage automatique des contenus. Il avait fait appel à la société Audible Magic, pionnière en la matière. Mais en 2009, Google a fini par développer sa propre solution. Or il s’avère que le nom Content ID appartient en fait à Audible Magic, qui l’attaque aujourd’hui pour violation de marque. Le porte-parole de la société fait même malicieusement remarquer qu’on peut difficilement faire confiance à Google pour protéger la propriété intellectuelle puisque la firme de Mountain View piqué le nom de son système anti-contrefaçon !
Manque de place. Le droit des marques peut conduire à des situations ubuesques. C’est le cas de l’affaire concernant l’agent immobilier et animateur TV Stéphane Plaza. Ce dernier a lancé une chaîne d’agence immobilière mais au moment d’entreprendre les démarches, il s’est aperçu qu’un petit filou l’a pris de vitesse en ouvrant des agences immobilières « Plaza Immobilier ». Le vrai Stéphane est un peu embêté : il a déposé auprès de l’institut national de la propriété industrielle son nom comme marque et a envoyé une mise en demeure dans laquelle il demande l’arrêt de l’utilisation de la marque « Plaza Immobilier ». Qu’à cela ne tienne, le propriétaire attaque Stéphane Plaza pour concurrence déloyale au prétexte qu’il peut y avoir un risque de confusion avec son réseau d’agences…
Patent Madness
Liberté d’expression. Le site Techdirt est actuellement dans une situation délicate. En effet, il est poursuivi par un patent troll qui l’accuse de diffamation. Ce dernier prétend avoir inventé l’e-mail. Techdirt avait écrit un papier pour évoquer ce cas de patent troll mais, comme l’explique le site, ce procès va au-delà d’un procès pour diffamation. Derrière se cache une attaque contre le premier amendement de la Constitution américaine, la liberté d’expression. Il apparaît que ce patent troll ne tolère pas qu’un journal indépendant puisse parler de son business, qui consiste juste à détenir un portefeuille de brevets afin d’attaquer en justice des concurrents. La démarche de Techdirt est courageuse, car l’équipe a décidé d’aller jusqu’au bout de la procédure judiciaire. Espérons que le site sorte blanchi et victorieux de ce procès.
Record. Il y a des records dont on se passerait volontiers. C’est le cas de celui réalisé par IBM en 2016. Le géant informatique a déposé cette année-là plus de 8 000 brevets, soit en moyenne plus de 20 brevets par jour. IBM est coutumier du fait puisque c’est la 24ème année consécutive que l’entreprise occupe la première place du classement. Vous vous imaginez bien qu’IBM n’a pas développé 8 000 produits, outils ou services en 2016. Il s’agit-là d’une vile stratégie pour bloquer ses concurrents et les forcer à payer des licences pour utiliser telle ou telle technologie. Encore un exemple qui montre que le système des brevets n’est pas synonyme d’innovation.
In Memoriam
RIP Aaron. Le 11 janvier est une date un peu particulière. C’est en effet ce jour que l’activiste Aaron Swartz s’est donné la mort. Il s’est suicidé en 2013 alors qu’il risquait une très lourde peine de prison pour avoir téléchargé un grand nombre d’articles scientifiques depuis une base de données du MIT. Ce militant radical de l’Open Access avait aussi œuvré pour développer les licences Creative Commons et lutté avec succès contre les réformes dangereuses du copyright SOPA et PIPA, aux États-Unis. L’association américaine EFF, qui partage ses vues, lui consacre un bel article dans lequel elle cite cette phrase d’Aaron Swartz : « nous avons gagné parce que chacun est devenu le héros de sa propre histoire ».
Le Copyright Madness vous est offert par :
Merci à tous ceux qui nous aident à réaliser cette chronique, publiée sous licence Creative Commons Zéro, notamment en nous signalant des cas de dérives sur Twitter avec le hashtag #CopyrightMadness !
+ rapide, + pratique, + exclusif
Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.
Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Abonnez-vous à Numerama sur Google News pour ne manquer aucune info !