Sans l’humain, le robotique ne peut s’éveiller. Ainsi, par une relation entre le créateur et son objet, par essence, le robot n’a pas vocation à fuir l’humanité. Conçu par les humains pour les humains, un robot qui souhaite donc échapper aux humains semble paradoxal. De plus, à l’heure où les intelligences artificielles sont encore limitées et imprévisibles lorsqu’il s’agit d’interactions sociales plus complexes que simplement nous rendre service, un robot qui nourrirait le vœu d’échapper aux hommes est une illusion. À moins qu’une artiste n’en décide autrement.
Et c’est précisément le propos de Norma Jeane qui s’est associée au Codame, agence mêlant art et technologie, pour créer un robot disposant d’un trait humain peu convenable pour un quadripode : la timidité.
Jeane écrit à ce propos : « La timidité est considérée comme un comportement lié intrinsèquement à la condition humaine — aucun animal, aucune machine ne peut être timide. Il est dit que la timidité est un reflet de notre propre conscience, de notre incertitude concernant ce que nous représentons dans notre rapport à un monde lui-même fait d’êtres incertains. »
Pour cette plasticienne, dont les précédentes œuvres ont pu se retrouver tour à tour au MoMA comme au Palais de Tokyo, il y avait donc un défi à explorer ce paradoxe philosophique : un robot peut-il être de l’art dès lors qu’il a une finalité comprenant une fin — soit tout l’inverse de l’art selon Kant ? Et l’incertitude propre de la condition humaine, liée à la liberté à laquelle celle-ci est condamnée, peut-elle se programmer ? Comme une réponse, un ready-made du XXIe est né : le ShyBot.
Le ShyBot, équipé d’une caméra, diffuse une vidéo en streaming dans une galerie de Los Angeles, vous pouvez également suivre son parcours ici. L’intérêt de suivre le robot, plutôt que de l’ignorer comme il ignore l’humanité, est d’imaginer son point de vue, rien qu’un instant.
Il tente de saisir un point de vue, une perspective inédite : un quotidien sciemment déshumanisé. Lancé dans le fameux désert de Coachella, le quadripode est programmé pour précisément et immédiatement éviter tout contact avec les humains. Dès qu’il s’aperçoit d’une présence humaine, même un drone, le robot fuit littéralement. C’est pourtant là le choix d’un humain, Norma Jeane, qui souhaite comme couper le cordon qui lie créateur et objet.
En libérant le ShyBot du déterminisme humain qui pesait sur son algorithme, l’artiste a créé une bête de fiction, qui échappe à son créateur par définition, et qui invite à imaginer un monde où à notre exemple, les robots pourront expérimenter et saisir le poids de la liberté. Seul drame humain qui fait taire les hommes.
Coup de cœur de Wired, le ShyBot sera une des pièces les plus suivies du DesertX, une exposition dédiée au land-art dans le désert.
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