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« Mon cerveau est en train de pourrir » : quand faire rire sur TikTok mène au surmenage

Des TikTokeurs qui amusent la galerie, il en existe à la pelle. Parfois, certains d’entre eux annoncent d’un jour à l’autre qu’ils vont faire une pause ou même carrément supprimer l’app. On s’est demandé ce qui les poussait à dire stop à TikTok.

Plus de 280 000 abonnés, des vidéos drôles postées tous les jours ou presque, pour râler sur l’actualité, déjeuner en partageant ses états d’âme ou lâcher quelques pas de danse… Thomas avait l’air de s’amuser sur TikTok autant qu’il amusait ses fans. Pourtant, au mois de mars, presque un an après son arrivée, il annonce à travers plusieurs vidéos qu’il a besoin de prendre du recul sur cette application.

Les créateurs de contenus humoristiques sur TikTok rencontrent un franc succès. Ils sont là pour réagir dans l’immédiat avec cynisme à chaque actualité ou pour offrir des pastilles vidéos de quelques dizaines de secondes pour se moquer des petits riens du quotidien. Une fois qu’ils ont percé, certains se mettent une certaine pression pour tenter de maintenir en hausse un nombre de vues, de likes et d’abonnés. Pour continuer à percer l’algorithme de TikTok, il faut produire beaucoup en quantité et en qualité. Une exigence pas toujours facile quand il s’agit d’écrire des sketchs et penser à des blagues à longueur de journée.

Thomas, le responsable de magasin de déco devenu TikTokeur par la force des confinements, a vécu la mécanique TikTok comme un « cercle vicieux ». Il était persuadé de se lancer dans la création de vidéos sans se mettre la pression, « juste pour rire ». Mais quelques mois plus tard, il a réalisé que la hausse de sa courbe de popularité lui importait de plus en plus. « Parfois je réfléchissais pendant plusieurs heures en me demandant : 'Qu'est-ce que je pourrais dire ? Il faut absolument que je sorte une vidéo' », se souvient-il, interrogé par Numerama.

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Ce manque d’inspiration s’est couplé à de nombreux commentaires négatifs et une baisse de popularité… À son corps défendant, il se sent blessé par les commentaires insultants et vit les baisses de vues « comme un échec professionnel ». « C’était un tout, explique-t-il. On se dit que plus rien ne va alors qu'en soi dans la vraie vie, tout va bien. » Alors, Thomas dit stop. Il préfère se consacrer à d’autres plateformes qu’il considère comme « moins malsaines » pour lui comme Instagram et YouTube.

Il voit plusieurs avantages à basculer sur ces réseaux. Sur Instagram, il constate que les commentaires sont beaucoup moins virulents -- « probablement parce que le public de TikTok est très jeune, quand ils voient une vidéo avec un point de vue différent du leur, ils attaquent ». Sur YouTube, il peut réaliser des vidéos plus longues et fidéliser ses abonnés avec des rendez-vous récurrents, car sur YouTube, les créateurs de contenu ne subissent pas le côté aléatoire et mystérieux de l'algorithme TikTok. Enfin, mettre un frein à son utilisation de TikTok lui permet aussi tout simplement de passer moins de temps sur cette application chronophage. Entre les vidéos des autres pour garder un œil sur les tendances et les tâches répétitives pour la création de contenu, TikTok peut vite donner mal au crâne.

Du stress aux réactions physiques

Thomas n’est pas le seul à avoir subi une overdose de TikTok en tant que créateur de contenu. Enymaa, qui compte près de 130 000 abonnés, a lui aussi annoncé son départ de la plateforme le 22 mars dernier. Le TikTokeur, toujours masqué, alternait entre vidéos de chant pour faire marrer ses potes et blagues en voiture ou avec son père. « J’ai l’impression que mon cerveau est en train de pourrir », dit-il dans le TikTok qui annonce son départ. Il explique avoir des musiques TikTok dans la tête toute la journée parce qu’il passe trop de temps sur l’application. « J’ai besoin de faire autre chose, lire des livres », ajoute-t-il. Il promet qu’il reviendra quand ça ira mieux pour lui, mais depuis un mois, c’est silence radio.

https://www.tiktok.com/@enymaa/video/6942473199733001478?lang=fr&is_copy_url=1&is_from_webapp=v1

Caroline Cuny, docteure en psychologie cognitive et professeure à Grenoble École de Management, explique à Numerama que les likes et les abonnements déclenchent une stimulation liée au système de récompense qui va donner envie à celui ou celle qui les reçoit de reproduire cette émotion. À l’inverse, quand tout cela s’arrête, « ça peut créer du stress et impacter la confiance en soi et l’estime de soi », détaille la psychologue. Elle ajoute : « Il y a des gens qui peuvent avoir des épisodes dépressifs parce que leur popularité baisse sur les réseaux sociaux ».

Tomy, lui, ne parle pas « d’épisode dépressif », mais de « période compliquée ». Le serveur originaire du sud-ouest, au chômage partiel, a commencé à créer du contenu lors du deuxième confinement. Il racontait des anecdotes sur le milieu de la restauration en période de Covid. Très rapidement, ses vidéos atteignent des dizaines de milliers de likes. Puis, « tout a baissé d’un coup », raconte Tomy auprès de Numerama. Il se pose des questions sur sa créativité, la qualité des contenus qu’il propose. Le stress ne fait qu’augmenter. « Je dormais moins, j’ai eu des plaques de stress », témoigne-t-il.

Prendre du recul pour ne pas sombrer

Caroline Cuny conseille de « replacer les choses dans une certaine perspective » : « je suis responsable du contenu que je produis, mais je ne suis pas responsable de ce que les autres en font, qu’ils partagent ou non, que l’algorithme relaie ou non, ça n’est pas de mon propre fait ». Inutile de ruminer sur quelques vidéos qui ne rencontrent pas le même succès que les autres et plutôt rester concentré sur « le moment présent ». Plus facile à dire qu’à faire ?

Antoine applique ces conseils à la lettre. Il s’est vite rendu compte qu’être inspiré pour du contenu tous les jours allait être impossible pour lui. « Pour moi, si on fait des vidéos d'humour c'est pour faire marrer les gens, ce n'est pas pour gagner en abonnés », déclare-t-il, interrogé par Numerama. Pour se préserver, il choisit de ne pas regarder les commentaires sous ses vidéos et de se concentrer sur les messages positifs qu’il reçoit. « J’essaie toujours de garder en tête que c’est moi qui utilise TikTok et pas l’inverse ». Mais sa popularité augmentant au fur et à mesure, il sait qu’il n’est pas à l’abri de sombrer : « Le jour où je vois que faire 50 likes, ça m'affecte, je me poserai des questions et j'arrêterai peut-être de faire des vidéos ».

Grâce à son entourage, Tomy, le serveur du Sud Ouest, est parvenu à prendre du recul et à se reprendre en main. Il décide alors de ne pas abandonner l’aventure TikTok. Désormais, il s’impose un rythme de publication journalier en se préparant davantage : « J’ai des semaines d’avance sur l’écriture de mes vidéos ». Mais cela ne l’empêche pas de penser à TikTok quand il va dormir et dès qu’il se réveille.