On parle parfois de rétropédalage, mais il faudrait dire ici « pédaler dans la semoule ». Numericable a toutes les peines du monde à justifier l’envoi des mails de l’Hadopi à ses abonnés, alors que Free a montré qu’il était possible de s’opposer.

Alors que Free s’est drapé dans les habits du chevalier blanc en refusant d’envoyer les e-mails de l’Hadopi, son concurrent Numericable est apparu ces dernières heures comme le plus zélé collaborateur à la riposte graduée. Dans un courriel adressé en copie à tous les opérateurs et à l’Hadopi, qui a fuité dans la presse, Numericable avait demandé à la Haute Autorité de « saisir les autorités compétentes s’il s’avérait que des opérateurs s’entendent pour faire obstacle à vos opérations, et en tirer un bénéfice concurrentiel« . Depuis, Numericable tente d’éteindre l’incendie qui crame sa réputation déjà fragile, sans pour autant changer de cap.

Ainsi, suite à notre article qui expliquait ce matin que Numericable se trompe lorsqu’il dit qu’il n’a pas le pouvoir de bloquer l’envoi des mails, le service de communication du FAI nous a appelé pour démentir. En reprenant sensiblement le même discours que celui tenu par l’Hadopi, que l’on a toujours du mal à comprendre.

Selon le câblo-opérateur, la Haute Autorité a raison de prétendre que les mails ont été envoyés, même lorsqu’ils sont pourtant « bloqués » par Free. Comme l’impose la loi, c’est bien l’Hadopi elle-même qui envoie les mails « pour son compte et sous son timbre ». Mais à travers une plateforme technique mise à sa disposition par les FAI. Notre interlocuteur nous explique alors que c’est dans le cadre d’une interconnexion que l’envoi des mails est réalisé, via cette plateforme qui doit sécuriser les transmissions entre les FAI et l’Hadopi. En « bloquant » (sans que l’on comprenne comment) l’envoi des mails, Free agirait comme le postier qui refuse de glisser un PV dans la boite aux lettres d’un justiciable.

Nous comprenons alors que – selon l’interprétation de Numericable et de l’Hadopi, l’envoi des mails est réalisé dans le cadre de l’interconnexion prévue par le décret du 5 mars 2010, rendue obligatoire par la loi. Mais ce décret impose une « convention conclue avec les opérateurs et prestataires concernés » pour mettre en œuvre cette interconnexion, ou à défaut un arrêté ministériel. Or nous avions révélé le mois dernier que la convention n’existait pas. Puisqu’il n’y a pas eu non plus publication d’un arrêté, nous avons demandé à Numericable de bien vouloir nous confirmer la signature d’une convention encadrant l’envoi des mails.

C’est finalement nous qui avons rappelé quelques heures plus tard. Après tergiversations, le chargé de communication de l’opérateur finit par avouer qu’il n’y a pas de convention signée à sa connaissance, mais qu’il existe en revanche un « cahier des charges technique implémenté par tous les opérateurs en concertation avec l’Hadopi, qui pourrait valoir contrat« .

Admettons.

Mais dans ce cas, pourquoi l’Hadopi nous a-t-elle affirmé lundi qu’elle ne voyait pas à quelle convention Free faisait allusion pour l’envoi des mails ? Pourquoi nous a-t-elle expliqué que la convention sur l’interconnexion était étrangère à l’envoi des mails ?

Devant cette contradiction, notre interlocuteur nous dit que l’on ne s’est sans doute pas compris sur l’interconnexion. Nous parlions de l’interconnexion selon la terminologie juridique employée dans le décret du 5 mars, alors que Numericable parlait de l’interconnexion au niveau purement technique. Sauf que la deuxième est encadrée par la première, et que ça revient donc sensiblement au même.

La conversation se finit sur l’aveu que la loi n’est pas claire (n’est-ce pas Frank Riester ?) et sujette à interprétation, mais que contrairement à Free, Numericable a fait le choix de « ne pas faire courir de risque à ses clients« . Ou comment tenter d’arracher les vêtements du chevalier blanc.

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