Réunissant le casting d’Everything Everywhere All At Once, qui a cartonné aux Oscars 2022, la série Américain de Chine (ou American Born Chinese) nous promettait arts martiaux, narration adolescente et antiracisme. Cette création Disney+ est effectivement généreuse, mais presque trop pour convaincre pleinement.

Imaginez un peu : vous êtes de retour au lycée et vous tentez désespérément de vous intégrer au groupe des « populaires » entre deux matchs de foot ou autres TP de chimie. Classique. Mais un nouvel arrivant chamboule tout en vous impliquant dans… une guerre opposant des dieux chinois. Bienvenue dans Américain de Chine (ou American Born Chinese), la nouvelle création adolescente de Disney+.

En seulement 8 épisodes de 30 minutes, cette série transpose sur le petit écran le roman graphique culte de Gene Luen Yang, sorti en 2006. Une adaptation ambitieuse, qui ne manque pas d’imagination et de trames narratives pour nous accrocher. Mais à force de développer trop de récits parallèles, on finit par ne plus trop savoir où mettre les pieds dans American Born Chinese. Oui, un peu comme dans Everything Everywhere All At Once, mais en moins bien.

5 intrigues pour le prix d’une

À mi-chemin entre la quête identitaire fantastique de Miss Marvel et les références à la culture asiatique façon Crazy Rich Asians, cette série destinée à un public jeune ne parvient malheureusement jamais à trouver son équilibre. Dans American Born Chinese, Jin Wang, un élève sino-américain plutôt discret, est ainsi confronté à l’arrivée de Wei-Chen dans son lycée.

La proviseure étant influencée par de (légers) biais racistes, elle estime que les deux seuls étudiants chinois aux alentours ont « beaucoup en commun » et que Jin deviendra le guide officiel de ce nouveau venu. Mais Wei-Chen est en réalité le fils de Sun Wu-Kong, un dieu incontournable de la mythologie asiatique. En voyageant sur Terre depuis le Paradis, il cherche à retrouver le quatrième parchemin, synonyme de pouvoir, pour stopper un démon malfaisant…

La barbe de Sun Wu-Kong est... discutable // Source : Carlos Lopez-Calleja / Disney+
La barbe de Sun Wu-Kong est… discutable // Source : Carlos Lopez-Calleja / Disney+

Sur le papier, American Born Chinese avait de nombreuses qualités pour nous plaire. Mais la série veut tout dire en même temps, probablement par peur de ne jamais obtenir une saison 2, en ces temps de réductions budgétaires et de grève des scénaristes à Hollywood. Le résultat est en demi-teinte.

Prenez une péripétie lycéenne, ajoutez une dispute des parents de Jin sur leurs difficultés financières, assaisonnez d’une crise existentielle de Jin, tiraillé entre ses origines chinoises et américaines, complétez avec un petit combat bien chorégraphié pour clore l’épisode, n’oubliez pas une petite blague de Wei-Chen pour saupoudrer le tout et le tour est joué ! On appuie sur « épisode suivant » et on recommence, à 8 reprises.

Ah, et on n’oublie pas d’enrichir ce récit bien rempli avec une sitcom imaginaire des années 1990, Beyond Repair. Celle-ci mettait en scène un personnage asiatique cumulant les clichés les plus racistes possibles, désormais transformé en meme sur les réseaux sociaux.

Couvrez ce racisme que je ne saurais voir

Chacun de ces fils narratifs pourrait être passionnant, par sa seule existence. On passe d’ailleurs un excellent moment devant plusieurs épisodes, comme le quatrième, qui met en scène les origines du dieu Sun Wu-Kong, façon série à l’ancienne avec générique inclus. Mais ce mélange un peu foutraque entre arts martiaux, coups de cœur adolescents et réflexion sur le racisme nous laisse finalement une impression d’inachevé plutôt désagréable. C’est comme si l’on essayait de terminer un magnifique puzzle dont les pièces, très jolies, ne s’assemblent pas tout à fait harmonieusement.

Jin Wang et Wei-Chen vont devoir faire équipe pour lutter contre le mal // Source : Carlos Lopez-Calleja / Disney+
Jin Wang et Wei-Chen vont devoir faire équipe pour lutter contre le mal // Source : Carlos Lopez-Calleja / Disney+

En ce sens, l’esprit d’Everything Everywhere All At Once n’est jamais loin. Ce film unique en son genre, qui a cartonné aux Oscars 2022, partait déjà dans tous les sens et nous présentait des personnages asiatiques en prise avec leurs émotions et leur identité. Comme ce long-métrage complètement hors-normes, American Born Chinese délivre un propos vraiment unique sur l’importance de la représentation à l’écran.

