La pollution aggrave-t-elle la virulence du coronavirus ?
L'un des objectifs de la recherche médicale est actuellement de comprendre quels sont les facteurs aggravants de la maladie Covid-19.
Dès début avril 2020, une première étude préliminaire, issue de chercheurs de Harvard, était diffusée. Elle n'a toutefois pas été relue par un comité de lecture ni, en conséquence, été publiée dans un journal scientifique. En revanche, les auteurs ont mis toutes les données en libre accès. « Les résultats du papier suggèrent qu'une exposition à long terme augmente la vulnérabilité de faire face à des formes sévères de Covid-19 », peut-on lire dans les conclusions du papier de recherche. La haute exposition aux particules fines de type PM2,5 entraine probablement, selon ces résultats, un plus grand risque de décès.
Cette étude de Hardvard établit une corrélation, mais pas un lien de causalité. Cela signifie que la pollution de l'air et la mortalité due à Covid-19 sont deux données en apparence reliées, mais pas forcément connectées. Si elles évoluent conjointement, l'une n'entraîne pas forcément l'autre. Pour établir une causalité, il faut encore davantage de recherches, un plus grand faisceau de preuves. Le travail d'Harvard ne se concentrait d'ailleurs que sur les États-Unis. Mais, justement, de nouvelles recherches apparaissent. Dernièrement, en cette mi-avril 2020, une autre étude a été mise en ligne. Plus large, relue par les pairs et publiée dans Science of The Total Environment, elle pointe cette même corrélation en la pollution et les cas graves de Covid-19.
La pollution s'attaque aussi au système respiratoire
Le chercheur allemand Yaron Ogen a compilé des données satellites européennes sur la concentration en dioxyde d'azote. Ce gaz, très toxique, est dit « suffocant » puisqu'il attaque les voies respiratoires. Le dioxyde d'azote est aujourd'hui l'un des polluants les plus toxiques, et ses émissions sont essentiellement produites par les véhicules motorisés (diésel) ou par la combustion à base d'énergie fossile (utilisée dans les centrales électriques thermiques). Grâce à ces données satellites, Yaron Ogen a pu établir des « hotspots », des zones spécifiques où la concentration en dioxyde d'azote était particulièrement élevée dans l'atmosphère depuis début 2020.
Il a ensuite superposé ces premières données avec une seconde série : les lieux les plus fortement touchés par la mortalité due à Covid-19. Et ce, en Allemagne, en France, en Italie et en Espagne. L'analyse de ces informations a mené Yaron Ogen à la conclusion que les deux zones européennes touchées par la plus forte mortalité locale -- l'Italie du Nord et la métropole de Madrid -- sont aussi les zones où la concentration en dioxyde d'azote dans l'atmosphère était la plus élevée. Et non seulement elle était élevée, mais les courants d'air ne jouaient pas en la faveur d'une dispersion du gaz, ce qui impliquait un fort maintien de ces particules fines dans l'air de ces localités. Cette faible dispersion a « une incidence élevée de problèmes respiratoires et d'inflammation dans la population locale ».
Or, le nouveau coronavirus SARS-CoV-2 qui provoque l'actuelle pandémie est un virus respiratoire. En provoquant une pneumonie (légère ou grave selon la sévérité), il s'attaque, lui aussi, au système respiratoire humain. L'impact préalable de la pollution sur les poumons et les bronches pourrait-il donc jouer un rôle dans l'aggravation des symptômes, jusqu'à augmenter le risque de mortalité ?
Pour l'auteur de l'étude, les données montrent une corrélation limpide. « Ces résultats indiquent que l'exposition à long terme à ce polluant peut représenter une contribution importante aux décès provoqués par Covid-19 dans ces régions et peut-être dans le monde », écrit Yaron Ogen. Là encore, même si l'article est solide et présent dans une publication à comité de lecture, le faisceau de preuves ne permet pas encore de conclure avec certitude qu'il y a un lien de causalité. Mais la mise en évidence d'une corrélation devient encore un peu plus forte. Le chercheur allemand affirme en conséquence que les études doivent se multiplier sur les facteurs aggravants, pour mieux identifier la place de chacun d'entre eux, et discerner le rôle de la pollution face à d'autres éléments tels que l'âge et la comorbidité.