SpiralFrog avait fait grand bruit l’été dernier, puisqu’il avait signé avec Universal Music le premier accord visant à distribuer gratuitement la musique de la plus grosse major du disque au monde. L’annonce était d’autant plus surprenante vue de l’hexagone que l’on sortait à peine et douloureusement d’un débat parlementaire sur la diffusion de la culture sur Internet, qui avait pourfendu la gratuité et appelé au respect des œuvres contre leur dévalorisation. On ressortait les plus belles références dogmatiques sur la place de l’art dans la société, sur le rôle de l’artiste dans le bien-être général, sur le caractère sacré de l’œuvre de l’esprit… et voilà qu’Universal donnait son feu vert pour que la culture soit gratuite et financée par des bouteilles de Coca-Cola. Malaise.
Depuis, le service a semblé bien mal en point, jusqu’à l’éviction de son directeur qui a depuis rejoint les rangs de leur principal concurrent Qtrax. Mais non, SpiralFrog n’était pas mort-né et le service vient d’ouvrir sa première bêta, limitée pour le moment aux internautes canadiens.
Download Squad en propose un premier aperçu qui permet d’en comprendre mieux le modèle économique… et qui fait planer de sérieux doutes sur le respect de l’œuvre et de l’artiste.
Téléchargement obligatoire tous les 30 jours, pas de publicité audio
Au chapitre des bonnes nouvelles, on n’en trouvera essentiellement qu’une seule. Contrairement à ce que nous avions pu croire, les publicités ne seront pas placées directement au coeur des chansons, mais imposées visuellement au moment du téléchargement. L’utilisateur doit d’abord installer un logiciel qui servira à décrypter les chansons téléchargées. Pour avoir le droit de décrypter une chanson, il faut d’abord regarder des publicités. Pour s’en assurer, le système demande à l’utilisateur d’entrer un capcha (ces codes écrits bizarrement qu’il faut retaper dans un champ texte) qui reste à l’écran 60 secondes après la fin du téléchargement de la chanson. Si vous êtes partis aux toilettes, que vous subissez le stress des exams et que vous revenez trop tard devant votre écran, le capcha a disparu et il faut alors recommencer.
Et il faudra recommencer tous les 30 jours, puisque chaque morceau téléchargé a une durée de vie limitée à un mois, protégée par DRM. Et il faut le faire chanson par chanson, puisque l’outil de téléchargement ne permet pas de programmer des listes de téléchargements.
Le catalogue compte 550.000 titres en WMA 128 Kbps, mais seule une partie peut être téléchargée gratuitement. Pour le reste, un lien conduit à l’achat sur Amazon. Sans doute le temps de la bêta.
Enfin pour finir sur le chapitre technique, Download Squad note que SpiralFrog n’est accessible que sous Internet Explorer, à cause d’une utilisation intensive de l’ActiveX, mais que les paramètres de sécurité par défaut d’IE 7.0 empêchent l’utilisateur de se logger une fois qu’il a créé son compte.
Un modèle économique destiné à moins rémunérer les artistes ?
Par ailleurs, nos confrères soulèvent une question très pertinente. Selon eux, le fait que les fichiers soient limités à 30 jours de durée de vie a une fonction bien précise, qui n’est pas seulement d’obliger l’utilisateur à revenir consulter les publicités tous les mois. Le principe serait peut-être une astuce juridique pour éviter de qualifier l’acte de téléchargement de « vente », alors que les contrats de production entre les maisons de disques et les artistes prévoient une rémunération dont l’assiette est fixée généralement sur les ventes. Dans le cas de SpiralFrog, les maisons de disques pourraient faire passer les téléchargements sur SpiralFrog pour des diffusions promotionnelles, qui ne donnent pas lieu à rémunération pour l’artiste, puisqu’il n’y a pas de vente au sens propre.
Il s’agit bien sûr d’une accusation grave que l’on ne devrait pas croire…Mais le silence de SpiralFrog et d’Universal Music à ces interrogations nourrit les spéculations et la méfiance.
Rappelons que Airtist, qui lance en France un service de téléchargement sans DRM financé par la publicité, garantit aux artistes une rémunération de 0,12 euros par téléchargement.
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