Confirmant de nombreux doutes sur la question, le secrétaire général aux affaires juridiques à la CNIL vient d’avertir que la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés se penche sur la question de la légalité des procédures engagées par la SCPP. Mais cette erreur juridique de la SCPP, si elle était avérée, n’est-elle pas tout simplement volontaire ?

La SCPP expliquait récemment que pour pouvoir cibler les 20 internautes contre qui elle portait plainte pour violation de droits d’auteur, elle avait regardé le contenu de dossiers partagés sur les réseaux P2P, et relevé les adresses IP de certains de ces utilisateurs avant de les livrer à la police.

Or la CNIL a depuis longtemps affirmé que les adresses IP constituaient des données personnelles nominatives dont la collecte devait être autorisée par les personnes visées. Pour Christophe Pallez, secrétaire général de la Commission, il n’y a donc que deux scénarios possibles. Soit la SCPP a fait appel à un officier public (un huissier) pour relever des adresses IP qui apparaitraient directement à l’écran, auquel cas se posera des problèmes d’acceptation de la preuve devant un juge. Soit la SCPP a collecté ces adresses par un procédé technique quelconque, auquel cas elles devront être refusées par le juge puisque collectées illégalement.

« La Cnil continue de s’interroger sur les conditions dans lesquelles ces opérations ont été menées, et sur leur légalité même. Nous sommes pour le moins circonspects. Quoi qu’il en soit, un juge pénal qui serait saisi d’une preuve constituée de manière illicite pourrait très bien rejeter cette action« , confiait ainsi C.Pallez à 01Net.

Une faute volontaire de la part de la SCPP ?

Dans un article que nous rédigions pour notre partenaire anglophone P2Pnet.net, nous nous interrogions mercredi sur le véritable sens de cette affaire. Le parallèle avec ce qui s’est passé au Canada ne nous semble en effet pas étranger.

Souvenons nous que la CRIA (la RIAA canadienne) avait elle même déposé 29 plaintes contre des internautes du pays. Certains juristes qui avaient construit la défense au sein de la faculté de Droit d’Ottawa nous avaient alors fait part de leurs doutes. Le dossier monté par la CRIA était tellement vérolé d’erreurs grossières qu’il ne pouvait selon eux s’agir que d’erreurs volontairement apportées pour perdre l’affaire. Et l’affaire fut perdue.

Quel rapport nous direz-vous ? Il est simple.

L’intérêt pour la CRIA de perdre ce dossier était de mettre en avant l’absence en droit canadien d’interdiction de mettre les œuvres à disposition du public (c’est-à-dire, en langage P2P, de les mettre en partage). Et le juge ne s’est d’ailleurs pas gêné de le rappeler haut et fort, avant de rejeter les plaintes contre X lancées par l’association canadienne. De cette manière, l’industrie pouvait rapidement aller pleurer dans les bras du gouvernement et demander une réaction urgente : l’adoption des accords OMPI de 1996 qui, entre autres, ajouteraient la mise à disposition des œuvres à la longue liste des actes de contrefaçon.

L’intérêt pour la SCPP de perdre cette affaire est tout aussi franc. Un projet de révision de la loi informatique et libertés est actuellement sur les tablettes du Parlement et prévoit que les ayants droit pourront collecter les adresses IP en vue de déposer des plaintes contre les utilisateurs pirates, et même établir une liste noire en cas de récidive. Si la SCPP perd ces procès parce que le juge refuse de recevoir l’adresse IP comme élément permettant d’identifier l’internaute, elle pourra elle même faire pression beaucoup plus facilement pour que le parlement adopte ces dispositions liberticides et dangereuses pour la sécurité de l’internaute (puisque rappelons qu’une seule adresse IP peut être utilisée par des centaines d’internautes connectés en réseau, ou très facilement « volée » dans le cas notamment de réseaux sans fil).

Théorie du complot, peut-être, mais convenons que la faute (s’il est est) est grossière de la part d’une industrie dont les avocats connaissent mieux que quiconque la loi…

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