Par Alban Martin : « Le client est roi chez les Majors, c’est bien connu. Il n’a donc aucune excuse pour ne pas utiliser les services proposés par l’industrie. »

Avec le procès d’Alexis, les Majors ont montré leur profonde méconnaissance marketing et commerciale. On avait bien compris que les Majors n’étaient pas des œuvres caritatives, et ça personne ne le remet en question. Mais du coup, pourquoi les Majors ne se comportent-elles pas comme des entreprises  » normales  » souhaitant faire des profits ? La règle pour générer des revenus, c’est de comprendre et satisfaire les besoins du marché pour vendre. Pas la peine d’avoir fait HEC pour le savoir.

Or les Majors pensent que les besoins du marché sont des DRM (protections des morceaux électroniques). On en a tellement besoin, nous, les consommateurs, qu’il faut les protéger aussi parce qu’elles sautent avant même leurs sorties. Les Majors pensent également que le Peer-to-Peer devraient disparaître car il est contre-productif. C’est vrai qu’un outil permettant de connaître en temps réel les requêtes et les besoins des consommateurs ne sert à rien. Comment utiliser à des fins marketing un outil délivrant instantanément des statistiques comportementales ?

Les Majors ont une telle culture client qu’elles ne proposent aux consommateurs que des produits qui répondent à ses besoins : 15 chansons quand seulement 2 ou 3 l’intéresse, pour le prix de 15 ; des CDs non compatibles avec des autoradios, pour le prix de la compatibilité ; des MP3s non compatibles avec certains lecteurs, pour le prix de la compatibilité. Sans parler de la politique de fidélisation de ses meilleurs clients : 15000€ d’amende pour Alexis qui a acheté 500 CDs originaux. Chez les Majors, on a bien compris que le bouche-à-oreille et les communautés représentaient un formidable outil commercial, donc autant les utiliser pour la nouvelle campagne de fidélisation.

Le client est roi chez les Majors, c’est bien connu. Il n’a donc aucune excuse pour ne pas utiliser les services proposés par l’industrie. D’ailleurs ces services ont tellement été pensés pour répondre à ses besoins qu’il faut le contraindre à les utiliser : procès, barrières techniques, incompatibilité, propagation de virus et faux fichiers en tout genre, messages subliminaux insérés dans les MP3s : c’est-à-dire que des outils marketing très performants enseignés notamment chez l’Oréal ou Procter & Gamble.

En prenant le client pour référentiel, et non pas l’entreprise et ses produits, les Majors auraient beaucoup à apprendre. Les sources de revenus apparaîtraient tout naturellement, et les clients deviendraient des consommateurs sans les forcer. C’est la magie de l’offre et de la demande. Le Peer-to-Peer est un signal fort du marché, l’entreprise qui l’ignore ne respecte pas les règles du marché, et ne doit pas s’attendre à voir le marché respecter les règles.

Alban Martin
Diplômé d’HEC, ancien consultant en stratégie et assistant trader à Londres, est l’auteur du livre «  The Entertainment Industry is Cracked, Here is the Patch ! « , aux éditions Publibook, Lauréat du prix de la fondation HEC du meilleur mémoire de recherche élève 2004.

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