La Nasa ou le CNRS invitent à contempler une « super Lune des fleurs » ou une « éclipse de super Lune » ce mercredi 26 mai 2021. Pourtant, il est impropre sur le plan astronomique de qualifier ainsi la Lune de « fleurie » ou de « super ». Quant à l’éclipse lunaire, elle aura bien lieu, mais la France n’en profitera pas.

« À la recherche du site d’observation parfait pour la ‘Super Lune des fleurs’ qui aura lieu ce mercredi 26 mai ? » : c’est bien le très sérieux CNRS qui a publié ces mots sur Twitter et Instagram le 24 mai 2021. Le Centre national de la recherche scientifique n’est pas le seul à en parler : la Nasa a consacré ce 21 mai une publication de blog à la supposée « éclipse de la super Lune » survenant à cette date.

Rapidement, plusieurs astronomes ont souligné que le CNRS fait référence à « un non-événement astronomique ». Finalement, le CNRS a supprimé la publication. Pas plus que d’habitude, il ne faut s’attendre à voir une Lune « super » ou « fleurie » le mercredi 26 mai.

Capture d'écran du tweet, supprimé depuis. // Source : Via Twitter @CNRS

Capture d'écran du tweet, supprimé depuis.

Source : Via Twitter @CNRS

Oui, il y aura bien une éclipse de Lune (mais la France ne la verra pas)

Il est exact qu’une éclipse de Lune est prévue ce mercredi 26 mai 2021. Il s’agira d’une éclipse totale, mais il faut bien noter que la France ne pourra pas y assister. Le pays n’est pas dans la zone de visibilité de l’éclipse. L’événement devrait être visible en totalité sur l’Océan Pacifique. Le maximum de l’éclipse est prévu pour 13h18 (heure de Paris).

Lors d’une éclipse totale de Lune, l’astre passe entièrement dans l’ombre de la Terre. Pour qu’une éclipse lunaire se produise, la Lune doit donc être pleine, c’est-à-dire qu’elle se trouve derrière la Terre, par rapport au Soleil (par contre, on ne voit pas une éclipse à chaque fois que la Lune est pleine, car l’orbite de la Lune est inclinée). Ce mercredi 26 mai, la pleine Lune a effectivement lieu à 13h13.

C’est à l’occasion d’une éclipse totale de Lune, comme celle du 26 mai, que l’on peut espérer observer (quand on est dans la zone de visibilité) la Lune prendre une coloration rougeâtre. Ceci vient du fait que la lumière du Soleil reçue par la Lune passe par l’atmosphère de notre planète. Celle-ci filtre certaines longueurs d’onde de la lumière, du violet au vert. Puisque seul le rouge continue de passer, on peut voir le disque de la Lune se mettre à « rougir ». Comme le souligne l’IMCCE, « l’aspect, les couleurs et l’intensité de l’éclairement sont très variables d’une éclipse à l’autre, ils sont imprévisibles et dépendent fortement des conditions météorologiques atmosphériques sur le terminateur terrestre (l’arc de grand cercle terrestre délimitant la surface de la Terre vue de la Lune) ».

La Lune, ni « super » ni « en fleurs », photographiée pendant une éclipse totale. // Source : Flickr/CC/Claude Dopagne (photo recadrée)

La Lune, ni « super » ni « en fleurs », photographiée pendant une éclipse totale.

Source : Flickr/CC/Claude Dopagne (photo recadrée)

Non, il n’y a pas de « Super Lune »

S’il est juste de dire qu’il y aura une pleine Lune ce 26 mai, ainsi qu’une éclipse totale de Lune visible par une partie de la planète, parler de « super Lune » est impropre sur le plan scientifique. Le CNRS mentionne d’ailleurs le nom scientifique correct du phénomène dans sa publication : il convient de parler plutôt de « périgée-syzygie ».

« L’expression de ‘super Lune’ a été inventée en 1979 et est souvent utilisée pour décrire ce que les astronomes appelleraient une pleine Lune au périgée », mentionne aussi la Nasa dans un communiqué. L’agence spatiale n’indique pas l’origine de l’expression, mais elle l’a fait en avril dernier, dans une autre communication consacrée à la « super Lune rose » (qui n’est ni l’un ni l’autre) : le concept de « super Lune » a été inventé par Richard Nolle, un astrologue (il se présente même comme le « créateur » de la « super Lune » dans sa bio sur Twitter). Pour rappel, l’astronomie et l’astrologie sont deux domaines bien distincts :

  • L’astrologie consiste à interpréter de façon symbolique les positions et les mouvements des corps célestes,
  • L’astronomie est la science de l’observation des astres.

Pour éviter les maladresses et confusions, il semble plus avisé de parler de « périgée-syzygie », pour désigner la coïncidence de deux phénomènes : quand la pleine Lune se produit à peu près au même moment que celui où la Lune est à sa distance minimale avec la Terre.

Même si l’orbite de la Lune est globalement circulaire autour de la Terre, il existe une légère variation de sa distance par rapport à notre planète. Lorsque cette distance est minimale, on dit que la Lune est au périgée, soit environ à 363 300 kilomètres de la Terre. Lorsque cette distance est maximale, on parle d’apogée, avec une distance d’environ 405 500 kilomètres. Ces variations de distance font quelque peu changer le diamètre apparent de notre satellite naturel, cependant la différence est imperceptible à l’œil nu quand on observe la Lune dans le ciel.

Schéma de la Lune à l'apogée et au périgée. // Source : Capture d'écran YouTube NASAJPL Edu

Schéma de la Lune à l'apogée et au périgée.

Source : Capture d'écran YouTube NASAJPL Edu

Ce mercredi 26 mai, la Lune est effectivement au périgée à 3h49, à une distance de 357 310 kilomètres de la Terre. Le périgée coïncide grosso modo avec la pleine Lune, qui pour rappel a lieu à 13h13. On peut parler de « périgée-syzygie », mais pas de « super Lune ».

Non, il n’y a pas de fleurs sur la Lune

Bien évidemment, la Lune ne sera pas plus fleurie que d’habitude le 26 mai 2021. Pourquoi parler de « Lune des fleurs », dans ce cas ? Comme pour la « Lune rose », ces descriptions n’ont pas de valeur scientifique. Ce sont des emprunts à une tradition culturelle nord-américaine, issue des Amérindiens.

Il s’agissait de surnoms donnés à la Lune, afin de suivre l’évolution des saisons. Ces surnoms étaient appliqués aux différents mois lunaires, et non pas au jour de la pleine Lune seulement. Ces noms apparaissent pour la première fois dans les années 1930 dans The Old Farmer’s Almanac (« L’Almanach du vieux fermier »), un périodique américain publié depuis le 18e siècle. Pour le mois de mai, l’almanach parle de « pleine Lune des fleurs »full flower moon »), une référence aux « fleurs [qui] poussant en abondance à travers l’Amérique du nord ce mois-ci ». Le fait que la Nasa ou le CNRS reprennent l’expression de « Lune des fleurs » dans leurs communications officielles contribue à entretenir la confusion entre la tradition culturelle et les faits scientifiques.

Si l’on résume, ce mercredi 26 mai, la Lune sera comme d’habitude vue de France (et ce sera un très beau spectacle, si le ciel n’est pas voilé bien sûr). Une partie de la Terre aura la chance d’assister à une éclipse totale de Lune, lors de laquelle l’astre devrait probablement prendre une coloration rougeâtre pendant quelques instants. Mais personne ne verra de Lune « super » ou « fleurie ».

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