L’Europe doit utiliser cette année ses derniers lanceurs dans les segments léger (Vega) et lourd (Ariane). Or, les successeurs de Vega et Ariane 5 ont rencontré des difficultés ces derniers mois. Ils doivent faire leur début fin 2023, exposant l’Europe à un trou capacitaire plus ou moins prononcé.

C’était le 10 janvier dernier. Présentant ses bons vœux pour la nouvelle année, le compte d’Arianespace révélait dans la foulée la prochaine mission pour la fusée Ariane 5 : JUICE. Objectif : visiter les lunes de Jupiter à partir de 2030, grâce à une sonde européenne. « Bonne année à toute l’équipe d’Arianespace », répliquait ArianeGroup, qui fabrique les lanceurs Ariane.

Derrière ces échanges aimables, pourtant, l’Europe spatiale est entrée dans une année cruciale. Sur tous les segments des lanceurs (léger, intermédiaire et lourd), le Vieux Continent se trouve dans une posture inconfortable, limitant ses marges de manœuvre pour envoyer des satellites dans l’espace. Ces difficultés risquent de se faire ressentir tout au long de 2023.

Des retards en série pour Ariane 6…

Sur le segment lourd, la nouvelle fusée Ariane 6 n’est pas encore prête à faire ses débuts. Aux dernières nouvelles, c’est au quatrième trimestre 2023 qu’elle doit faire son vol inaugural, après trois années de retard. Or à ce moment-là, l’Europe spatiale sera sans solution alternative en magasin pour pallier un éventuel retard : l’Europe n’aura plus alors aucune fusée Ariane 5.

Les deux derniers exemplaires de cette fusée ont déjà reçu leur affectation : pour la première, ce sera la mission JUICE (l’une des plus importantes de l’année), pour un décollage annoncé au 13 avril. À la mi-février, les équipes derrière cette aventure indiquaient l’arrivée de la sonde près de Kourou. C’est depuis le centre spatial guyanais que l’avant-dernière fusée Ariane 5 partira.

Après l’envol vers Jupiter, Arianespace embrayera quelques mois plus tard sur le vol VA261, qui inscrira le point final de la longue carrière d’Ariane 5, démarrée en 1996. Il s’agira de transporter deux satellites, l’un pour les armées françaises (Syracuse 4B, pour des communications sécurisées), l’autre au profit de l’agence spatiale allemande (H2Sat).

Initialement, le départ de JUICE aurait dû être la dernière mission d’Ariane 5. Des soucis ont cependant été observés sur l’un des deux satellites — en l’occurrence, du retard a été accumulé sur H2Sat, rapportait La Tribune mi-janvier. Cette mission, envisagée au départ en 2022, a été reportée à janvier 2023 puis juin désormais.

Après ? L’Europe spatiale ne disposera plus de fusée souveraine pour acheminer des charges lourdes en orbite ou dans le système solaire, du moins tant qu’Ariane 6 ne sera pas opérationnelle. Ce trou capacitaire avait déjà été identifié dès l’an passé, avec un énième report d’Ariane 6. Pour compenser, il faudrait recourir à des tiers, comme SpaceX ou ULA.

Une nouvelle fusée légère qui déraille

Sur le segment intermédiaire, l’option du Soyouz est inenvisageable en raison de la guerre en Ukraine déclenchée par la Russie. Les puissances occidentales ont choisi de sanctionner massivement Moscou, qui a notamment répliqué en privant l’Europe de ce lanceur. Désormais, cette fusée ne décolle que des bases russes ou de l’ex-URSS.

Enfin, le segment des lanceurs légers a aussi connu de vives turbulences après la perte, dès le deuxième vol, du nouveau lanceur Vega-C. En cause, la défaillance d’une pièce dans le deuxième étage. Dès lors, compte tenu du temps requis pour l’enquête et des actions correctrices pour que cela ne se reproduise plus, le retour aux affaires de Vega-C n’aura pas lieu avant la fin de l’année.

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La fusée Vega-C. // Source : ESA – M. Pedoussaut

Il y a néanmoins une relative bonne nouvelle : l’incident ayant touché la Vega-C est survenu dans un composant qui n’existe pas dans le modèle précédent (Vega). Cela offre à Arianespace la possibilité d’utiliser ses deux derniers lanceurs Vega d’ici à la fin de l’été 2023. Ensuite, il y aura un vide qui ne sera rempli qu’au moment où Vega-C sera requalifiée.

Entre Ariane 5 qui est sur le point d’être mise à la retraite, avec deux vols à boucler, et Vega qui se trouve dans le même cas de figure, c’est une année délicate pour l’Europe spatiale, à cause des difficultés rencontrées par les lanceurs devant leur succéder. Il reste à savoir si 2023 sera l’année des dates respectées ou si d’autres soucis la transformeront en annus horribilis.

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