Après le Sénat, c’est au tour de l’Assemblée nationale de réceptionner une proposition de loi destinée à mettre en place une gestion collective sur le modèle des sociétés de gestion des droits d’auteur pour s’occuper des livres indisponibles du 20ème siècle. Le texte est très contesté, dans la mesure où il risque de léser l’auteur lui-même.

Déposée fin octobre au Sénat, la proposition de loi « relative à l’exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle » fait son entrée à l’Assemblée nationale. Le même texte de loi vient en effet d’être enregistré par Hervé Gaymard et cinquante collègues députés. Très contestée, cette proposition de loi compte s’appuyer sur les sociétés de gestion collective pour commercialiser des œuvres devenues indisponibles.

Le texte, s’il est adopté en l’état, risque pourtant de léser les auteurs eux-mêmes. Il n’offre en effet qu’un délai assez bref de six mois aux auteurs et aux éditeurs concernés pour s’opposer à la gestion collective de leurs ouvrages devenus indisponibles. Cette opposition ne peut se faire que par écrit, dès lors que l’œuvre a été enregistrée publiquement dans une base de données.

Dans le cas où l’éditeur manifeste son opposition à la gestion collective, il devra démontrer dans les deux ans l’exploitation commerciale de l’œuvre en question. S’il n’y parvient pas pour une raison ou pour une autre, le texte de loi prévoit de lui faire perdre le bénéfice de cette opposition. Au-delà de ce délai, l’exploitation numérique du livre sera gérée par une société de gestion collective.

Si la période de six mois s’est écoulée et qu’aucune opposition n’est survenue, la proposition de loi prévoit toutefois la mise à disposition d’une licence d’exploitation exclusive d’une durée de cinq ans et renouvelable que l’éditeur a deux mois pour accepter. Passé ce délai, n’importe qui pour éditer l’ouvrage en s’acquitant des droits auprès de la société de gestion collective en charge de la gestion de l’œuvre.

Dans l’hypothèse où l’éditeur fait le choix de cette licence exclusive, une dernière porte de sortie sera proposée à l’auteur pour s’y opposer. Il faudra pour cela que ce dernier alerte dans les deux mois la société de gestion collective pour lui signifier que son contrat avec l’éditeur était devenu caduc et que l’éditeur n’avait en réalité plus aucun droit à faire valoir.

Le risque pour les auteurs se situe ici. Avec ce nouveau système, les éditeurs pourraient être très tentés de retrouver une exclusivité perdue avec le temps. Les moyens à leur disposition étant nettement plus important que ceux des auteurs, ils auront beaucoup plus de facilité de suivre les mouvements des ouvrages inscrits dans la base de données.

La sortie d’un ouvrage de la base de données est également assez contraignante. L’auteur et l’éditeur devront s’accorder pour demander ensemble la désinscription du livre de la base. À ce moment-là, ils retrouveront chacun la plénitude de leurs droits. Cependant, cela n’annulera pas les licences déjà octroyées, qui resteront valides, et l’éditeur aura 18 mois pour reprendre l’exploitation commerciale de l’œuvre.

La portée de cette proposition de loi est loin d’être négligeable puisqu’elle prévoit que toutes les œuvres nées aux 20ème siècle devenues indisponibles seront par principe gérées par une société de gestion collective ayant reçu un agrément du ministère de la culture. Cela couvre potentiellement des milliers d’œuvres publiées avant 2001.

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