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Pourquoi le retour de Richard Stallman agace le monde du logiciel libre

Que se passe-t-il avec Richard Stallman ? Depuis une semaine, cette figure du logiciel libre est contestée. En cause, son retour à un poste de direction à la FSF, sur fond d'affaire Epstein.

Qui veut encore de la présence de Richard Stallman à la Free Software Foundation (FSF, ou Fondation pour le Logiciel Libre) ? Ou plus exactement, qui tient à ce que cette figure du logiciel libre retrouve son siège au conseil d'administration de la fondation ? De toute évidence, plus grand monde. En effet, le retour de Richard Stallman aux affaires est en train de provoquer un vif émoi au sein de la communauté.

Il faut remonter au 21 mars pour connaître l'origine de l'affaire. Alors qu'il était invité à tenir une conférence lors de l'évènement annuel LibrePlanet, organisé par la FSF, Richard Stallman a démarré son propos en annonçant son retour au sein du conseil d'administration, un an et demi après l'avoir quitté. Nous étions alors le 16 septembre 2019 et il avait écrit un billet de blog pour l'occasion.

À l'époque, l'intéressé expliquait avoir été contraint de quitter son poste : « je le fais en raison de la pression exercée sur la Fondation et sur moi-même à cause d'une série de malentendus et d'interprétations erronées de ce que j'ai dit ». Dans la foulée, il indiquait quitter également ses fonctions au CSAIL, un laboratoire de recherche en intelligence artificielle et en sciences informatiques du MIT.

Un an et demi plus tard, le revoilà donc aux commandes. « Je fais à nouveau partie du conseil d'administration de la FSF. [...] Certains d'entre vous seront heureux de cette annonce, d'autres seront peut-être déçus, mais qui sait ? En tout cas, c'est comme ça, et je n'ai pas l'intention de démissionner une deuxième fois », dit-il, sans épiloguer sur les raisons de son départ, ni de son retour.

Sauf que cela ne passe pas au sein du mouvement du logiciel libre.

Levée de boucliers contre Richard Stallman

« Nous désapprouvons cette démarche qui est intervenue sans aucun message de remords ou de volonté de changement », écrit la FSF Europe, le pendant européen de la FSF. « Nous demandons sa démission de tous les organes de la FSF », appelle la FSF Europe, qui invite au passage la FSF à faire un travail sur elle-même pour « éviter que des problèmes similaires ne se reproduisent ».

Et elle n'est pas la seule dans ce cas : l'Electronic Frontier Foundation, une puissante organisation pour la défense des libertés numériques, se dit « profondément déçue » d'apprendre la réélection de Richard Stallman à un poste de direction de la FSF. Elle dénonce aussi le fait que Richard Stallman n'a visiblement rendu aucun compte et que son retour s'est fait dans le secret.

« Sa réélection envoie un message erroné et blessant au mouvement du logiciel libre, ainsi qu'à ceux qui ont quitté ce mouvement en raison de son comportement antérieur », ajoute l'EFF. Et de suggérer qu'il serait peut-être temps de faire émerger de nouveaux leaders, et de s'abstenir d'avoir « des sentiments de loyauté malavisés » à l'égard de certaines figures, aussi importantes ont-elles été pour la cause.

Les déclarations comme la FSF Europe et l'EFF ne sont que deux exemples parmi d'autres : la fondation Mozilla a jugé « qu'on ne peut pas exiger mieux d'Internet si nous n'exigeons pas mieux de nos dirigeants, de nos collègues et de nous-mêmes », en pointant vers une lettre ouverte appelant au départ de Richard Stallman de toutes ses positions de pouvoir. Et en France aussi, ce retour interpelle.

« La FSF a-t-elle bien mesuré l'impact d'une telle décision sur le logiciel libre et ses communautés ? Et la forme de l'annonce, une très courte intervention sans aucun mot notamment sur l'affaire de septembre 2019, est problématique », écrit l'association de promotion et de défense du logiciel libre (April) Elle remarque d'ailleurs que LibrePlanet n'a pas été prévenu des intentions de Richard Stallman.

https://twitter.com/fsf/status/1374399897558917128

L'affaire Epstein percute l'aura de Stallman

Pourquoi un tel déboulonnage de la statue de Richard Stallman, pourtant le pionnier du mouvement du logiciel libre, par celles et ceux qui l'ont depuis rejoint ? Tout part de la sinistre affaire Epstein. S'il n'est pas directement lié à ce réseau de prostitution, il lui est reproché d'avoir trouvé des circonstances atténuantes à Marvin Minsky, un professeur du MIT, qui y a été mêlé.

