Considérée comme la dernière dictature d’Europe, la Biélorussie est loin d’être un havre de paix pour les journalistes, les opposants politiques et les défenseurs des droits de l’Homme. Dirigé depuis 1994 par Alexandre Loukachenko, le pays est régulièrement pointé du doigt par les nations occidentales. Des critiques qui n’ont en réalité que peu d’effets, puisque le pouvoir poursuit sa dérive autoritaire.
La dernière manifestation des dérapages de la Biélorussie a été signalée par la Bibliothèque du Congrès, le 30 décembre dernier. Le pays, autrefois intégré à l’Union soviétique, a en effet modifié sa législation de sorte qu’à partir du 6 janvier 2012, la navigation en ligne sur des sites étrangers sera passible de poursuites. Les internautes pris sur le fait devront alors verser une amende pouvant atteindre près de 100 euros.
« La loi exige que toutes les entreprises et tous les particuliers qui sont recensés comme entrepreneurs en Biélorussie utilise exclusivement les domaines Internet nationaux pour fournir des services en ligne, effectuer des ventes ou échanger des messages électroniques » est-il expliqué. Or, la législation est rédigée de sorte que les sites étrangers pourraient causer des ennuis aux internautes biélorusses.
« Supposons qu’une personne en Biélorussie achète quelque chose sur Amazon, qui n’est pas une compagnie biélorussie et qui n’est pas non plus enregistré dans le pays. La transaction est illicite, et le procureur général contacterait Amazon pour l’informer que cela viole la législation locale et que le site s’expose à des poursuites » écrit la Bibliothèque du Congrès.
Une situation que le site de commerce en ligne cherchera éviter rapidement. « Il est probable que la Biélorussie fermera l’accès à son site aux visiteurs en provenance de la Biélorussie, parce que ces derniers représentent une part négligeable des visiteurs d’Amazon et que les conséquences judiciaires initiées par le gouvernement biélorusse entraînent un problème majeur » poursuit l’auteur, Peter Roudik.
Toujours selon la Bibliothèque du Congrès, la loi permet aussi aux autorités de mettre en œuvre le blocage de sites web selon différents critères aux contours assez flous. Cela concerne notamment les sites pornographiques ainsi que ceux contenant des informations de nature extrêmiste. Une formulation suffisamment vague qui permettra au gouvernement de ratisser large.
À l’origine de cette loi, un décret intitulé « sur les mesures pour améliorer l’utilisation du réseau national d’Internet » présenté en février 2010 et entré en vigueur cinq mois plus tard. Selon RSF, il oblige également les opérateurs de s’enregistrer auprès du ministère de la communication et exige de tout connaître sur les éléments techniques des réseaux, des systèmes et des ressources d’informations Internet.
L’ONG note également que le décret nécessite l’identification par les FAI de chaque support permettant de se connecter à Internet, ce qui inclut les ordinateurs et les mobiles. Les internautes devront renseigner leur identité lorsqu’ils se rendant dans un cybercafé ou dans le cas de connexions partagées par plusieurs personnes. La durée de rétention de ces informations est de un an.
« Cette mesure cherche à dissuader les citoyens de continuer de s’informer auprès de sites indépendants ou d’opposition » estime RSF, qui considère que cette disposition « institue clairement une censure au sommet de l’Etat« . Les demandes de fermeture d’un site devront être satisfaites dans un délai de 24 heures par les FAI. Cependant, une possibilité de contestation devant la « justice » biélorusse sera possible.
Selon le dernier classement de Reporters Sans Frontières (RSF), établi en 2010, la Biélorussie pointe à la 154ème place du classement mondial de la liberté de la presse. C’est à dire en bas du tableau. Le pays a également le triste privilège d’être listé dans la catégorie des « pays sous surveillance » pour le contrôle de plus en plus fort du pouvoir sur Internet.
Mais avec les récentes évolutions pourraient bien faire basculer le pays dans la catégorie du dessous, qui regroupe les « ennemis d’Internet ». Rappelons qu’en 2005, l’ancienne administration de George W. Bush avait classé le pays comme l’un des « avant-postes de la tyrannie », aux côtés de Cuba, de l’Iran, de la Birmanie, de la Corée du Nord et du Zimbabwe.
Reste à savoir comment réagira l’Union européenne et les différents organes européens, en particulier l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Rappelons que la Commission européenne a annoncé au début du mois de décembre son intention de fournir des outils aux internautes étrangers afin de les aider à communiquer et à naviguer malgré la surveillance et les tentatives de censure.
( photo : European Federalists )
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