Extraordinary sur Disney+ oscille entre santé mentale et blagues de cul
Que devient Spider-Man dans un monde où tout le monde peut devenir Spider-Man ?
Conçu comme un bonbon feel good au format de 25 minutes, Extraordinary est avant tout une série humoristique. Cherchant sans cesse à être hilarante, elle y parvient, mais peut-être un peu trop, tant l'obsession pour les gags et les fesses vire au pastiche de sitcom. Mais la vie de Jen n'est pas dénuée d'une intéressante mélancolie, très parlante sur nos santés mentales.
Quand l'extraordinaire vous définit
On frôlerait presque le mockumentary. En banalisant complètement la présence de superpouvoirs au quotidien, Extraordinary parvient à parodier tout à la fois les films superhéroïques et... nos vies. Et c'est peut-être cette parodie de notre quotidien qui résonne le plus fortement, derrière une apparente pastiche des Marvel.
Jen vit dans un monde où l'injonction à être extraordinaire est permanente. Chacun et chacune sort du lot grâce à un pouvoir singulier, qui lui offre un grand destin personnel -- lequel se déclare très jeune, à la majorité. Difficile de ne pas y voir un miroir des injonctions bien présentes en 2023 : celle d'être « la meilleure version de soi-même », celle de choisir un parcours professionnel au plus tôt. Exister, c'est sortir de l'ordinaire.
Extraordinary montre très bien, à l'aide d'une clinique destinée à celles et ceux n'ayant pas de pouvoir, combien cette injonction à sortir de l'ordinaire peut atteindre la santé mentale de toute une part de la société. L'aliénation est d'autant mieux mise en scène que l'héroïne n'a rien d'une femme timide et discrète : elle est égocentrique et se morfond dans la comparaison avec les autres. C'est de cette hiérarchie intériorisée, compétitive, qu'Extraordinary parvient à moquer.
En parallèle, l'imperfection de l'extraordinaire éclate tout autant au grand jour dans la narration : celles et ceux disposant de superpouvoirs ne sont pas forcément mieux lotis que Jen, voire dans une situation finalement bien pire, bloqués dans une seule destinée qu'ils n'ont pas choisi et dont ils ne savent que faire de positif. Le sentiment retranscrit dans Extraordinary est finalement très universel : tout le monde a un superpouvoir sauf vous.
Haha des fesses haha...
Extraordinary emballe toute sa narration dans une drôlerie constante, enchaînant les gags, les blagues et les situations absurdes. C'est un défouloir et l'humour britannique fait mouche : cela n'a aucun sens, le surréalisme est théâtralisé, et c'est exactement ce qui nous arrache des rires ou des sourires. Gare toutefois à la surdose, car Extraordinary en vient parfois à épuiser un peu de surexcitation.
Car la série de Disney+ aurait pu être écrite par un groupe d'ados tant l'obsession pour les blagues de cul est frappante. Limite scato parfois, Extraordinary a du mal à faire rire autrement qu'en dessinant des zizis sur le mur ou avec des gros plans sur des fesses. Et cette obsession est même inscrite dans la narration : dès le premier épisode, Jen fera la rencontre, lors d'un date, d'un homme dont le superpouvoir (slash calvaire) est de faire jouir quiconque au simple toucher ; ce sera un personnage récurrent.
On en rit facilement lors des premières occurrences, mais au terme de 6 épisodes, Extraordinary finit par lasser un poil en n'ayant pas tout à fait équilibré ses phases émotives et ses phases sitcom sous la ceinture.