Marvin Minsky, qui est décédé en janvier 2016, a été mis en cause pour avoir eu un rapport sexuel avec une jeune femme mineure de 17 ans, à la demande de Ghislaine Maxwell, une proche de Jeffrey Epstein, très impliquée dans le réseau de prostitution. Or, dans une liste de diffusion interne au MIT, Richard Stallman était en désaccord sur la façon dont les choses étaient présentées en prévision d'une manifestation.

Richard Stallman n'a pas mis en doute le témoignage de la jeune femme forcée à coucher avec Marvin Minsky. Cependant, il récusait le terme d'agression sexuelle, car à ses yeux cela supposait l'usage de la force physique contre elle. Il déclarait que les articles sur le sujet n'en faisaient pas mention, et qu'il était plausible que la femme devait ne rien laisser paraître à Marvin Minsky, si la contrainte venait de la clique d'Epstein.

Mais son intervention n'est pas du tout passée. Son message a été ébruité hors des murs du MIT, des appels à démissionner ont commencé à fleurir et, dans le même temps, se sont ajoutés d'autres griefs qui couvaient contre lui, à l'image de ses propos évoquant un assouplissement des lois sur la pédopornographie ou bien que la porte de son bureau comporte un panneau à l'intention des « jolies filles »

Dans un message ultérieur, Richard Stallman a rejeté la thèse d'une complaisance à l'égard de Jeffrey Epstein. « Rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité. Je l'ai traité de violeur en série, et j'ai dit qu'il méritait d'être emprisonné. Mais beaucoup de gens croient maintenant que je l'ai défendu ». Il présentait également ses excuses pour le malentendu et déplorait la manière dont les médias ont présenté les faits.

Une pétition

C'est donc dans ce contexte qu'une levée de boucliers s'opère contre Richard Stallman. Une pétition tourne d'ailleurs sur le net, signée par 2 580 individus, des personnalités du milieu et des organisations (Creative Commons, le projet Tor, la fondation Gnome, Freedom of the Press Foundation. La pétition estime que Richard Stallman ne doit pas être le seul à démissionner. C'est toute la direction de la FSF qui doit sauter.

« Ce sont des gens qui ont permis à Richard Stallman d'agir et lui ont donné du pouvoir pendant des années. Ils le démontrent à nouveau en lui permettant de réintégrer le conseil d'administration. Il est temps pour lui de se retirer des communautés du logiciel libre, de l'éthique technologique, des droits numériques et de la technologie, car il ne peut pas fournir le leadership dont nous avons besoin ».

La pétition ne s'attarde d'ailleurs pas que sur les propos qu'il a tenus au sujet de Marvin Minsky, de la pédopornographie ou de l'affiche sur son bureau. Ce sont d'autres facettes de sa personnalité qui sont aussi dénoncées : Stallman « est depuis longtemps une force dangereuse dans la communauté du logiciel libre. Il s'est montré misogyne, validiste et transphobe, parmi d'autres accusations graves d'irrégularités ».

Hasard ou non du calendrier, cette demande survient où le mouvement du logiciel libre a aussi été lourdement attaqué dans un billet sur Medium, mais dont la conclusion pourrait faire écho à la façon dont la FSF traite le cas Stallman : « Les dirigeants sont en faillite morale et intellectuelle. L'organisation est moralement et intellectuellement en faillite. Le "mouvement" est moralement et intellectuellement en faillite ».

Depuis le 21 mars, Richard Stallman n'est pas revenu publiquement sur son retour au sein d'un poste de décision à la FSF -- son blog est silencieux sur le sujetLa manière dont il accueille cette défiance à son encontre, lui qui joui(ssai)t d'une forte aura au sein de ce mouvement, est un mystère. Il dit qu'il ne démissionnera pas une seconde fois. Mais peut-être le débarquera-t-on directement.