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Coronavirus : non, l’immunité collective n’est pas encore la solution

Imaginer que la crise sanitaire puisse être réglée en ne faisant plus rien, c'est mal comprendre l'immunité collective et la situation actuelle.

Alors que l'épidémie liée au coronavirus connaît une deuxième vague indéniable cet automne 2020, le débat est à la fois politique et scientifique sur les meilleurs moyens de contenir la propagation de la maladieEn parallèle, certains n'hésitent pas à évoquer l'hypothèse de tout simplement... arrêter de la contenir, en laissant le virus circuler librement afin d'obtenir plus rapidement l'immunité collective. L'OMS vient de rejeter cette idée. « Jamais, dans l'histoire de la santé publique, l'immunité collective n'a été utilisée comme stratégie pour répondre à une épidémie, et encore moins à une pandémie. C'est scientifiquement et éthiquement problématique », a déclaré le directeur de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus.

Estimer qu'une circulation libre du virus puisse être bénéfique à l'heure actuelle transcrit effectivement plusieurs incompréhensions de fond sur ce qu'est l'immunité collective, et encore plus concernant le coronavirus. D'une, il est trop tôt pour que cette notion soit pertinente ; de deux, l'immunité après l'infection au SARS-CoV-2 n'est pas si évidente ; et enfin, il s'agirait d'une voie socialement inégale et à l'éthique douteuse. Développons ces problématiques.

Des chiffres qui ne valident pas cette hypothèse

L'immunité collective, aussi appelée immunité de groupe ou immunité grégaire, est une configuration où, dans une population donnée, une maladie ne peut plus vraiment circuler puisqu'une majorité de personnes sont immunisées. À terme, le pathogène disparaît de lui-même. Cette immunité peut provenir principalement de la guérison de la maladie, et donc du développement d'anticorps contre elle, ou bien de la vaccination qui génère aussi des anticorps. Ce phénomène peut apparaître dès lors que l'immunité est bien installée dans le groupe : le chiffre avancé est souvent de 60 % minimum (et insistons sur minimum). L'immunité collective est définie par la séroprévalence : les personnes dont l'on détecte des anticorps dans le sang.

Une enquête de l'Inserm montre que la séroprévalence était, en France, début juin 2020, de 4,5 %. « Ce niveau de séroprévalence nationale est proche des niveaux observés dans les pays européens et est cohérent avec les estimations déjà publiées en France », précise l'Inserm. Nul doute que, face à la résurgence de cas ces dernières semaines, ce chiffre a augmenté. Mais bien loin des 60 % minimaux nécessaires. Le directeur de l'OMS a relevé qu'à l'heure actuelle, les enquêtes montrent que la séroprévalence ne dépasse pas 10 % à l'échelle mondiale.

La route est encore longue avant que nous puissions nous reposer sur l'immunité de groupe, puisqu'on ne peut pas compter sur ce phénomène tant qu'il n'est pas présent : on ne peut pas générer de l'immunité collective, à moins d'un vaccin. Et vouloir la générer par la libre circulation du virus est humainement dangereux -- éthiquement impensable.

Les plus démunis livrés à eux-mêmes

Comme le rappelle le directeur de l'OMS, « l'immunité collective est obtenue en protégeant les personnes contre un virus, et non en les exposant à celui-ci ». La circulation non contrôlée du coronavirus, dans une période où l'immunité collective est encore inexistante et impossible, se contente d'exposer les gens à la maladie, et notamment les plus faibles. Mais pas seulement les plus faibles : comme l'a montré l'enquête EpiCov de l'Inserm, la protection face au coronavirus est socialement inégale.

« Les personnes habitant un logement exigu ou surpeuplé (moins de 18 m2 par personne pour celles qui partagent un logement) sont 2,5 fois plus nombreuses à avoir été positives au Covid-19 », et le même constat se pose pour les villes à plus forte densité. Certaines personnes cumulent les deux. « C’est le cas des 25-34 ans et des personnes sans diplôme. Le cumul s’accentue au bas de l’échelle des revenus et parmi les personnes immigrées d’origine non européenne, reflétant des phénomènes de ségrégation sociospatiale. »

Une enquête de Médecins sans frontières confirme que la précarité rend plus vulnérable au coronavirus : « Les résultats confirment que la circulation du virus a été plus particulièrement active dans les situations où la promiscuité était la plus forte, c’est-à-dire quand la personne doit partager chambre, douches et cuisine avec plusieurs autres personnes. » Même inégalité sociale face au travail : tout le monde n'a pas des conditions de travail favorables aux gestes barrières, les ouvriers et bien d'autres professions ne pouvant pas recourir au télétravail ou pouvant difficilement appliquer des mesures de distanciation.

Si l'idée de laisser le virus circuler librement vient aussi d'une volonté d'alléger la pression humaine -- les mesures restrictives ayant un impact économique et mental important --, ce choix pourrait avoir pour conséquence non pas de libérer de ce poids, mais de centraliser les dégâts humains faits par le virus de manière plus insidieuse sur des populations données.

Quelques inconnues sur l'immunité

Miser sur l'immunité collective n'est par ailleurs pas encore scientifiquement valide pour le cas du coronavirus, puisque reste à savoir comment fonctionne... l'immunité. Le doute sur ce sujet provient du référencement de quelques cas de réinfections. Ces derniers restent extrêmement rares et ne sont pas encore entièrement compris -- ils peuvent provenir d'un profil de santé spécifique ne générant pas suffisamment d'anticorps, par exemple. Mais ils rappellent que les scientifiques ne savent pas encore pleinement comment se comporte la réponse immunitaire au coronavirus SARS-CoV-2, ni combien de temps elle peut durer ni à quelle degré, puisque le recul vient à manquer.

Ces quelques inconnues sur l'immunité vient s'ajouter à toute une palette d'éléments montrant que tout relâcher en espérant que l'immunité collective face d'elle-même le travail ne correspond pas à une réalité factuelle.