Nous sommes encore très loin des milliers de noms de domaine saisis d'un seul coup aux Etats-Unis, mais la décision de l'Islande confirme la volonté croissante des gouvernements d'utiliser leur main-mise sur les noms de domaine pour réguler Internet de façon biaisée. L'AFP rapporte en effet que l'Islande a procédé pour la première fois de son histoire à la suspension d'un domaine en .is, l'extension attribuée au pays, pour fermer un site sans avoir à saisir ses serveurs ni à arrêter ses administrateurs.
En l'espèce, c'est le domaine khilafah.is, attribué à l'Etat Islamique, qui a été suspendu. "L'ISNIC a suspendu des noms de domaine qui étaient utilisés pour le site internet d'une organisation terroriste connue", a expliqué l'organisation islandaise chargée de gérer les domaines en .is.
En utilisant le .IS comme s'il était un diminutif de "l'islam", le domaine khilafah.is devait désigner le Califat Islamique dans l'esprit de l'organisation qui avait ouvert un site internet avec ce nom de domaine à la mi-septembre. Interrogé à la télévision publique, le directeur de l'ISNIC, Jens Petur Jensen, a expliqué que l'organisation serait désormais vigilante sur l'utilisation faite du .IS par des sites arabes.
Terrorisme et liberté d'expression
Le premier ministre islandais David Gunnlaugsson a lui-même prévenu qu'il n'était "pas tolérable" d'utiliser l'extension du pays pour faire la propagande de l'Etat Islamique, considéré comme une organisation terroriste. "Cela n'a rien à voir avec la liberté d'expression, mais avec une conduite criminelle et monstrueuse. Nous devons être en mesure de fermer cela", a-t-il expliqué.
Selon les règles d'enregistrement du .IS, n'importe quel internaute peut enregistrer un nom de domaine en .is, sans avoir besoin d'être citoyen ou résident islandais. Vague, le règlement demande que "l'utilisation du domaine" soit faite "dans les limites de la la loi islandaise telle qu'en vigueur à tout instant", ce qui n'avait jusqu'à présent jamais posé de difficultés, y compris dans des cas très médiatisés.
L'Islande est en effet traditionnellement reconnue sur Internet comme un havre de protection pour la liberté d'expression, et ses domaines en étaient une traduction. En 2013, trois députés du Parti Pirate islandais ont été élus au Parlement. Plusieurs sites internet dont l'illégalité est régulièrement dénoncée (voire confirmée en justice) ont trouvé refuge en Islande, à l'instar de The Pirate Bay ou du service de stockage Putlocker.
Or en choisissant de suspendre un domaine utilisé pour une activité qui n'a pas été jugée illégale par la justice, mais qui est considérée telle quelle par le pouvoir politique, l'Islande s'inscrit de pleins pieds dans la guerre de propagande entre l'Etat Islamique et les Occidentaux. Il participe à la censure des groupes affiliés au califat autoproclamé, en estimant que c'était là un instrument nécessaire pour la victoire idéologique, qui doit accompagner la victoire militaire.
L'an dernier, l'Islande était parvenue en tête d'un classement des pays où les libertés sur Internet sont le mieux protégées.
(illustration : CC Moyan Brenn)
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