L’État, qui refuse depuis 2010 d’indemniser les FAI pour leur travail d’identification des internautes piratant des œuvres sur Internet, pourrait être condamné par le Conseil d’État à le faire.

Dans le cadre de la riposte graduée en France, les fournisseurs d’accès à Internet ont l’obligation de transmettre à la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) l’identité de leurs abonnés qui ont été repérés sur les réseaux P2P par Trident Media Guard, la société qui est chargée par les ayants droit de collecter les adresses IP des internautes suspectés de violer le droit d’auteur.

Seulement voilà : cette identification a un coût, que les opérateurs veulent facturer, moins de 1 euro par adresse IP identifiée. Mais dans la mesure où la riposte graduée a débouché sur l’envoi de 5,74 millions de mails d’avertissements, 525 000 courriers Hadopi en recommandé, et dressé 2 919 constats de négligence caractérisée en troisième phase de la procédure, en date du 31 octobre 2015, cela commence à chiffrer.

[floating-quote float= »right »]Les Sages ont tranché la question en 2000.[/quote]

En théorie, c’est l’État qui doit prendre en charge cette dépense, en remboursant les opérateurs pour leur participation. Il ne s’agit pas d’un caprice : c’est le Conseil constitutionnel lui-même qui le dit, dans une décision du 28 décembre 2000. « Le concours apporté à la sauvegarde de l’ordre public, dans l’intérêt général de la population, est étranger à l’exploitation des réseaux de télécommunications », et donc « les dépenses en résultant ne sauraient dès lors, en raison de leur nature, incomber directement aux opérateurs ».

Sauf que le gouvernement ne l’a pas entendu de cette oreille. De ce fait, depuis 2010, l’État refuse tout simplement de dédommager les opérateurs pour leur implication dans l’usine à gaz qu’est Hadopi. Du coup, ce sont les fournisseurs d’accès qui doivent supporter seuls les coûts d’identification des internautes suspectés d’échanger des fichiers protégés par le droit d’auteur sur les réseaux P2P.

Mais c’était sans compter la détermination de certains opérateurs à faire valoir leur bon droit. BFM signale que Bouygues Télécom a porté l’affaire devant le Conseil d’État et que celui-ci pourrait lui donner raison. En effet, le rapporteur public, Béatrice Bourgeois-Machureau, a recommandé ce lundi de donner raison au FAI. Or, l’avis du rapporteur public est souvent respecté par le Conseil d’État, dont la décision sera bientôt rendue.

Le rapporteur public donne raison à Bouygues. Le Conseil d’État suivra-t-il ?

Si c’est le cas, Bouygues ne sera pas le seul à bénéficier de cette jurisprudence naissante : Orange, Free et SFR-Numericable pourront s’engouffrer et réclamer à leur tour que les procédures d’identification soient dédommagées. En 2012, celles-ci étaient estimées à 2,5 millions d’euros par trois FAI. En 2015, la facture pourrait dépasser les 10 millions d’euros (pour plus de 18 millions de demandes d’identification) pour les opérateurs concernés.

L’État, toutefois, pourrait trouver de nouvelles astuces pour continuer à éviter de payer la note. Le juriste Alexandre Archambault, excellent connaisseur du droit des télécoms et des négociations avec l’État, explique ainsi que Bercy pourrait tenter de prétendre que les FAI se sont déjà indemnisés en incluant implicitement le remboursement des frais Hadopi dans les frais généraux que payent tous les abonnés avec leur facture. Si les fonctionnaires de l’État arrivent à le prouver, il n’y aurait alors aucune raison que les opérateurs se remboursent deux fois, ce qui serait même illégal.

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