L’affaire Logistep prend une tournure cocasse en Suisse. Le Tribunal fédéral doit juger cette semaine un recours exercé par le Préposé à la protection des données, l’équivalent helvétique de la CNIL, contre la société qui collecte des adresses IP sur les réseaux P2P pour le compte d’ayants droit. Mais la télévision suisse romande révèle que « l’avocate de la société zougoise qui traque les pirates sur internet n’est autre que la future préposée à la protection des données du canton du Valais« , et qu’elle « se retrouve ainsi à défendre Logistep face à son homologue fédéral« . Une situation ubuesque, qui n’a pas l’air de gêner outre mesure l’avocate.
Ursula Sury n’a aucunement l’intention de se désister du dossier, alors que son confrère et adversaire Sébastien Fanti, qui défend par ailleurs l’association Razorback contre les studios de cinéma, estime que « ce mélange des genres est scandaleux« .
C’est surtout sa nomination en tant que protectrice des données personnelles qui le choque. « Cette femme, est incontestablement sous influence. Elle prétend, contre l’avis de tous les spécialistes du domaine que l’adresse IP n’est pas une donnée personnelle. Elle est en porte à faux direct avec son homologue fédéral« , s’emporte l’avocat.
Selon la TSR, l’avocate avait été élue Préposée cantonale à protection des données le 16 février 2009, et c’est plusieurs mois plus tard qu’elle aurait accepté de défendre Logistep, dont l’activité fut déplorée par la CNIL, et par son équivalente italienne. Sa mission à la protection des données sera effective en 2011. Rappelons que c’était à partir des relevés de la société suisse qu’avaient envoyés les fameux courriers de l’affaire Techland, qui ont amené à la condamnation d’une avocate parisienne par le Conseil de l’Ordre.
En France, la personnalité de certains membres de la CNIL est aussi discutée. Nous l’avions vu de manière flagrante lors des débats sur la loi Hadopi, lorsque le député UMP Philippe Gosselin s’était vanté d’être commissaire de la CNIL, pour défendre avec vigueur le texte gouvernemental. Il s’était indigné que l’on puisse juger que l’Hadopi « serait totalement déconnectée de la réalité et atteindrait aux libertés« , alors que le Conseil constitutionnellement a ensuite sanctionné ces atteintes aux libertés qu’il refusait de voir. On peut relire avec délice au Journal Officiel (.pdf, page 38) la réplique cinglante que lui avait adressée le député Christian Paul.
Le Président de la CNIL Alex Türk lui-même a été cette année épinglé par les Big Brother Awards, qui lui reprochent d’ « endosse(r) les habits du défenseur tout terrain de la vie privée et des libertés alors qu’il en est parfois le fossoyeur et souvent le facilitateur« . L’excellent Jean-Marc Manach a par ailleurs publié une rétrospective qui démontre l’influence d’Alex Türk dans l’élaboration de la loi Hadopi, en remontant dès 2003.
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