Après avoir mis en application cette formule sur les jeux pour PC, Ubisoft a décidé de ne plus accompagner ses jeux PS3 et Xbox 360 de manuels en papier. Les joueurs pourront tout simplement profiter des tutoriaux qui accompagnent la plupart des titres. La décision était attendue, mais l’excuse écologique avancée par Ubisoft est d’une rare hypocrisie, même si l’éditeur français remplace au passage tous ses emballages par des boîtes en carton 100 % recyclables.
On doute que l’empreinte carbone d’un manuel imprimé représente une part importante de l’empreinte écologique totale par rapport à la fabrication du DVD réalisé à base de pétrole, par rapport au transport des boîtes, aux batteries d’ordinateurs et de serveurs utilisés pendant et après le développement du jeu, etc., etc. Certes, tout effort est bon à prendre, et il faut le saluer. Mais ça n’est ici clairement pas la motivation d’Ubisoft.
En fait, l’éditeur qui a déjà entamé sa réputation avec des DRM qui gênent uniquement ses clients veut dévaloriser volontairement le produit qu’il vend en magasin. Pas pour les vendre moins chers ni même augmenter ses profits en réalisant des économies d’échelle, mais pour que les boîtes de jeux perdent leur attractivité par rapport aux mêmes jeux vidéo dématérialisés vendus à un prix très proche sur Steam, Xbox Live ou Playstation Network. Pourquoi aller acheter en magasin un simple DVD sans aucune valeur ajoutée alors que l’on peut avoir strictement la même chose pour légèrement moins cher sur sa console de jeux ?
Avec la dématérialisation totale, les économies d’échelles et les profits pour les éditeurs sont maximisés. Le nombre des intermédiaires dans la chaîne de valeur se réduit considérablement et, avantage supplémentaire, le marché du jeu vidéo d’occasion est tué dans l’oeuf. Il n’est plus possible de prêter un jeu à un ami après l’avoir fini, ou de le revendre à la boutique du coin. Mais l’échec de la PSP Go, qui repose entièrement sur les jeux dématérialisés, a montré aux éditeurs qu’il fallait user de stratagèmes pour éviter de se couper brutalement du marché physique, et favoriser une transition progressive. Dévaloriser l’objet sous un prétexte écologique jusqu’à n’en faire qu’un simple support matériel plus coûteux pour le consommateur est une méthode aux effets garantis.
Mais les joueurs n’ont pas un porte-monnaie illimité. Sans une baisse de prix significative, les éditeurs pourraient vendre en réalité moins de jeux qu’auparavant. Les fabricants de voiture encouragent et organisent le marché de l’occasion parce qu’ils savent que la possibilité de revendre une voiture facilite l’achat d’un véhicule neuf. A plus petite échelle, le même schéma se produit pour les jeux vidéo.
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