Comme si interdire pénalement aux femmes de s’habiller comme elles le veulent pour aller dans la mer n’était pas suffisamment absurde voire choquant en soi, voilà que Christian Estrosi en remet une couche. Le vrai-faux maire de Nice, qui n’est officiellement qu’adjoint du vrai maire (pour éviter de tomber sous le coup des cumuls de mandat), a fait publier un communiqué de presse par la mairie de Nice, pour annoncer qu’il porterait plainte contre ceux qui diffuseraient des photos de policiers municipaux qui verbalisent les femmes coupables d’exercer ce qu’elles croyaient être leur liberté de s’habiller de la tête aux pieds sur les plages.
« Des photos montrant des policiers municipaux de Nice dans l’exercice de leurs fonctions circulent depuis ce matin sur les réseaux sociaux et suscitent des propos diffamatoires et des menaces à l’encontre de ces agents », assure le communiqué. Il évoque implicitement les clichés diffusés mardi par le Daily Mail, qui font désormais le tour du monde et donnent de la France l’image exécrable qu’elle est peut-être effectivement en train de mériter.
Poursuivre ceux qui diffusent les photographies de nos policiers municipaux
On y voit quatre policiers qui obligent une femme allongée sur la plage de Nice à retirer sa tunique et donc à laisser apparaître un corps qu’elle préférait dissimuler, pour des raisons qu’elle seule peut affirmer.
https://twitter.com/aishagani/status/768184264672161793
#women continue to pay the price of ignorance #BurkiniBan (image by khalidAlbaih) pic.twitter.com/TXRLMqybJj
— Nagla Rizk (@naglarzk) 24 août 2016
« Je dénonce ce qui apparaît comme une manipulation qui dénigre la police municipale, et met en danger ses agents », dénonce Christian Estrosi, qui prévient : « D’ores et déjà, des plaintes ont été déposées pour poursuivre ceux qui diffusent les photographies de nos policiers municipaux ainsi que ceux qui profèrent à leur encontre des menaces sur les réseaux sociaux ».
« La Ville de Nice se tiendra au côté de ses agents pour assurer leur protection en déposant notamment un article 40 auprès du Procureur de la République », c’est-à-dire un signalement d’infraction pénale.
Interrogée par Numerama, la mairie de Nice n’était pas en mesure ce mercredi après-midi de nous préciser les bases légales d’une telle plainte, les policiers ne bénéficiant pas de protection particulière qui interdirait par principe de prendre en photos ou en vidéo leurs actions dans l’espace public, ou de les diffuser.
Depuis l’arrêté anti-burkinis pris le 18 août, 24 verbalisations ont été effectuées sur le territoire de la ville de Nice.
On peut toutefois noter que toutes les vidéos ou photos prises ne sont pas en défaveur des policiers. Ainsi par exemple, celle-ci montre un agent désabusé, qui tente tant bien que mal de justifier un arrêté dont il semble ne pas partager les objectifs :
On ne saurait en tout cas que trop conseiller à Christian Estrosi et ses équipes de lire l’interview du journaliste David Thomson sur Franceinfo, qui démonte tout le socle idéologique prétendu derrière l’interdiction des burkinis, et explique que cette intolérance institutionnalisée aura des conséquences néfastes à long terme :
Pour eux, c’est du pain bénit. Le récit jihadiste martèle depuis des années qu’il serait impossible pour un musulman de vivre sa religion dignement en France. Alors évidemment, dès leur diffusion, ces photos sont passées en quelques minutes à peine en tête des sujets les plus discutés dans la « jihadosphère », où la tonalité générale était : « La France humilie une pauvre musulmane. »
(…)
Pour celles qui le portent, ce vêtement de bain est paradoxalement vécu comme un compromis entre leur conservatisme religieux et la société occidentale moderne.
Ce compromis est intolérable chez les salafistes et les jihadistes. Dans ces milieux, les femmes ne vont tout simplement pas à la plage ou alors dans des conditions beaucoup plus strictes et sûrement pas en burkini, entourées d’autres femmes en bikini. Le burkini est jugé non conforme à leur interprétation du Coran et de la sunna [la loi divine].
En revanche, son interdiction génère des crispations très fortes dans une grande partie de la communauté musulmane, et en donnant corps à la propagande jihadiste, il n’est pas impossible que cette polémique génère une fracture, un dégoût de la France chez certains musulmans, au-delà même des cercles salafistes ou jihadistes.
Mais l’on imagine qu’il est plus simple et plus électoraliste d’annoncer porter plainte contre ceux qui dénoncent une telle folie, que d’avoir la sagesse de réfléchir au sens profond de ses actions et de leurs implications.
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