Chaque week-end, c’est la compilation de l’actualité de la propriété intellectuelle et de ses dérives, concoctée par Lionel Maurel et Thomas Fourmeux.

Cette semaine, le Copyright Madness revient sur quelques affaires relatives aux Paradise Papers, les ennuis du site scientifique Sci-Hub aux USA et les déboires de Kevin Spacey pour l’utilisation de sa marque maintenant qu’il est au cœur d’un scandale d’agression sexuelle. Bonne lecture et à la semaine prochaine !

Copyright Madness

Blackout. Le site Sci-Hub s’est donné pour mission de donner un accès libre et gratuit à des millions d’articles scientifiques, en contournant au besoin les restrictions imposées par les grands éditeurs. Mais après avoir déjà été déclaré illégal suite à un procès perdu face à Elsevier, le site risque à présent un blocage total aux États-Unis. Sa fondatrice, sur laquelle pèse une amende de 15 000 dollars est contrainte de se cacher en Russie. Il suffira sans doute à Sci-Hub de changer de nom de domaine pour déjouer cette mesure de blocage, mais en attendant, le partage de la connaissance est toujours un délit au 21ème siècle…

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CC Jay Mantri

Mauvaise réputation. Si le Cosby Show a été populaire dans le passé, ce sont surtout les accusations d’agressions sexuelles contre Bill Cosby qui font les titres des journaux aujourd’hui. Mais le producteur, qui détient toujours les droits sur le programme, a l’air bien décidé à presser son juteux citron jusqu’au bout. Il a attaqué en justice la BBC qui préparait un documentaire intitulé : Bill Cosby: Fall of an American Icon. Le producteur reproche à la chaîne d’avoir utilisé huit extraits et deux musiques, sans autorisation et sans payer. Outre le cynisme de la démarche, c’est encore une fois une manière de détourner le droit d’auteur pour en faire un obstacle à la liberté d’expression et d’information.

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CC Jason Brown

Quand la musique est bonne. On profite de l’actualité pour faire un Copyright Madness axé Paradise Papers. L’évasion fiscale concerne aussi des titulaires de droits d’auteur et pas des moindres. Cela concerne le Boléro de Ravel. Le ballet du compositeur est entré laborieusement dans le domaine public en 2016 à cause de titulaires de droits peu scrupuleux. Mais la saga continue avec les révélations des Paradise Papers : on apprend que la dernière héritière vivante et son époux ont profité de montages financiers en créant des sociétés basées à Malte et Amsterdam pour ne pas payer d’impôts sur une des musiques les plus jouées au monde. On devrait le rebaptiser la tragédie du Boléro.

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José Camarón Boronat

Trademark Madness

Paye ton slogan. Le monde du sport est souvent épinglé pour des usages abusifs du droit des marques et cela concerne aussi bien des chaînes TV que des sportifs. Cette semaine, c’est au joueur de basket-ball LeBron James de recourir au droit des marques. La vedette de la NBA a fait une demande pour enregistrer la marque « Rien n’est donné. Tout est mérité » Évidemment avec cette maxime, il parle de lui et de son investissement pour être un joueur de renom. Mais c’est surtout le moyen pour lui de vendre des t-shirts ou des mugs estampillés avec cette punchline. On s’interroge toujours sur le caractère distinctif de cette éventuelle marque…

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CC Erik Drost

Chute libre. Kevin Spacey est en train de passer du statut de superstar à celui de paria d’Hollywood après les accusations de tentative de viol dont il fait l’objet. Mais il y a des signes qui montrent qu’il ne s’attendait pas à cette descente aux enfers. On apprend en effet qu’il y a un an, l’acteur de House of Cards a déposé une marque, « Presidential by Kevin Spacey », sur une ribambelle de produits, comme des boissons alcoolisées, des mets de luxe, des chaussures, des lunettes, des jeux et des jouets. Tout ce fatras risque à présent de partir directement à la poubelle et il ne lui restera qu’une marque d’infamie…

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CC John E. Branch Jr.

Money, money, money. On poursuit avec une nouvelle dérive de la chanteuse Taylor Swift qui prend l’habitude d’utiliser le droit des marques pour enregistrer tout et n’importe quoi. Enfin surtout n’importe quoi. La chanteuse a fait enregistrer des paroles de ses chansons qui ne présentent aucun caractère distinctif. Ce sont des phrases que n’importe qui pourrait dire. Mais grâce à ça, elle essaie de racketter des fans qui commercialisent sur des boutiques en ligne des produits dérivés avec des paroles de la chanteuse écrites dessus. Encore une fois, le droit des marques est instrumentalisé comme une machine à fric.

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CC GabboT

À la virgule près. Les Paradise Papers révèlent des informations très croustillantes et complètement folles. Les montages financiers qui permettent l’évasion fiscale ont permis à des marques de gagner de l’argent en s’auto-payant des droits. Dingue, non ? C’est ce que fait Nike par exemple. Aux États-Unis, la société concède ses droits à une entreprise irlandaise (créée par elle) qui exerce aux Bermudes. Cette société est chargée des collecter les sommes qu’elle va renvoyer vers une autre société basée aux Pays-Bas (créée par elle aussi) et enfin les sommes quittent les Pays-Bas pour les Bermudes, sans être soumises à l’impôt. Autrement dit, avec ce schéma, ces sociétés payent à Nike des droits factices, appelés officiellement prix de transfert, pour pouvoir utiliser la marque… Nike. À quand une plainte pour auto-contrefaçon ?

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CC Kaique Rocha

Patent Madness

Terrain glissant. Pendant des années, on a cité le fameux brevet déposé par Apple sur le « glisser pour déverrouiller » comme un des exemples caractéristiques des abus du système. La marque à la pomme a cherché à s’approprier le simple geste de faire glisser un bouton sur un écran. Mais le plus beau, c’est que ça marche ! Cette semaine, la Cour suprême des États-Unis n’a pas voulu entendre les arguments de Samsung dans la bataille homérique qu’il livre avec Apple depuis des années, et qui tentait ici de faire invalider une sanction à 120 millions de dollars. Le message est clair : si vous voulez faire fortune, déposez un brevet sur n’importe quoi et sur un malentendu, ça peut passer !

Le Copyright Madness vous est offert par :

Lionel Maurel

Thomas Fourmeux

Merci à tous ceux qui nous aident à réaliser cette chronique, publiée sous licence Creative Commons Zéro, notamment en nous signalant des cas de dérives sur Twitter avec le hashtag #CopyrightMadness !

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