Se débarrasser des débris en orbite autour de la Terre est une obligation morale… mais ce serait également viable au niveau économique. La NASA affirme que ce type de projets pourraient s’avérer rentables.

Personne n’aime voir une vieille pomme pourrir dans son frigo. Mais souvent, on attend que quelqu’un d’autre dans la maison s’en occupe. C’est un peu la même histoire pour les débris spatiaux. Ils se multiplient et représentent une gêne de plus en plus forte pour toutes celles et tous ceux qui travaillent de près ou de loin sur le spatial.

Entre les astronomes qui les voient passer devant leur objectif, les agences spatiales qui doivent faire en sorte que leurs précieuses sondes, voire l’ISS, ne soient pas percutés par un intrus, ou les opérateurs de satellites qui envoient des dizaines d’engins à la fois et doivent éviter les collisions… Tout le monde en a marre de ces débris.

Pourtant, peu sont ceux qui ont mis la main à la pâte pour les retirer, tant la tâche paraît énorme, et surtout, chère. C’est ce qu’a bien compris la NASA qui a conduit une étude sur le sujet parue le 10 mars, où elle évalue le coût du retrait des déchets, comparé au coût de l’inaction. Et il s’avère que dans ce secteur, il y aurait un business.

« C’est la première fois que cette problématique est abordée de cette façon-là, considère Pierre Omaly, expert du CNES sur les débris spatiaux. C’est intéressant car nous avons assez peu de données sur cette question. » Le chercheur français admet même que le CNES a voulu attaquer cette problématique, mais a fini par renoncer tant ces estimations sont difficiles à faire.

Des rayons laser destructeurs de débris

Il faut dire que si l’agence spatiale française a une idée assez précise de combien coûtent les opérations liées à ses propres satellites, elle n’a pas les chiffres pour les autres opérateurs, qui gardent jalousement le secret de leur trésorerie. « Le coût d’une mission, ce n’est pas vraiment communicable », déplore Pierre Omaly. « Mais ici, ils arrivent à avoir une estimation assez solide. »

La NASA a davantage de données disponibles, et a conçu un modèle qui reste approximatif, mais duquel il ressort quelques enseignements. Tout d’abord, la technologie a évolué en peu de temps. La recherche avance encore là-dessus, et dans son étude, la NASA précise bien qu’elle évacue les coûts de la recherche pour son analyse, sous-entendant que celle-ci sera prise en charge directement par l’agence, ou par les entreprises qui décideront de développer un business là-dedans.

La différence fondamentale, c’est qu’il y a une dizaine d’années, il était encore difficile d’imaginer une technologie viable. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. La NASA évoque la technique des lasers qui peut être utilisée pour « rogner » les débris et les faire changer de trajectoire, voire disparaître pour les plus petits.

D’après l’étude, une telle méthode pour s’occuper des débris de moins de 10 centimètres pourrait générer des bénéfices d’ici une décennie. « Il y a une décennie, on nous promettait une rentabilité à 200 ans ! », assure Pierre Omaly. « C’est un immense progrès, et cela prouve que la majorité des innovations qui pourront être à disposition bientôt deviennent intéressantes. »

La distribution des débris spatiaux autour de la Terre. // Source : ESA
La distribution des débris spatiaux autour de la Terre. // Source : ESA

D’autres méthodes sont passées au crible dans l’étude, comme des « vaisseaux-poubelles », chargés de ramasser tous les débris sur leur chemin, ou bien un engin qui se servirait des débris comme carburant. Mais les auteurs concluent sur le fait que la méthode des lasers semble la plus simple et la plus prometteuse pour générer un bénéfice à court terme. 

La NASA en profite pour rassurer, en promettant que ces lasers seraient peu puissants, et donc ne pourraient pas servir d’éventuelle arme contre des satellites actifs.

Éviter les débris : un travail routinier

Cela dit, le coût pour les opérateurs qui doivent éviter les déchets, est actuellement assez limité, ce qui peut poser problème pour une prise de conscience, même en sachant qu’il est amené à augmenter puisque les débris, eux, sont toujours plus nombreux.

Comme le précise Pierre Omaly, souvent, ces coûts ne sont même pas pris en compte : « Les débris, certains opérateurs ont appris à vivre avec, c’est du travail quotidien, ils ont toujours connu ça. Alors il faut des études, des audits pour savoir exactement combien ça leur coûte. Là, seulement, ils réaliseront que d’autres solutions sont peut-être plus viables. »

Des solutions qui peuvent leur sembler lointaines et excessivement complexes, un a priori que tente de démonter la NASA.

« Ce type d’étude est salutaire mais peut avoir un effet pervers », nuance Pierre Omaly. « D’un côté, c’est une bonne manière d’attirer des entreprises pour leur montrer que ce nettoyage nécessaire peut leur rapporter de l’argent. D’un autre côté, si les opérateurs se rendent compte que les déchets peuvent être retirés, ça risque de les encourager à envoyer du mauvais matériel dans l’espace. »

Une perspective contraire à tout ce qu’essaie de réaliser la France quand il s’agit de mettre n’importe quel engin en orbite. La loi relative aux opérations spatiales, datant de 2008, oblige le CNES et les autres acteurs qui envoient des satellites dans l’espace à assurer qu’il y ait un minimum de débris. Cela inclut l’interdiction des pièces détachables comme un cache d’objectif, par exemple, ou encore un système qui pousse le satellite à descendre lentement une fois sa mission achevée, pour qu’il brûle plus vite dans l’atmosphère. Des efforts pas toujours partagés, et qui pourraient devenir obsolètes si des opérateurs s’aperçoivent qu’il leur coûte moins cher de polluer, puis de payer une entreprise pour retirer leurs débris.

Quoi qu’il en soit, attirer l’attention des industriels sur le fait qu’il peut bientôt exister des solutions pour dépolluer l’orbite terrestre, reste une bonne initiative selon Pierre Omaly : « C’est une manière de remettre une pièce dans la machine. Et il faut le faire régulièrement car la technologie évolue, donc ça change tout à chaque fois. » Qui sait si, dans deux ans, il n’existera pas une nouvelle technique encore moins chère et plus facile à mettre en place ?

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