« Tout ce que j’ai dit avant les élections, je le ferai après ». La formule de Nicolas Sarkozy est bien connue, et s’appliquera aussi au téléchargement illégal de musiques et de films sur Internet. Le gouvernement a annoncé mercredi la mise en place d’une commission chargée d’étudier les moyens de renforcer la lutte contre le téléchargement illégal, dont la composition risque de soulever quelques interrogations…

Nicolas Sarkozy et Johnny HallydayLaurent Wauquiez, le porte-parole du gouvernement Fillon qui s’était fait remarquer lors des débats de la loi DADVSI pour son soutien sans faille à Renaud Donnedieu de Vabres, l’a annoncé mercredi. Conformément aux souhaits de Nicolas Sarkozy, une commission sur les moyens de renforcer la lutte contre le téléchargement illégal sera créée prochainement. « Si on continue comme ça, on va tuer la Culture« , a déclaré le Président de la République lors du conseil des ministres, même si exception faite des métiers de l’enregistrement musical, la culture ne s’est jamais aussi bien portée.

« Je serai donc vigilant dans ce domaine, il faut que chacun prenne sa part dans la lutte pour la protection des droits. Vous pourrez compter sur moi« , avait déjà prévenu Nicolas Sarkozy dans une allocution aux professionnels du cinéma, à Cannes. Quelques semaines plus tard, ses conseillers recevaient à L’Elysée les représentants de l’industrie du disque. Totalement opposé à la licence globale qu’il voit comme la manifestation d’un « jeunisme« , Sarkozy était venu au secours de l’industrie culturelle lorsque Renaud Donnedieu de Vabres avait échoué à faire obstacle à la proposition socialiste. Depuis, il rêve de redonner aux Martin Bouygues (TF1) et autres Jean-Bernard Levy (Vivendi) l’oligopole sur la diffusion des œuvres dont ils ont jouit à la fin du 20ème siècle. Une distribution limitée est une information contrôlée.

Ainsi la commission devra étudier trois pistes, rapportées par Reuters :

  1. mieux sanctionner les « pirates endurcis qui pratiquent le piratage à une échelle industrielle inacceptable » ;
  2. travailler avec les fournisseurs d’accès internet et mettre en place un accord interprofessionnel qui permette d’avoir des moyens d’intervention adaptés ;
  3. Développer l’offre de téléchargement.

C’est très probablement le retour au système de riposte gradué pourtant censuré une première fois par le conseil constitutionnel. Le gouvernement souhaite que les internautes reçoivent d’abord un message envoyé par le fournisseur d’accès, avant que celui-ci ne coupe totalement l’accès du délinquant. Sans autre forme de procès. Christine Albanel, la nouvelle ministre de la Culture, a déjà fait savoir son intérêt pour cette proposition. On sait que l’UMP est aussi favorable à une obligation de filtrage qui pèserait sur les fournisseurs d’accès à Internet.

Pour siéger à cette commission, le gouvernement devrait choisir des personnalités reconnues pour leur neutralité et leur vision progressiste. Denis Olivennes, le PDG de la Fnac, auteur d’un livre selon lequel « La gratuité c’est le vol » et dirigeant de la plate-forme de musique en ligne FnacMusic, est ainsi déjà assuré d’avoir sa place.

Ne fallait-il pas d’abord mettre en place une commission sur l’opportunité de créer cette commission ?

Cela fait déjà plus de dix ans, avec l’adoption des traités sur la protection des DRM à l’OMPI en 1996, que l’on cherche à lutter juridiquement et judiciairement contre le piratage numérique. Jamais sans le moindre effet, puisque la prise de pouvoir des citoyens sur la distribution des œuvres est inscrite dans le sens de l’histoire et qu’aucune loi, aussi répressive soit-elle, ne peut se dresser comme un caillou au milieu d’un torrent.

Nicolas Sarkozy, adepte de la culture du résultat et du « tout est possible », pense sans doute qu’il peut faire plier ces félons d’internautes là où tous les pays du monde ont échoué.

Sauf à entrer en dictature, la France échouera aussi.

Et n’oublions par la désormais traditionnelle piqûre de rappel :


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