Et voici la nouvelle compilation hebdomadaire des dérives de la propriété intellectuelle, toujours préparée par Lionel Maurel et Thomas Fourmeux, spécialistes de la question du copyright.

Cette semaine le Copyright Madness revient sur une députée qui veut protéger pendant 20 ans les créations culinaires, un dessinateur qui risque la prison pour avoir dessiné Tintin ou encore Apple qui perd les pédales. Bonne lecture et à la semaine prochaine.

Copyright Madness

Indigeste. La propriété intellectuelle a tendance à se répandre dans les moindres interstices. Mais il existe encore quelques poches qui résistent à l’invasion et où les créations restent toujours libres. C’est le cas des recettes de cuisine, qui ne peuvent pas traditionnellement être protégées par le droit d’auteur, ce qui permet aux cuisiniers de les reprendre, de les adapter, de les améliorer pour le plus grand plaisir de nos papilles. L’an dernier, la Cour de justice de l’Union européenne a confirmé qu’on ne peut pas non plus protéger une saveur. Mais cela n’empêche pas une députée des Républicains de déposer à l’Assemblée nationale une proposition de loi pour protéger les créations culinaires pendant 20 ans. Le plus étrange dans son texte, c’est qu’il contient des exceptions pour empêcher de déposer des plats à base d’espèces protégées, de stupéfiants ou de morceaux du corps humain. La cuisine cannibale est en deuil…

Mille Sabords ! Il y a des admirateurs de Tintin qui sont prêts à aller loin pour rendre hommage à l’œuvre de Hergé. Mais c’est une chose dangereuse, car la Fondation Moulinsart, détentrice des droits sur l’œuvre, veille avec férocité sur son pactole. Un dessinateur est passé cette semaine au tribunal et le parquet a requis contre lui 6 mois de prison fermes pour contrefaçon. Depuis des années, il crée (et vend) des planches dans lesquelles il met en scène des personnages des aventures de Tintin les transposant dans d’autres univers. Il affirme faire de la libre interprétation et nous dirions de notre côté que c’est un adepte du remix. Mais ces occupations risquent de lui coûter et rappellent à tout le monde que oui, on peut aller en prison pour avoir dessiné un personnage…

Tintin Lune

On a marché sur la Lune

Source : Hergé

Côté obscur. Cette semaine, il semblerait que YouTube a trouvé le moyen pour que ContentID, sa machine à repérer les violations de droit d’auteur, ne fasse plus aucune erreur. Non, c’était une blague ! Le système est toujours aussi complètement défectueux. Cette fois, c’est l’émission américaine The Late Show de Jimmy Fallon qui s’est trouvée au centre d’un gros n’importe quoi. Une séquence montrait le présentateur et une invitée jouant en direct à Beat Saber, un jeu de réalité virtuelle où l’on doit couper en rythme des cubes de couleur avec un sabre laser. Une fois la vidéo de l’émission mise sur YouTube, d’autres chaînes ont commencé à recevoir des notifications de retrait de ContentID, car le robot était incapable de faire la différence avec d’autres parties apparaissant dans d’autres vidéos. Plusieurs centaines d’erreurs ont été ainsi commises. Comme dirait Obi-Wan Kenobi : « Ce ne sont pas vidéos que vous recherchez ! »

Beat Saber.

Beat Saber.

Trademark Madness

Règles d’utilisation. Cyclique est un média en ligne consacré au cycle menstruel qui s’est fixé comme mission de déconstruire les représentations et les préjugés sur les menstruations. Tout allait bien, jusqu’à ce qu’un troll débarque et tire à vue à coup de propriété intellectuelle. Le CaPP (Collectif Abolition Porno Prostitution) a fait une demande auprès de l’INPI pour enregistrer la marque « Bois mes règles » qui était jusqu’à présent utilisée par de nombreuses personnes et notamment Cyclique. Puis comme si cela ne suffisait pas, CaPP tente également de s’approprier un logo où l’on voit deux coupes menstruelles qui trinquent et qui a déjà été utilisé par Cyclique dès 2018.  Ce qui prouve l’antériorité de l’utilisation de ce logo que CAPP ne peut tenter de s’approprier. Quand on dépasse les bornes, il n’y a plus de limites….

Mangez des pommes ! Apple a encore frappé et décroche sa place dans l’édition de cette semaine. Quand l’entreprise de Cupertino ne se bat pas avec des trolls des brevets, elle profite de son temps libre pour aller chercher des poux ailleurs.Cette fois-ci, Apple s’attaque à une organisation allemande qui a la gestion d’une piste cyclable. Cette dernière a eu le malheur de baptiser l’itinéraire « rheinische Apfelroute » (la route de la pomme rhénane) et de créer un logo avec une pomme ouverte en son côté droit. Apple estime que le logo est une contrefaçon de sa pomme croquée et la position de la feuille de la pomme rappelle trop la griffe d’Apple.  Il faut être une d’une mauvaise foi incroyable pour voir la moindre contrefaçon. Sans compter que les deux protagonistes ne jouent pas du tout dans la même cour. Apple perd complètement les pédales !

Le logo d'Apple. // Source : Apple

Le logo d'Apple.

Source : Apple

Stürmdtl. Le fabricant suédois Ikea est mondialement connu pour ses notices de montage et ses meubles en kit. Mais désormais l’entreprise est aussi connue pour son addiction à la propriété intellectuelle. Elle s’est opposée à l’enregistrement de la marque Stylkea déposée par Kylie Hughes. Le géant de l’ameublement estime que le suffixe « kea » lui appartient et que l’utilisation par la cheffe d’entreprise porte atteinte à sa marque. D’après ses recherches, il existe d’autres entreprises qui n’appartiennent pas à Ikea et qui disposent du même suffixe dans leur nom sans que cela ne semble lui poser de problème. Selon Mme Hughes, il s’agit d’une tentative d’intimidation de la part d’Ikea  qui ne se fonde sur aucun raisonnement juridique. Espérons que l’office australien de la propriété intellectuelle mette Ikea K.O.

salon-maison-domicile

Un salon contemporain.

Source : diegodiezperez123

Le Copyright Madness vous est offert par :

Lionel Maurel

Thomas Fourmeux

Merci à celles et ceux qui nous aident à réaliser cette chronique, publiée sous licence Creative Commons Zéro, notamment en nous signalant des cas de dérives sur Twitter avec le hashtag #CopyrightMadness !

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