Dans la course au buzz, la tentation est de plus en plus grande de publier une information d’abord et de la vérifier après. Au risque de propager des rumeurs très inquiétantes.

Si Twitter a pu être humain, beau et grand vendredi soir lors des attaques terroristes à Paris, il n’en demeure pas moins un réseau social où la rumeur se répand à grande vitesse et où, au lieu de protéger, elle peut devenir dangereuse. Un compte à très forte audience s’est d’ailleurs spécialisé dans la breaking news au sens le moins noble du terme : un relai immédiat de l’information sans vérification et sur le ton de l’urgence absolue.

Bien connu des Français, ce compte se nomme Infos140 et cumule plus de 70 000 abonnés. Vous avez sûrement dû le voir passer si vous êtes sur Twitter car les tweets qu’il publie commencent par un gros point de couleur selon la gravité supposée de l’information. Hier, on a pu le voir à l’œuvre sur le sujet du match annulé en Allemagne :

Capture d’écran 2015-11-18 à 08.41.46

À lire de bas en haut, on apprend donc en quelques minutes que le match de foot a été annulé à cause d’une ambulance chargée d’explosifs et que d’autres explosifs ont été trouvés en gare. Avant de lire peu de temps après que non, aucun explosif n’a été retrouvé. Au-delà de la désinformation, là où ce compte tenu pourtant par deux journalistes, peut devenir dangereux, c’est qu’il a beaucoup plus d’engagements sur ses rumeurs infondées que sur ses clarifications. Ici, les deux intox cumulent 3 000 retweets. La clarification n’en a que 357. Et malheureusement, les autres tweets qui ont pu créer la panique à République samedi soir ou à Bagnolet dans la nuit de vendredi à samedi ont été effacés. Après avoir été relayés plusieurs milliers de fois.

Dans le même genre LesNews est un compte qui surfe sur la même vague, animé par des amateurs bénévoles. Il a pu, lui aussi, créer la panique vendredi soir en annonçant des informations erronées sur Twitter, comme le rapporte Erwan Cario pour Libération :

827549-lesnews

Son fondateur, Anthony Sabre, a la décence de reconnaître son erreur, que le tweet était parti trop vite sans vérification. Mais une erreur qui, dans ce genre de situation, peut engendrer un mouvement de foule.

Car le deuxième problème lié à ces comptes vient de la viralité propre à Twitter : même si vous ne suivez pas Infos140 ou LesNews, vous avez forcément quelqu’un dans vos abonnements qui suit le compte et pourrait déclencher un retweet paniqué sur une information non vérifiée. Vous allez alors voir apparaître malgré vous Infos140 dans votre fil d’actualités. Une seule solution si vous choisissez de vous passer de ces sources : les bloquer.

Qui suivre ?

Dans ces moments de crise grave, les pouvoirs publics restent les mieux informés, même s’ils ne sont pas les premiers. Lors du raid de ce matin, la Ville de Saint-Denis a par exemple donné toutes les informations de la préfecture de police et des différentes administrations. Les tweets appelaient à la sécurité et non à la panique, il n’était pas question pour eux de parler d’une « fusillade », qui serait une attaque terroriste, mais bien d’une « intervention policière ».

À ce titre, le compte de la préfecture de police a joué un rôle très important ce week-end dans l’information : il a donné au bon moment des informations sur ce qui se déroulait et a fait de son mieux pour stopper net les rumeurs.

Les médias formés au traitement rapide de l’information ont également joué leur rôle sur les réseaux sociaux : l’AFP a relayé les bonnes informations sur son compte et a préféré l’attente au buzz quand les informations qu’elle recevait n’étaient pas corroborées par des faits. Des journalistes, sur leur compte personnel, ont aussi fait un travail remarquable de décodage de l’information : Samuel Laurent par exemple, pour Le Monde, a consacré son traitement de l’actualité depuis vendredi à vérifier les rumeurs et les folles histoires répandues sur le réseau social. Salvateur.

https://twitter.com/samuellaurent/status/666271309253488641

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