L’Ozempic, un médicament antidiabétique, est détourné par de plus en plus de personnes pour mincir. Malgré une restriction à la vente en France, on trouve facilement des boîtes sur Internet.

« Avec le Dr Cheyenne, recevez vos injections pour perdre du poids ! Si vous cherchez 1mg d’Ozempic, recevez-le près de chez vous ». Sur le groupe Facebook « Ozempic sans ordonnance », le ton des publications est clair : ici, pas besoin d’avoir l’autorisation de son médecin pour repartir avec le médicament.

Les demandes sont nombreuses. Il y a quelques mois encore, l’Ozempic ne faisait pas l’objet de tant de convoitises. Mais depuis, des influenceurs et influenceuses parlent de plus en plus de l’anti-diabétique sur TikTok. Distribuées depuis des années, les injections sont désormais détournées dans un tout autre objectif : perdre du poids. Sur les réseaux sociaux, les publications vantant ses effets coupe-faim et une perte de poids rapide sont nombreuses.

Ces vidéos attirent de plus en plus d’adeptes, au point où l’Agence nationale du médicament a annoncé en mars une « surveillance renforcée » du médicament, qui souffre de problèmes d’approvisionnement. En ligne, un véritable marché noir de l’Ozempic s’est développé, loin du regard des agences nationales.

Numerama a pu retrouver en quelques clics la trace de propositions illégales de vente du produit sur Facebook.

Il est interdit de vendre des médicaments sur Facebook — pourtant, des pages et des groupes spécialisés le font // Source : Capture d’écran Numerama d’un groupe Facebook de vente illégale
Des publications de vente d’Ozempic sur Facebook // Source : Capture d’écran Numerama

Un anti-diabétique, détourné pour mincir

La mode de l’Ozempic a démarré vers le mois de septembre 2022, lorsque certaines influenceuses ont commencé à encenser les propriétés coupe-faim du médicament. Des mois après, une recherche sur TikTok permet de se rendre compte que le médicament continue d’être très populaire. Dans de très nombreuses vidéos, des utilisatrices se vantent d’avoir perdu du poids grâce à l’Ozempic, partagent leurs bons plans, et discutent même parfois des aliments qu’elles n’arrivent plus à manger à cause du traitement.

La mode de l’Ozempic n’a pas lieu qu’en France : les stars de TikTok de nombreux pays plébiscitent le médicament, au point où les ventes mondiales d’Ozempic ont augmenté de 63 % lors du dernier trimestre 2022. En France, l’immense majorité de ses ventes se fait sur ordonnance de la part de médecins — mais il existe tout un marché en ligne dédié aux médicaments anti-diabétiques, accessible en quelques clics.

Numerama a trouvé facilement sur Facebook plusieurs annonces de vente d’Ozempic ou d’autres anti-diabétiques, tels que le Mounjaro, le Saxenda, ou de Wegovy. Tous ont comme effet secondaire de perdre du poids, et sont vendus dans cet objectif. Les ventes ont lieu dans des groupes Facebook dédiés à la vente de médicament pour la perte de poids, ou encore sur des pages spécialisées. Les groupes ne rassemblent parfois pas plus d’une centaine d’internautes, mais les publications semblent toujours attirer toujours des acheteurs.

Des groupes Facebook spécialisés dans la vente d'Ozempic // Source : Capture d’écran Numerama d’un groupe Facebook de vente illégale
Des groupes Facebook spécialisés dans la vente d’Ozempic // Source : Capture d’écran Numerama
Source : Capture d’écran Numerama d’un groupe Facebook de vente illégale

En plus de ces groupes Facebook, d’autres sites louches proposent des doses d’Ozempic ou d’anti-diabétique. Des sites entièrement dédiés à la vente de ces produits ont été créés, et semblent passer par des sites néerlandais pour s’approvisionner — la vente du médicament dans ce pays doit pourtant passer de façon obligatoire par une ordonnance. Plus cocasse, Numerama a même repéré une annonce pour de l’Ozempic sur un site spécialisé dans la vente de bateaux neufs et d’occasion. Le vendeur, que nous avons essayé de contacter, ne nous a pas répondu.

Un site de vente de bateau détourné pour vendre de l'Ozempic // Source : Capture d'écran Numerama d'un site détourné pour vendre de l'Ozempic
Un site de vente de bateau détourné pour vendre de l’Ozempic // Source : Capture d’écran Numerama

Les groupes Facebook ont été supprimés

Il est impossible de dire si toutes les annonces sont réelles, ou s’il s’agit en majorité d’arnaques. Dans tous les cas, la vente de ces produits n’est pas autorisée en France sans ordonnance, et les acheter représente un vrai risque sanitaire. Rien ne garantit que les injections arriveront en bonne condition, ni que les doses ne seront pas périmées. Il n’est en aucun cas recommandé d’acheter des médicaments en dehors d’une pharmacie et sans ordonnance de la part d’un médecin.

De plus, la prise de l’Ozempic peut entraîner des effets secondaires « potentiellement graves », comme le note l’ANSM, « tels que des troubles gastro-intestinaux, des pancréatites ou des hypoglycémies ». Elle représente surtout un danger pour les personnes diabétiques dépendantes de ce traitement : « L’accroissement de la demande mondiale concernant Ozempic a entraîné des tensions d’approvisionnement qui devraient perdurer courant 2023 », prévient l’agence du médicament.

Suite à nos recherches, nous avons signalé les groupes et les annonces de vente d’Ozempic à Facebook. « Nous n’autorisons pas la vente de produits pharmaceutiques sur Facebook et nous avons supprimé les groupes en violation avec cette règle », nous a répondu un porte-parole de Meta, interrogé sur la situation.

« Les contenus en rapport avec des produits permettant la perte de poids et des opérations cosmétiques potentiellement dangereuses sont également interdits aux moins de 18 ans. Nous travaillons en permanence pour mieux détecter, et nous demandons aux utilisateurs de signaler tous les contenus qui n’ont pas leur place sur notre plateforme, afin de nous puissions les analyser et prendre des mesures ».

Les groupes que Numerama avait repérés ont depuis été supprimés de Facebook, comme nous avons pu le vérifier. Il y a cependant fort à parier que d’autres les remplaceront. Quant aux autres sites de vente, ils sont toujours en ligne. Surtout, la France n’est pas la seule concernée par la vente illégale d’Ozempic : le journal anglais I a, lui aussi, repéré des groupes de vente illégaux sur les réseaux sociaux, signe que la tendance est globale.

Une chose est sûre : tant qu’il y aura une forte de demande pour ces produits, les annonces perdureront et les vendeurs trouveront des moyens détournés pour mettre leurs annonces en ligne — quitte à passer par des sites de vente de bateau.


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