L’éditeur de logiciels multimédia allemand Nero AG a décidé d’attaquer le consortium MPEG-LA en justice. Il lui reproche d’abuser de sa position dominante sur les droits de propriété intellectuelle relatif aux technologies d’encodage et de décodage de la vidéo.

Surtout connu pour ses logiciels de gravure, l’éditeur allemand Nero AG est aussi créateur de logiciels d’édition et de lecture de fichiers multimédia. C’est à ce titre qu’il vient de poursuivre en abus de position dominante le consortium MPEG-LA, qui administre au nom de ses membres les portefeuilles de brevets portant sur les formats de compression vidéo les plus largement répandus (MPEG-2, AVC/H.264, VC-1, MPEG-4 Visual,…).

Ces derniers jours, le MPEG-LA s’est encore distingué en conseillant aux industriels d’acquérir une licence H.264 pour se mettre à l’abri de toutes poursuites judiciaires s’ils utilisent le format VP8 libéré par Google dans le cadre du projet WebM. Contrairement à ce que tente de faire croire Apple qui détient certains des brevets en jeu, le MPEG-LA est tout sauf partisan d’un web ouvert appuyé sur des standards libres de droits.

Nero a donc porté plainte sous l’effet d’un profond agacement, voire d’une haine que voue désormais l’éditeur au collectif d’industriels. Il avait eu l’assurance pendant des années que la distribution des logiciels de démonstration (sharewares ou démos) qu’il fournit gracieusement au public ne constituait pas une transaction nécessitant un paiement de licence au MPEG-LA. Mais les choses ont changé brutalement en février 2008, lorsque le consortium a décidé de changer les termes. Ce que Nero ne pouvait pas refuser, sauf à renoncer à distribuer ses logiciels à succès.

Dans sa plainte résumée par OS News, Nero rappelle que le MPEG-LA n’avait échappé en 1997 à une procédure antitrust qu’en promettant de respecter un certain nombre d’engagements. Le consortium avait assuré au Département de la Justice américain qu’il demanderait à des experts indépendants de désigner les brevets essentiels au portefeuille du MPEG-2. Les autres devaient être écartés. Les autorités américaines avaient en outre demandé que les termes des licences soient « justes, raisonnables, et non discriminatoires« .

Mais selon l’éditeur allemand, rien de tout cela n’a été respecté. Le MPEG-LA aurait nommé un expert « indépendant » qui est en fait celui qui l’a aidé à créer l’organisation, à communiquer sur la politique de licences du consortium, à résoudre certains conflits, et qui a même témoigné au nom du MPEG-LA devant le Congrès. Il est aujourd’hui conseiller juridique du MPEG-LA aux Etats-Unis.

Le portefeuille de brevets sur le MPEG-2, dont l’organisation aurait indiqué à l’époque au Département de la Justice qu’il serait constitué de 53 titres de propriété intellectuelle « essentiels », a été ensuite étendu à plus de 800 brevets sous les conseils du soit-disant expert indépendant. Ce qui a permis d’augmenter la durée de vie du portefeuille, puisque les 53 brevets d’origine ont expiré.

Nero assure que le même procédé a été employé sur les portefeuilles de brevets du MPEG-4 Visual et du HVC/H.264, qui couvrent respectivement plus de 1000 et 1300 brevets. Avec autant de brevets listés, il coûte beaucoup plus cher à un industriel de faire expertiser leur validité au regard des technologies mises en œuvre dans ses propres produits, que d’acquérir une licence qui le protège de tout risque. Dans les faits, le MPEG-LA ne vend donc plus une technologie, mais une assurance juridique.

L’éditeur accuse aussi le consortium de cultiver une « culture de l’avarice« , qui encourage l’organisation à réclamer toujours plus de droits dans une opacité organisée, pour offrir des salaires et des bonus toujours plus mirifiques à ses dirigeants, parfois en nature sous la forme d’appartements ou de voitures de sport.

Aussi pour Nero, ces accusations et le fait que le MPEG-LA possède presque 100 % de parts de marché font qu’il n’y a aucune doute sur l’existence d’un abus de position dominante, sanctionné par les lois antitrust.

Prenant l’affaire de haut, le MPEG-LA a simplement assuré qu’il s’agissait d’une « réponse typique d’une entreprise qui ne se conforme pas aux termes de la licence qu’ils ont prise« .

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