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L'Eco Rating peut-il chiffrer précisément l'empreinte carbone des smartphones ?

Un consortium d’opérateurs et de constructeurs de smartphones vient de mettre en place l’Eco Rating, un nouvel indice qui promet de chiffrer l’empreinte carbone de nos smartphones tout le long de leurs vies. Une tâche complexe et semée d’embuches. 

Le numérique pollue. Le constat est désormais assez largement accepté, mais les méthodologies pour calculer l’empreinte carbone exacte de ce secteur sont souvent critiquées. Difficile de prendre en compte toutes les externalités d’une industrie qui s’infiltre désormais dans toutes les strates de l’économie. À sa petite échelle, Orange veut tout de même essayer avec une nouvelle idée : l’Eco Rating.

L’opérateur historique français s’est associé avec d’autres FAI européens comme Deutsche Telekom, Vodafone ou Telefónican pour mettre en place ce nouvel indice qui promet d’aider le public « à identifier et comparer les téléphones mobiles les plus respectueux de l’environnement. » L’initiative souhaite prendre en compte « l’impact environnemental de la production, de l’utilisation, du transport et de la fin de vie des smartphones et téléphones mobiles classiques »,

Une tâche titanesque

La mission est digne, mais la tâche est complexe. Si complexe d’ailleurs que même le gouvernement français n’a pas tenté le coup, se contentant de mettre en place l’indice de réparabilité, qui se limite à informer le public sur la facilité avec laquelle on peut démonter et réparer un appareil électronique. L’Eco-Rating peut-il vraiment mieux faire ?

Sur le papier, la mission d’Orange et des autres opérateurs européens est beaucoup plus ambitieuse. La note sur 100 est établie avec « une méthodologie d’évaluation cohérente, équitable et objective, basée sur 19 critères. » Ces critères permettent de calculer cinq sous-notes :  la durabilité, la réparabilité, la recyclabilité, le respect du climat et la préservation des ressources. En somme, c’est toute la chaine de production et le cycle de vie d’un produit qui doit être reflétée dans ce nouvel indice. Cela va de « l’utilisation de matières premières rares dans la conception du produit » jusqu’à la facilité de recyclage de nos smartphones.

80 mobiles notés

La coalition derrière l’Eco-Rating s’est associée avec 12 fabricants de smartphones dont Caterpillar, Huawei, Motorola, Oneplus, Samsung, Xiaomi ou encore Oppo. Seul Apple semble manquer à l’appel. En tout, c’est 80 mobiles qui ont déjà été notés affirment le consortium. On ne sait pas encore lesquels, mais Orange promet que « à partir de juin 2021, les opérateurs commenceront à intégrer l’Eco Rating dans les boutiques physiques et / ou en ligne. »

Cette approche holistique va beaucoup plus loin que l’indice de réparabilité français, mais elle souffre évidemment de limitations. Premièrement, « l’Eco Rating est calculé à partir des informations fournies par les fabricants » avoue Orange. Là-dessus, cet indice ne fait pas mieux que la note de réparabilité, qui elle aussi s’appuie sur la bonne foi des constructeurs. Mais la notation de l’Eco-Rating est beaucoup plus complexe et son cadre est beaucoup plus large. Si la facilité de démontage d’un téléphone peut-être vérifié relativement facilement, ce n’est pas le cas pour la provenance des terres rares. Pour vous donner une idée, Fairphone, l’entreprise néerlandaise qui tente de construire le smartphone le plus responsable possible, avouait en 2018 que seul 4 des 40 matériaux employés dans leurs téléphones ont une traçabilité établie. Il faudra donc un énorme effort industriel pour améliorer ce point-là.

Des limites techniques et légales

L’autre limite que va rencontrer le projet est administrative. L’indice de réparabilité français a mis des mois à être mis en place et rendu obligatoire. Désormais, les smartphones qui sortent sur le territoire français doivent tous afficher leurs notes et tenir à disposition leur grille de calcul. L’Eco Rating est une initiative privée autour de laquelle de grands noms se sont réunis, mais qui n’est régie par aucune loi. L’affichage d’un tel indice, sa méthodologie de calcul, la provenance des données, tout se base sur la bonne foi des industriels du secteur. Là-dessus, l’Eco Rating ressemble à l’affichage environnemental mis en place par l’Ademe, une initiative « volontaire et encadrée » qui n’a jamais vraiment décollé.

Sans obligation légale, l’Eco Rating prend donc le risque de devenir une machine à greenwasher ou seuls les produits les plus vertueux seront listés afin de verdir l’image d’un constructeur. À multiplier les indices, notes et index en tout genre, on prend aussi le risque de perdre le public qui ne saura plus exactement quel label est réellement sérieux. Celles et ceux qui se sont déjà retrouvés perplexes devant la multiplication des logos sur les produits d’alimentation « bio » connaissent le dilemme.

Par son ampleur, l’Eco Rating est donc un projet très intéressant qui pourra potentiellement injecter un peu plus de transparence dans le procédé de fabrication de nos smartphones. Il faudra cependant examiner de près sa mise en place et son exécution pour s’assurer que l’idée n’est pas dévoyée par des entreprises désireuses de verdir leur image. L’Eco Rating pourrait théoriquement faire mieux que l’indice de réparabilité, mais il faudra pour ça que tous les industriels participent, se montrent de bonne foi et que ce label devienne une référence. Un difficile alignement des planètes.