Le ministère de l'agriculture a exclu de corriger la loi de 2009 qui encadre la publicité pour l'alcool sur Internet, évitant de raviver les craintes des professionnels. Mais ce faisant, il laisse également un flou juridique sur l'utilisation des réseaux sociaux par les vignerons.

Alors que la profession viticole se plaint du flou de la loi Evin et de la jurisprudence relative à l'encadrement de la publicité pour l'alcool sur Internet, le Gouvernement ne semble pas vouloir toucher aux textes de lois actuels. Dans une réponse adressée jeudi à la sénatrice Françoise Férat (UDI-UC), le ministère de l'agriculture a estimé que "la publicité est encadrée mais reste ouverte sur les nouveaux moyens de communication", et a exclu de modifier les textes de loi. 

"L'accès à internet pour la publicité en faveur des boissons alcoolisées reste donc défini par la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires qui a pris en compte les préoccupations prioritaires de santé sans écarter les contraintes commerciales des opérateurs", écrit le ministère.

D'un côté, ce statu quo est une bonne nouvelle pour les professionnels du vin, qui craignaient les conséquences de l'action 11.1 du plan Cancer 2014-2019 (.pdf). Celui-ci demandait d' "améliorer le respect des restrictions de publicité et des modalités d’avertissements sanitaires s’appliquant aux boissons alcooliques et adapter les dispositions relatives à la publicité et à la promotion des boissons alcooliques pour renforcer la protection des mineurs (publicité sur internet et réseaux sociaux)". Les viticulteurs craignaient que cette action ne remette en cause la loi de 2009, qui avait ajouté les publicités sur Internet à la liste des exceptions au principe général d'interdiction des publicités pour l'alcool, imposé par la loi Evin. 

L'usage des réseaux sociaux en question

Mais d'un autre côté, le statu quo implique le maintien de la jurisprudence établie par l'arrêt Ricard de la cour de cassation, qui a fortement restreint l'utilisation des réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter par les alcooliers. La cour avait en effet confirmé la condamnation de Ricard, notamment au motif que la société avait créé une application qui permettait aux internautes de publier sur leur mur Facebook un message promotionnel pour la boisson alcoolisée. La justice y voyait une forme de publicité "intempestive, inopinée et systématique", alors que la loi de 2009 interdit sur Internet "la propagande ou la publicité intrusive".

"L'argumentation de la Cour de Cassation est véritablement inquiétante. En effet, si les réseaux sociaux n'ont pas été expressément exclus par la loi de 2009 qui a ouvert internet à la publicité pour les boissons alcoolisées, la condamnation du mécanisme de propagation virale propre aux réseaux sociaux dont Facebook, qualifié de « réseau social de convivialité » (donc contraire à la Loi Evin ?) revient à rendre la présence sur ces réseaux compliquée", s'était inquiétée l'association Vin et Société, qui fédère les acteurs de la filière viti-vinicole française.

Un risque juridique anachronique ?

Elle dénonçait le flou juridique qui créait un risque pour les professionnels qui veulent utiliser les réseaux sociaux comme caisse de résonance pour faire connaître leurs produits.

"Est-ce qu’un vigneron qui a sa page Facebook et présente à ses consommateurs son travail à la vigne et en cave au cours de l’année doit être considéré comme un ennemi de la santé publique? Est-ce vraiment l’ultime violence existant sur Internet ?  Comment les vignerons vont-ils pouvoir parler de leurs vins alors que pour la plupart, ils n’ont pas les moyens de communiquer par d’autres biais qu’Internet ?".

Autant de questions qui restent ouvertes. "Il paraît inconcevable que la filière viticole française (…) ne puisse pas user des technologies actuelles d'information et de communication auprès des consommateurs de vins", avait relayé la sénatrice Françoise Férat. "L'usage d'internet ne doit pas être interdit aux producteurs de vins tranquilles ou effervescents pour nouer des liens de partage, de communication et d'information avec les consommateurs."

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