Des études scientifiques évoquent une disparition progressive du chromosome Y chez l’humain. Dans cette hypothèse, le sexe biologique masculin serait-il menacé à proprement parler ? Chez d’autres mammifères, le chromosome Y a disparu : des scientifiques ont étudié leur cas.

Plusieurs études ont commencé à suggérer, depuis quelques années, que le chromosome Y se dégraderait. Il ne lui resterait que quelques milliers ou millions d’années d’existence à l’échelle de l’évolution avant de disparaître. C’est en débat chez les scientifiques. Mais, l’hypothèse elle-même conduit à des études sur les conséquences possibles d’une telle disparition. En l’absence du Y, le sexe biologique masculin serait-il menacé ?

Il est difficile de répondre avec certitude à une question si prospective. Cependant, une étude scientifique, publiée en octobre 2022, et mise en avant dans The Conversation ce 6 décembre, se penche sur des mammifères dont les mâles ont totalement perdu le chromosome Y. Il semblerait que ce dernier ne soit pas forcément une nécessité absolue.

Quel est le rôle du chromosome Y dans l’expression des gènes ?

Il y a plusieurs paires de chromosomes chez les mammifères. L’une de ces paires est censée définir le sexe biologique (les organes génitaux, notamment). Au tout début du stade embryonnaire, le génotype de base est XX. Le chromosome X est important, car il contient de nombreux gènes et remplit beaucoup de fonctions. Le chromosome Y quant à lui ne remplit pas vraiment de fonction et ne contient pas beaucoup de gènes utiles… à ceci près qu’il en contient un qui a un impact important : SRY.

Cela se passe dans l'ADN. // Source : pikisuperstar/Freepik
Cela se passe dans l’ADN. // Source : pikisuperstar/Freepik

La présence du gène SRY génère le développement des organes reproducteurs des mâles — les testicules en particulier –, en permettant notamment à un autre gène, SOX9, d’exprimer des attributs masculins. Vers 12 semaines après conception, si le chromosome Y intervient, cela opère donc une différenciation sexuelle par rapport à son absence. C’est d’ailleurs là que peut apparaître l’une des origines de l’intersexualité (une combinaison chromosomique particulière, un décalage organes/hormones, etc.). Bref, en somme : le chromosome Y a un impact sur les attributs sexuels des membres d’une espèce en raison de ce gène clé, SRY, qu’il porte.

Vous commencez à comprendre l’implication d’une disparition du chromosome Y : sans lui, le gène SRY ne peut pas s’exprimer, ce qui peut poser des soucis de reproduction pour un mammifère. Sauf que, contrairement à une ancienne présupposition, il semblerait qu’une telle configuration ne conduise pas à la disparition des mâles d’une espèce.

L’étude publiée en octobre 2022 s’intéresse aux rats taupiers d’Europe de l’Est et les rats épineux du Japon : chez ces mammifères, il y a des espèces où il n’y a plus de chromosome Y et donc aucun gène SRY s’exprimant. Il ne reste plus que le chromosome X. Ces espèces sont pourtant vivantes.

Une nouvelle séquence générique à la place du chromosome Y

Pour les rats taupiers, cela reste compliqué à comprendre. Mais, par séquençage ADN, les scientifiques ont pu découvrir quelques éléments intéressants sur trois espèces de rats épineux situées sur des îles japonaises — et actuellement en voie de disparition. Les auteurs et autrices de ces travaux ont remarqué que la plupart des gènes présents d’habitude dans le chromosome Y ont été « déplacés » vers d’autres chromosomes (pas SRY, toutefois).

L’équipe a aussi découvert une séquence présente exclusivement chez les individus aux attributs masculins : une petite duplication génétique (qui représente 17 000 paires de base sur 3 milliards au total, c’est infime). Chez cette espèce de rats, cette petite séquence spécifique était totalement inexistante chez les femelles ; mais récurrente chez l’intégralité des mâles. L’hypothèse portée par l’étude est donc que ce morceau d’ADN contient les éléments clés, qui permettent au gène SOX9 de s’exprimer sans être déclenché par SRY. Cette évolution génétique aurait pris environ 2 millions d’années, selon ces scientifiques.

Pour Jenny Graves, autrice du papier publié dans The Conversation, cela apporte une nouvelle hypothèse au débat : dans des milliers ou millions d’années, les humains pourraient évoluer en présence d’un nouveau gène sexuel. Selon elle, il est même envisageable que cela conduise l’humanité à se diviser en espèces distinctes. Cela relève, bien entendu, de la pure prospective biologique.

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