Alors qu’il n’existe pour l’heure pas de médicament contre le covid long, une équipe suisse vient de lancer une étude pour déterminer l’efficacité d’un anticorps monoclonal.

Héléna est une jeune femme de 28 ans que j’avais rencontrée lors d’un précédent article sur le covid long. Depuis qu’elle a été contaminée en novembre 2020, sa vie a radicalement changé : « Je suis constamment fatiguée, une fatigue qui persiste même quand je me repose. J’ai également des problèmes de mémoire — souvent les mots me manquent –, et des soucis de concentration », raconte t-elle.

« Alors, j’ai dû adapter mon quotidien. Je travaille désormais à mi-temps et j’ai fait une croix sur ma vie sociale, car je n’ai plus vraiment l’énergie pour sortir avec mes amis ou continuer les cours de pole dance que j’aimais tant. » Elle explique qu’elle a l’impression de porter un « fardeau » et qu’elle voudrait simplement retrouver une vie « comme avant » : « J’aimerais qu’il existe un traitement. Les aménagements que je fais dans ma vie quotidienne et la rééducation en kinésithérapie aident mais ils ne me permettent pas de retrouver mon énergie d’autrefois. »

Le covid long provoque un isolement, en raison de symptômes persistants. // Source : Pexels
Le covid long provoque un isolement, en raison de symptômes persistants. // Source : Pexels

Fatigue persistante, troubles de la mémoire et de la concentration, troubles du sommeil… sont autant de symptômes du covid long qui touchent en France des milliers de personnes sans qu’elles ne puissent faire autre chose que prendre leur mal en patience et rogner sur différents aspects de leur vie personnelle et professionnelle.

Pas de traitement contre le covid long aujourd’hui

C’est aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG) et plus précisément au service de médecine de premier recours qu’ont été créées une des premières consultations Covid Long (ou post-covid) dès l’été 2020 ainsi que la première plateforme interactive francophone sur les symptômes post-COVID appelée Rafael. La Dre Mayssam Nehme y exerce comme cheffe de clinique et l’expérience accumulée au cours des dernières années, ainsi que les travaux de recherche qu’elle a menés, font d’elle une des expertes francophones du covid long.

« Il n’y a malheureusement aucun traitement médicamenteux pour le covid long. »

Elle explique la situation thérapeutique pour les malades atteints de covid long : « Il n’y a malheureusement aucun traitement médicamenteux pour le covid long. Tout ce que nous pouvons proposer à nos patients aujourd’hui, ce sont des prises en charge non médicamenteuses : ergothérapie pour aménager le quotidien, neuropsychiatrie, rééducation pour éviter le déconditionnement… mais tout cela a ses limites. »

Lorsque l’on évoque avec elle les antihistaminiques parfois prescrits en France aux malades, elle précise : « Il n’y a pas de niveau de preuve suffisant pour pouvoir les recommander. De fait, nous les prescrivons uniquement lorsqu’il y a une indication, par exemple lorsqu’une rhinite allergique accompagne le covid long. » Même chose pour les compléments vitaminiques parfois également prescrits : « Ils sont utiles lorsqu’une carence a été détectée lors d’un bilan sanguin, mais autrement, cela n’a pas de sens de les recommander. »

Alors, même si l’état des malades tend à s’améliorer dans le temps, beaucoup se retrouvent dans une impasse thérapeutique, coincés dans un état de santé précaire.

L’espoir du temelimab contre le covid long

C’est dans ce contexte que démarre actuellement un essai clinique de phase 2 dont le service de médecine de premier recours des HUG est l’un des principaux investigateurs. Celui-ci vise à évaluer l’efficacité d’un anticorps monoclonal, le temelimab, sur les symptômes neurologiques du covid long (fatigue, troubles de la mémoire et de la concentration). Le Pr Idriss Guessous, médecin chef aux HUG explique : « On suspecte la protéine pathogène W-ENV produite en excès par les patients atteints de covid long de provoquer des symptômes neurologiques persistants. Le temelimab pourrait permettre de neutraliser cette protéine et de court-circuiter son cycle de reproduction dans l’organisme. »

Pour le moment, l’étude n’en est qu’à ses balbutiements puisqu’il s’agit de recruter les premiers patients volontaires pour y participer. Ceux-ci doivent avoir eu un covid aigu objectivé par un test PCR ou antigénique positif, ou par un test sérologique. Ils doivent présenter une fatigue persistante ainsi qu’un trouble neurologique et doivent avoir un taux de protéine pathogène W-ENV supérieur à la normale. L’étude pourra démarrer lorsque 200 patients auront été recrutés dans les 5 centres suisses participants.

« Si c’est positif, une demande sur le marché accélérée pourrait aboutir fin 2023-début 2024. »

Ensuite, 100 d’entre eux recevront le temelimab et 100 autres recevront un placebo durant six mois pendant lesquels leur état sera évalué. « C’est long et couteux », reconnait Idriss Guessous. « Mais nous avons la certitude que la méthodologie est bonne et que si nous obtenons des résultats positifs, cela signifiera que le traitement est vraiment efficace. Nous avons vraiment confiance dans la solidité des résultats que nous obtiendrons. »

Il précise le timing : « Le recrutement des patients devrait se terminer à la fin de l’année. Puis, puisque le médicament est évalué pendant six mois, nous devrions avoir les premiers résultats à l’été, résultats dont l’analyse devrait être prête à l’automne. Si c’est positif, une demande sur le marché accélérée pourrait aboutir fin 2023-début 2024. » Il est aussi possible que face à des résultats vraiment parlants et extrêmement positifs, le comité indépendant à cette étude l’arrête précocement afin que tous les participants aient accès au traitement. Et que la mise sur le marché se fasse donc le plus tôt possible. C’est un cas relativement rare, cependant.

Espérons que d’ici à un an, nous pourrons dire qu’il existe un remède contre le covid long, car, derrière les études, ce sont des milliers de personnes en souffrance.


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