Ce roman coréen phénomène va vous faire rêver
Et si vous vendiez du rêve ?
Penny y est plus précisément réceptionniste : elle accueille, tout au long de sa journée de travail, des rêveurs et rêveuses, en les aiguillant pour que toutes et tous trouvent leur bonheur -- choisir un rêve qui nous corresponde n'est pas si facile ! Tout cela sous la direction bienveillante du mystérieux Dollagoot, le dirigeant du magasin.
« Elle ignore que chaque nuit elle se rend au magasin »
« C'est une habituée du magasin. Elle le fréquente depuis sa plus tendre enfance. Elle sait qu'elle a tendance à beaucoup rêver, mais elle ignore que chaque nuit elle se rend au magasin, car elle oublie tout au réveil. »
Au fil du roman, tous les types de rêve y passent : rêves prémonitoires, souvenirs d'enfance, escapades paradisiaques, rencontres romantiques, cauchemars. Chacun de ces rêves passe à la moulinette d'une histoire intimiste, souvent touchante. Récit après récit, croisant les destins, l'autrice relie nos nuits et nos jours à travers ce royaume imaginaire où la mise à nu des sentiments résonne comme une évidence.
Résultat, on se sent terriblement bien en lisant Lee Mi-ye, parce qu'on ne peut se détacher de la sensation d'être compris : elle saisit les rêves comme des artéfacts apaisés de nos vies. Ils en sont le résultat tumultueux ou l'expression d'ardents désirs parfois, certes, mais ils jouent un rôle profond : celui d'une pause. « Le moment que j’aime, c’est celui où tout le monde est endormi. Durant le sommeil, tout regret du passé et toute angoisse de l’avenir disparaissent. »
Et puis il y a une certaine magie à découvrir ce monde nocturne que l'on oublie au réveil : Lee Mi-ye dresse le portrait d'auteurs et d'autrices de rêves, dont le métier -- et la vocation ! -- est de concevoir ces songes pour le magasin. N'imaginez pas pour autant que Le Grand Magasin des Rêves ajoute du mercantilisme au royaume sacré de nos songes : le paiement est non seulement en différé, mais absolument pas financier. Ce sont des émotions -- comme la palpitation (pour un rêve amoureux) ou l'estime de soi (pour un rêve professionnel) -- qui sont au cœur de l'échange. Si vous ne ressentez rien au réveil, alors cela ne vous coûte rien. Point de surconsommation non plus, le dirigeant du magasin insiste : on y vend juste ce qu'il faut de rêve, pour ne pas se déconnecter du réel.
Tout en sensibilité et en poésie dans son récit, Lee Mi-ye nous aide à faire la paix avec nos nuits et ainsi avec la dureté du réel. Voilà qui est tendre, et original.
Le Grand magasin des Rêves, Lee Mi-ye, Éditions Piquier, 320 pages