Sur ce point, la série est extrêmement réussie et offre une perspective asiatique que l’on aurait aimé voir depuis bien longtemps sur nos écrans. Le racisme est montré dans chaque recoin, chaque blague ou chaque préjugé insistant. Pourtant, paradoxalement, le terme de « racisme » n’est jamais employé dans la série, comme s’il fallait taire ce mot dangereux. Dommage pour une œuvre qui met si bien en avant le racisme ordinaire et ses implications les plus insidieuses.

Bienvenue au Ke Huy Quan show

Mais American Born Chinese ne possède pas seulement des ressemblances narratives avec Everything Everywhere All At Once. En apprenant que Michelle Yeoh, Ke Huy Quan et Stephanie Hsu allaient être à nouveau réunis, à peine un an après la claque donnée par le film, on ne pouvait évidemment qu’être remplis de joie.

Et de ce point de vue là, American Born Chinese comble toutes nos attentes. On retrouve ainsi avec bonheur Michelle Yeoh (The Witcher : Blood Origin) et Stephanie Hsu (The Marvelous Mrs. Maisel) dans des rôles de divinités chinoises décalées, rassemblées autour d’un chien aux propriétés digestives un peu spéciales (on vous laisse la surprise).

On voudrait toujours plus de Ke Huy Quan // Source : Carlos Lopez-Calleja / Disney+
On voudrait toujours plus de Ke Huy Quan // Source : Carlos Lopez-Calleja / Disney+

De son côté, Ke Huy Quan reste bien ancré dans la réalité et endosse un rôle presque taillé sur mesure pour cet ancien enfant star des Goonies et d’Indiana Jones et le Temple Maudit. Il incarne ainsi Jamie Yao, un ex-acteur de la sitcom imaginaire Beyond Repair. Invité pour un épisode spécial de la série, Jamie dévoile les répercussions de son personnage, Freddy Wong, et de ses répliques racistes sur sa vie, 20 ans plus tard.

Il insiste alors sur le fait qu’en tant que comédien asiatique, on ne lui propose que des rôles de voisin benêt, de geek, voire de ninjas. Cette mise en abîme vertigineuse de Ke Huy Quan et de son parcours en tant qu’acteur à Hollywood est l’un des sommets d’American Born Chinese. À tel point que l’on aurait préféré une série entière sur ce personnage touchant et ultra méta.

Un héros et une série en quête d’identité

On aurait vraiment aimé vous dire que cette adaptation sérielle est un immense coup de cœur, intelligent et fun. Mais nous devons nous rendre à l’évidence : American Born Chinese ne sera pas le Miss Marvel de la communauté asiatique. Il manque un peu de maîtrise et de simplicité à ces 8 épisodes pourtant courts, mais paradoxalement souvent longs et ennuyeux.

Le démon très méchant d'American Born Chinese // Source : Carlos Lopez-Calleja / Disney+
Le démon très méchant d’American Born Chinese // Source : Carlos Lopez-Calleja / Disney+

La série oscille ainsi constamment entre too much et pas assez, entre une grande originalité et une classicisme peut-être propre à Disney, qui l’empêche de trouver son identité, à l’image de son héros, Jin Wang. American Born Chinese sera idéale pour un binge-watching sans prise de tête de fin de week-end, mais on oubliera malheureusement vite cette guerre entre divinités trop décousue pour que l’on s’y attache. Petit conseil, tout de même : regardez cette première saison en VO, pour profiter pleinement du mix astucieux entre le mandarin et l’anglais dans les dialogues.

Le verdict

American Born Chinese (Américain de Chine) // Source : Carlos Lopez-Calleja / Disney+
6/10

Américain de Chine (American Born Chinese)

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On attendait beaucoup d’American Born Chinese et il faut avouer que nos espérances n’ont pas été entièrement comblées. On voyait déjà un sommet de comédie, mêlé à du kung-fu et à une réflexion sur le racisme. Et sur ce point, la série ne déçoit pas. Mais à force de vouloir tout traiter d’un coup, cette première saison n’arrive jamais à choisir entre le fantastique façon univers Marvel et le teen show à la Gossip Girl. Espérons qu’avec une saison 2, débarrassée de ces intrigues lycéennes banales, vite résolues et qui ne servent pas à grand-chose (coucou Travis), American Born Chinese puisse réellement déployer ses ailes d’œuvre super-héroïque drôle et impressionnante qu’elle mérite d’être.

Source : Montage Numerama

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