L’industrie du disque vit depuis quelques années un véritable tournant dans la manière d’appréhender la vente des oâ?vres qu’ils produisent. Mais au delà du duel entre les pirates aux rangs de plus en plus serrés et les cinq majors de l’industrie musicale (BMG, Universal, Sony, EMI, Warner) se profile à l’horizon une fracture grandissante au sein du secteur, manifestée en France par une divergence entre Universal et la SACEM…

« Le rôle de la propriété est en train de subir une transformation radicale « .

Jeremy RIFKIN nous a prévenu, notre société capitaliste passe d’un âge de la propriété à un âge de l’accès. Après avoir consommé à outrance dans une extraordinaire course à l’appropriation privée, le consommateur moyen cherche aujourd’hui de moins en moins à posséder, mais simplement à avoir accès.

Appliqué à Internet et au monde de l’édition musicale, cette théorie prend tout son sens, au grand damne de l’industrie du disque. En effet, il est bientôt révolu le temps où Jean-Jacques Goldman et Céline Dion trônaient sur les étagères de la ménagère de moins de cinquante ans, figés sur autant de boîtiers de CDs que de tickets de caisse imprimés. Non, la ménagère de moins de cinquante ans entrera demain son mot de passe sur une boîte de dialogue qui lui ouvrera l’accès à un catalogue de très nombreux morceaux, où figureront pêle-mêle chanteurs connus et artistes reconnus.

Or on ne peut pas dire que l’industrie soit très encline à accepter cette petite révolution économique. Mais surtout, artistes, associations et industriels ne semblent pas vouloir aller tout à fait au même rythme, dans les mêmes directions. En effet alors qu’un grand nombre de voix commençaient à prôner une solution qui passerait par une taxation des FAI, il en est une très influente qui marque clairement son refus, celle de Pascal Nègre.

« On ne va pas m’imposer un pourcentage sur le prix de la bande passante payé par quelqu’un qui passe son temps à télécharger… ce serait une forme d’économie soviétique. »

Le président d’Universal Music France, qui produit les albums de Star Academy, What For, Johnny Hallyday, Zazie, ou encore les très controversées Tatu, mais aussi et surtout président de la puissante SCPP (Société Civile des Producteurs de Phonogrammes), est donc clairement hostile à ce que la SACEM a appelé son projet de « rémunération équitable ». Cette idée avait été émise entre autres par Catherine Kerr-Vignale dans une interview au Grandlink Music News, et c’est dans ce même magazine dédié aux professionnels de l’édition musicale que Pascal Nègre s’est montré farouchement opposé à cette idée d’une répartition de la taxe par pourcentages entre les différents acteurs.

Il défend donc à travers cet entretien une vision libérale de l’industrie du disque contre ce que son homologue au SNEP (Syndicat National des Editeurs Phonographiques) a qualifié d’approche économique kholkozienne, soviétique de la production.

Finalement la seule chose sur lesquelles la SACEM et l’industrie sont d’accord concerne la responsabilisation des fournisseurs d’accès à Internet, qui aujourd’hui font toute leur publicité autour d’un piratage innomé.

Le plus lucide sur le sujet étant sans doute Pascal Nègre, qui bien que parfois totalement à côté des réalités (par exemple lorsqu’il propose la réduction de la TVA pour réduire le prix des CDs), semble avoir très bien prédis ce qui attend les internautes dans les prochains mois, ou les prochaines années :

« Au début, le peer-to-peer a permis [aux fournisseurs d’accès] de recruter des abonnés haut débit. Ils ont même communiqué sur la possibilité de télécharger de la musique plus vite, etc. Mais c’était l’époque où chaque nouvel abonné faisait grimper les cours en bourse. Désormais ce n’est plus le cas. Les fournisseurs d’accès sont dans une autre problématique. Ils savent qu’ils n’ont pas d’autre choix que d’arriver à vendre du contenu en ligne. Or quels sont les premiers contenus qui peuvent se vendre sur Internet, sinon la musique, les films, etc. Donc, à un moment donné, ils seront bien obligés de nous aider à combattre les pirates et pour cela, de mettre en place des systèmes de filtrage.« 

FAI contre Industries du disque : balle au centre

Le problème cependant pour ces fournisseurs d’accès reste l’accès aux catalogues musicaux des cinq majors qui composent plus de 80% de la musique vendue dans le monde. Il y a actuellement une véritable bataille des industriels qui ne veulent pas donner accès à leurs titres à des prix trop bas par rapport à ceux qu’ils connaissent dans les rayons FNAC. Mais le modèle défini par Rifkin nous montre bien que toutes les cartes ne sont peut-être plus entre leurs mains…

Les fournisseurs d’accès auront demain besoin des majors, et les majors des fournisseurs d’accès. Qui prendra le dessus sur l’autre ? Les paris sont ouverts…

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