L’orbite terrestre est jonchée de débris spatiaux. Certaines épaves inquiètent particulièrement les spécialistes, car leur désagrégation pourrait générer encore plus de détritus, et provoquer de graves réactions en chaîne. Une visualisation permet de mieux appréhender l’étendue du problème.

Ces dernières années, l’espace est devenu un business comme un autre pour de nombreuses entreprises. C’est aussi un cimetière à ciel ouvert, méconnu en dehors des cénacles d’astronomes et de passionnés. Tout autour de la Terre gravite en effet une très grande quantité d’objets, dont une large majorité s’avère en fait être des débris de précédentes missions, de collisions ou d’explosions.

La situation est d’ailleurs à ce point alarmante que les agences spatiales développent désormais des programmes pour nettoyer l’orbite terrestre, et de nouvelles règles sont en train d’émerger. Difficile toutefois de s’en rendre compte depuis le plancher des vaches : aussi, des outils de visualisation ont vu le jour pour illustrer l’ampleur du problème. C’est le cas de l’outil « Low Earth Orbit Visualisation ».

Cimetière spatial autour de la Terre

C’est sur ce créneau que se positionne aussi AstriaGraph. Développé par Moriba Jah, ingénieur aérospatial officiant à l’université du Texas à Austin, l’outil montre à quel point l’environnement immédiat de la Terre est chargé en objets. Il y en a d’ailleurs plus de 26 000 recensés, de la Station spatiale internationale jusqu’à des appareils ou des débris qui ne sont pas plus gros qu’un smartphone, selon l’enseignant.

Le site AstriaGraph, même s’il ne recense pas la totalité de ce qui se trouve autour de la Terre (en 2013, la Nasa évaluait à plus de 500 000 le nombre de débris en orbite qui sont suivis depuis la Terre), offre de fait un bon aperçu du problème, bien qu’il convienne de garder en tête que les satellites ne sont pas représentés à la bonne échelle, ce qui accroit l’impression de densité extrême dans l’espace.

De son côté, l’Agence spatiale européenne a estimé en 2019 la présence de 5 400 objets de plus d’un mètre, 34 000 objets de plus de 10 centimètres (parmi lesquels il y a seulement 2 000 satellites actifs), 900 000 objets de plus d’un centimètre et plus de 130 millions de plus d’un millimètre. Pour cette dernière catégorie, c’est évidemment une approximation : il impossible de détecter des objets aussi minuscules.

AstriaGraph

La représentation des satellites n’est pas exactement à l’échelle, ce qui peut accentuer cette impression de haute densité. // Source : AstriaGraph

Plusieurs critères de tri sont proposés pour affiner la visualisation : il est possible de trier par source de données, constellations, pays et type d’orbite (basse, moyenne, haute et géostationnaire). Un code couleur est également appliqué pour distinguer les satellites actifs et inactifs, les épaves de fusées, les débris et les objets qui ne sont pas (encore) catégorisés.

Le plus spectaculaire, mais aussi le plus angoissant, est que l’essentiel de ces objets est inerte. En effet, le nombre de satellites opérationnels es estimé aux alentours de 3 500. Il y a également quelques autres engins relativement atypiques — comme la navette sans pilote X-37B –, mais le reste est essentiellement constitué de satellites inactifs, de débris et de fusées abandonnées après leur mission.

Interrogé à ce sujet par la BBC, Moriba Jah est plus particulièrement inquiet au sujet d’une liste resserrée de 200 objets de grande taille, qu’il qualifie de super-propagateurs potentiels. Il s’agit d’épaves de lanceurs errants autour de la Terre et qui risquent de se disloquer en des centaines ou de milliers de détritus, ce qui dégraderait encore plus la situation.

Produite en 2016, cette vidéo vient du laboratoire de recherche de la marine des États-Unis. Il s’agit d’une simulation d’un satellite à 900 km d’altitude qui se désagrège après une explosion. À cette altitude, note le laboratoire, on trouve des satellites météorologiques. On devine la menace que cela occasionne pour les prédictions météo et l’anticipation d’évènements climatiques extrêmes.

Pour qui a vu le film Gravity, la menace de super-propagateurs est facile à comprendre : à force de se percuter les uns les autres, les objets spatiaux produisent de plus en plus de débris, au point de provoquer une réaction en chaîne incontrôlée dans l’espace, et rendant l’orbite terrestre basse inexploitable pour des années. C’est ce qu’on appelle le syndrome de Kessler.

Le problème est loin d’être théorique. Les conséquences de cette pollution spatiale se font sentir : la Station spatiale internationale a conduit quelques manœuvres d’évitement de débris spatiaux en 2020. Des satellites aussi ont dû changer de trajectoire, y compris pour s’éviter entre eux. Et certaines initiatives militaires, comme la destruction d’un satellite par un missile, sont globalement condamnées.

En 1978, l’astrophysicien Donald J. Kessler a établi un scénario dans lequel la concentration de débris en orbite devenait si importante qu’elle pourrait remettre en cause l’utilisation de satellites — tous seraient menacés –, de stations spatiales et de missions à longue portée, vers la Lune, Mars ou pour explorer le Système solaire. En somme, l’humanité se trouverait en quelque sorte coincée sur Terre.

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