Des expérimentations de sortie simultanée de longs-métrages en VOD et au cinéma ont lieu depuis 2012 en Europe, mais la France se montre très en retard sur ce sujet. En effet, les propriétaires et exploitants de salles sont vent debout contre cette idée.

Ce n'est pas demain la veille que les films pourront sortir simultanément en salles et en vidéo à la demande (VOD). Alors que des expérimentations de ce type ont actuellement lieu dans plusieurs pays européens, la France reste très en retrait sur ce sujet. La raison ? Les propriétaires et exploitants de salles refusent tout bonnement d'en entendre parler.

"Rien n'est comme la France"

"On nous parle effectivement d’expériences européennes partout, mais rien n’est comme la France. Rien ! Aucun pays au monde n’a un réseau de salles de cinémas comme le nôtre et de circuits de cinémas itinérants", a ainsi clamé Richard Patry, le président de la Fédération nationale des cinémas français, qui représente 2000 membres contrôlant 5612 salles, lors des Rencontres cinématographiques.

"Nous, on est contre. Vous connaissez le discours que je fais tout le temps : rien avant la salle, rien pendant ; après, on est des gens responsables prêts à discuter sur des assouplissements qui sont possibles pour permettre à certains films d’accéder un peu plus rapidement à la VOD, à la vidéo ou aux nouveaux entrants", a-t-il ajouté, interrogé par le magazine Édition Multimédi@.

La chronologie des médias prise en otage

Et la Fédération nationale des cinémas français (FNCF) a un argument de poids pour peser dans les discussions : elle est signataire de l'actuelle chronologie des médias. Or, c'est justement ce mécanisme qui organise la disponibilité d'un long-métrage sur les différents modes de diffusion existants. Et la FNCF a justement bien l'intention à maintenir les choses en l'état.

Selon le dispositif actuel, il doit s'écouler quatre mois pour qu'un long-métrage sorti au cinéma arrive sur un service de vidéo à la demande avec paiement à l'acte. Des dérogations exceptionnelles peuvent parfois être décidées, pour réduire ce délai (si le film n'a pas bien marché) ou l'allonger (s'il connaît un succès tout particulier dans les salles obscures).

Faute d'accord professionnel, les expérimentations de sortie simultanée doivent être réalisées à l'étranger. Quant à une évolution effective de la chronologie des médias visant à autoriser un alignement de la VOD sur la sortie en salle, c'est aujourd'hui du domaine du fantasme. Au mieux y aura-t-il des évolutions à la marge de la marge, pour des œuvres très anecdotiques.

Pas de cannibalisation entre la VOD et les salles

Une étude présentée ce printemps lors du Festival de Cannes a pourtant indiqué que les films qui sortent simultanément en vidéo à la demande et au cinéma sont d'abord regardés dans les salles. Le choix de la VOD est surtout privilégié dans les régions où le film n'est pas proposé à l'affiche. Autrement dit, les deux modes d'accès ne se cannibaliseraient pas l'un l'autre.

Et justement, les salles de cinéma ont une capacité de rotation limitée. Même les plus grands multiplexes ne sont pas en mesure de projeter tous les films. Ceux qui sont malgré tout proposés à l'affiche ne restent pas toujours très longtemps (sans parler de certains blockbusters, qui occupent plusieurs salles à la fois). Or, la VOD pourrait justement apporter un début de solution.

Bruxelles a lancé en 2012 une initiative publique consistant à expérimenter cette piste pour "évaluer les avantages de la sortie de longs-métrages sur différentes plates-formes le même jour". Un premier test grandeur nature a eu lieu en 2013 avec un film documentaire sur l'artiste brésilien Gilberto Gil.


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