Depuis 10 ans, le Conseil supérieur de l’audiovisuel milite pour que les parents ne mettent pas leurs enfants trop jeune devant un écran. Mais il peine encore à se faire entendre.

« Pas d’écrans avant trois ans », c’est la devise qu’a rappelée jeudi 18 octobre la ministre des Solidarités et de la Santé Agnès Buzyn, à l’occasion des dix ans d’une campagne d’information dédiée, a rapporté l’AFP.

Agnès Buzyn

Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé.

Source : FNMF/N. MERGUI

Cette campagne a débuté en 2008, sous l’égide du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Il déconseille l’exposition des très jeunes enfants aux écrans, tels que les télévisions, ordinateurs, tablettes ou smartphones.

Un impact sur le développement des jeunes enfants

La ministre a rappelé que cela pouvait avoir un impact négatif sur le développement et la santé physique des enfants. Un constat, qui s’appuie sur des études menées ces dernières années.

En 2013 déjà, l’Académie de médecine avait conclu que les écrans qui n’étaient pas interactifs (comme la télévision où nous restons sauf exception de simples spectateurs passifs) n’avaient aucun effet positif sur les enfants de moins de deux ans. Pire, ils pouvaient engendrer des effets tels qu’une prise de poids, un retard de langage, un déficit de concentration et d’attention, ou le « risque d’adopter une attitude passive face au monde. »

Le CSA estime lui que l’enfant « se construit en agissant sur le monde ».

Les écrans interactifs comme une tablette tactile ou les écrans non interactifs pour des enfants ayant entre deux et trois ans étaient jugés moins problématiques, même si l’Académie déconseillait leur usage prolongé ou trop répété. Elle mettait particulièrement en garde, à l’époque, contre la publicité, qui risque chez les tout petits de brouiller les pistes entre réel et imaginaire – nous n’avons la capacité de distinguer les deux qu’à partir de trois ans environ.

Le CSA estime lui que l’enfant « se construit en agissant sur le monde ». « La télévision risque de l’enfermer dans un statut de spectateur, a expliqué le Conseil cité par l’AFP. Pour développer ses capacités, l’enfant doit utiliser activement ses cinq sens. L’exposition passive à des images diffusées sur un écran ne favorise pas ce type d’interactions et peut au contraire freiner le développement du tout-petit enfant. »

Un cercle vicieux

Si vous pensiez que le fait que votre enfant soit calme devant les écrans était bon signe, ce n’est en fait pas si simple, détaille le CSA. Le regard d’un bébé serait ainsi naturellement attiré par les images et le son provenant de l’écran, sans que cela ne signifie pour autant qu’il les comprend, ou qu’il en tire quoi que ce soit de positif.

Le Conseil explique que les parents ont tendance à remettre régulièrement les enfants devant les écrans, car ils sont agités dès qu’ils les en éloignent. Mais selon lui, ce seraient justement les écrans qui seraient à l’origine de l’agitation. Un vrai cercle vicieux.

Dans un communiqué transmis à l’agence, Francis Eustache, neuropsychologue et directeur de recherche Inserm à l’université de Caen, préconise de trouver un « équilibre » entre les temps d’écrans et les temps sans, où l’enfant peut développer son imagination, « se laisser aller à la rêverie sans objet d’attention [pour] préserver son équilibre cognitif, et donc ses capacités de mémoire. »

Un très jeune enfant sur deux regarde la télévision

Selon une étude de l’Inserm, malgré ces mises en garde répétées et l’interdiction il y a dix ans des programmes télévisés destinés aux moins de trois ans, un enfant sur deux regarderait aujourd’hui régulièrement la télévision avant d’avoir 18 mois.

« il ne faut pas culpabiliser les parents » 

La ministre de la Santé a rappelé son « soutien sans réserve » au CSA dans ce combat, que certains perçoivent parfois comme une volonté de censure (par exemple avec l’interdiction de certains programmes). « Nous voyons aujourd’hui combien cet enjeu est toujours d’actualité, a indiqué Agnès Buzyn. S’il ne faut pas culpabiliser les parents, il ne faut pas ignorer les risques qui pèsent sur les jeunes enfants. »

À noter qu’après trois ans, les écrans peuvent, sous certaines conditions, aider au développement de l’enfant. On peut retenir à ce propos la règle dites des « 3-6-9-12 » du psychiatre Serge Tisseron : pas d’écrans avant 3 ans, pas de jeux vidéo avant 6, pas d’Internet avant 9, et pas d’Internet seul avant les 12 ans.

 


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