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Peut-on évaluer l’efficacité du pass sanitaire ?

Instauré au début de l’été, généralisé à différents lieux en août, le pass sanitaire a-il tenu toutes ses promesses ?

Mesure phare de la lutte contre le Covid avec son pendant, la vaccination, le pass sanitaire a soulevé différentes questions éthiques et créé une vague de contestation sociale, bien au-delà des sphères antivax et complotistesLiberticide pour certains, inutile pour d’autres, ce pass est loin de faire consensus. Sans l'examiner au prisme politique, peut-on évaluer son efficacité sur le plan sanitaire ?

Les limites du pass sanitaire

Le pass sanitaire a été conçu pour permettre la réouverture de lieux publics jusque là fermés. Son but, sous cet angle, est d'éviter de nouveaux confinements en limitant la circulation virale, les infections et les hospitalisations. Pourtant, au vu de ses conditions d'obtention (disposer d'un schéma vaccinal complet, d'un test négatif de moins de 72 heures, d'un certificat de rétablissement ou d'un justificatif de contre-indication au vaccin), il ne saurait apporter la certitude de ne pas être contaminé dans les lieux où il est requis.

Dans une interview du 21 septembre 2021, Claude-Alexandre Gustave, biologiste médical, ancien assistant en microbiologie et immunologie rappelait ainsi que :

D'autre part, même si la fraude est lourdement sanctionnée, elle semble relativement aisée. De nombreux lieux où le pass est requis n’effectuent pas de contrôle.

Un été avec pass et sans confinement

Ainsi donc, le pass n'est pas parfait et n'est pas gage d'une absence totale de risque. Il est difficile de fournir une évaluation au vu des indicateurs épidémiques de l’été et de l’automne 2021. Une quatrième vague a été observée à l'été, soit les deux mois qui ont suivi la mise en place du pass dans les lieux publics. Cette quatrième vague a été plus faible que les précédentes et son impact hospitalier a été moindre grâce à une vaccination massive. Il n'a pas été nécessaire d'en passer par un confinement pour éviter la saturation des services de réanimation.

Mais on ne saurait dire si la situation aurait été pire sans la pass. « Il est très difficile d’évaluer une mesure isolée », explique Antoine Flahault, professeur de santé publique et directeur de l’Institut de santé globale (université de Genève), interrogé par nos soins. « Nous ne saurions affirmer de manière péremptoire que le pass a permis d’éviter un nouveau confinement. Par exemple, l’Espagne qui n’a pas instauré de pass à l’intérieur de ses frontières semble épargnée par la flambée qui touche actuellement l’Europe. Dans le même temps, le Portugal, où un pass assez similaire à celui de la France est requis dans de nombreux lieux publics, semble également s’en tirer plutôt bien. »

Matthieu Mulot, docteur en biologie, chargé de recherche à l’Université de Neuchâtel et créateur de la chaîne Youtube Le Biostatisticien complète : « Le pass a permis de rouvrir des lieux qui étaient jusque là fermés. Il est donc difficile d’établir un 'avant-après' sa mise en place et de comparer. » Il précise cependant : « Il n’y a pas de raison que le pass ait été contre-productif sur le plan épidémiologique. » Selon toute vraisemblance, le pass a contribué, avec la vaccination et le port du masque à « limiter la casse ».

Il faut par ailleurs rappeler que les mesures de prévention de l'épidémie de covid fonctionnent comme un ensemble : c'est ce qu'on appelle « le modèle de l'emmental »Chaque mesure (représentée par une tranche) a des limites (des « trous »). La combinaison de plusieurs mesures de sécurité atténue cependant le risque de chaque faille, jusqu'à aboutir à une stratégie de prévention solide.

Une incitation à la vaccination

L’efficacité directe du pass n'est pas le seul critère à étudier. On peut aussi se pencher sur ses effets indirects, à commencer par la vaccination. En effet, le pass est aussi une incitation à se faire vacciner. Si l’on regarde les chiffres de CovidTracker, on voit que les annonces relatives à l'extension du pass par Emmanuel Macron, en juillet 2021, ont été suivies d’une nette augmentation du rythme de vaccination, chez les plus jeunes (moins de 50 ans). C'est-à-dire que la population la plus impactée dans sa vie quotidienne par le pass -- parce qu’active et avec une vie sociale, culturelle et festive souvent riche -- a réellement eu un sursaut vaccinal mi-juillet.

Il est toutefois difficile d’établir un lien de causalité absolu entre instauration du pass et hausse de la vaccination des moins de 50 ans, puisque cette tranche d’âge n’a pu accéder à la vaccination qu’à partir du 15 juin.

Dans le même temps, la vaccination des populations âgées, plus fragiles, semble avoir atteint un plafond de verre, avec encore 5 à 10 % de non vaccinés, dans les différentes tranches d’âges entre 60 et 80 ans et plus.

En somme, la progression vaccinale liée à l’instauration du pass est difficile à chiffrer, mais elle a vraisemblablement profité aux plus jeunes. Ce n’est pas négligeable, tant on sait que le variant Delta est plus contagieux et plus virulent que les variants précédents. Un bémol cependant : une publication scientifique portant sur Israël et le Royaume-Uni signale que la frustration liée à l’instauration d’un pass sanitaire pourrait avoir des effets délétères sur la volonté à se faire vacciner.

Matthieu Mulot souligne cependant qu’il faut aussi considérer l'efficacité économique et sociale : «  On a pu rouvrir les bars, les restaurants, les salles de concerts… ainsi que différents lieux qui participent au tissu social et éducatif. » Des actions positives sur le plan économique, mais aussi d’un point de vue psychologique et social : on sait que la pandémie a isolé les personnes, notamment les plus fragiles et les plus précaires.

Si, comme le souligne Antoine Flahault, « le pass sanitaire doit demeurer une mesure exceptionnelle » et que son efficacité reste complexe à évaluer avec précision, il semble donc que son impact soit plutôt positif. Reste à savoir s’il suffira, en complément de la vaccination et des gestes barrières, à freiner la 5e vague qui a l’air de se profiler.