Sur Apple TV+, rares sont les productions décevantes. Le service, qui s’inspire de la formule qui a fait le succès de HBO, vient notamment d’acquérir les droits de la future série de Vince Gilligan, le créateur de Breaking Bad. Malheureusement, Apple TV+ souffre d’un handicapant problème de notoriété.

Apple TV+ peut-il devenir aussi grand que Netflix, Prime Video ou Disney+ ? À l’heure actuelle, cela semble mal parti. Même si les productions d’Apple sont unanimement reconnues comme excellentes (CODA a remporté l’Oscar du meilleur film, Ted Lasso vient de gagner l’Emmy Award de la meilleure comédie pour la seconde année consécutive, tandis que Severance n’était pas loin de l’emporter dans la catégorie dramatique), Apple n’a toujours pas trouvé le moyen de faire connaître son service du plus grand nombre.

Rares sont les personnes qui savent qu’Apple TV+ existe, alors que les films et séries proposés par la plateforme sont généralement d’une qualité supérieure à ce que l’on trouve ailleurs. La stratégie élitiste d’Apple, pourtant aidée par un prix d’appel canon (4,99 euros par mois, ou inclus dans les abonnements Apple One et Apple Music Étudiant), n’a pas encore réussi à rentrer dans toutes les têtes. Apple peut-il y arriver ?

Apple TV+ doit s’émanciper d’Apple

Malgré un bouche-à-oreille de qualité et des récompenses prestigieuses, Apple TV+ n’attire pas les foules. Les audiences des articles de Numerama en sont le parfait témoin : notre guide des meilleures séries Apple est largement moins consulté que celui sur Netflix ou Prime Video. Il arrive même derrière celui sur Salto. Ces chiffres sont très étonnants pour un service primé aux Oscars ou aux Emmys, avec seulement trois années d’existence, qui devraient attiser la curiosité de nos lecteurs.

Mondialement, Apple TV+ détiendrait environ 6 % de parts de marché selon l’application JustWatch, mais cette valeur n’est pas très représentative de la réalité (aux États-Unis, Apple TV+ s’en sort mieux, ce qui augmente cette moyenne). Selon le même institut, les parts de marché d’Apple TV+ en France ne seraient que de 3 %, derrière Netflix, Prime Video et Disney, respectivement à 30 %, 28 % et 18 %. Tous ces services coûtent pourtant plus cher.

Les parts de marché du streaming en France. // Source : Données JustWatch, via iGen.
Les parts de marché du streaming en France. // Source : Données JustWatch, via iGen.

Comment interpréter ce démarrage timide ? D’une, Apple TV+ pourrait être victime de son nom et de son enfermement dans l’environnement Apple. Même si les ambitions du Californien en matière de streaming sont grandes, il est encore étonnant de ne pas avoir d’application Android pour Apple TV+ en 2022. De quoi refroidir probablement des millions de personnes potentiellement intéressées par des contenus du service de SVOD. Tout ceci est d’autant plus étonnant que la version Android d’Apple Music est excellente et qu’Apple l’avait lancée dès le premier jour de son service musical. Pourquoi diable donner l’impression qu’Apple TV+ serait réservé aux iPhone, alors que ce n’est clairement pas la stratégie de la marque ? (Apple TV+ est disponible sur les téléviseurs connectés et les consoles).

Plus globalement, Apple TV+ mériterait simplement sa propre application. Aujourd’hui intégré sous la forme d’un onglet à l’application « TV » d’Apple (qui propose aussi des films/séries en vente sur le modèle de l’iTunes Store), Apple TV+ est beaucoup trop bon pour se contenter d’être une sous-section. Peut-être est-il temps de lancer une version enrichie d’Apple TV+ sur toutes les plateformes, avec un site web bien plus complet, dans la lignée de celui de Netflix ? Et une potentielle intégration aux box des opérateurs pour s’adapter aux marchés locaux ?

Pour que les gens comprennent qu’Apple TV+ est un vrai service de streaming, avec du contenu haut de gamme pour tous, Apple doit impérativement réussir à faire comprendre qu’il ne s’agit pas que d’un service additionnel inclus avec ses iPhone. Cela passe notamment par un gros travail d’image, mais Apple semble surtout vouloir communiquer sur ses productions pour l’instant. Cette stratégie peut-elle fonctionner ?

Derrière Apple TV+, la recette HBO

La stratégie d’Apple est celle d’HBO il y a 10 ans. Dans le marché ultra-compétitif des productions audiovisuelles, Apple TV+ ne signe que des super productions avec de très gros budgets, un casting triple étoile et des réalisateurs/scénaristes reconnus, auxquels la marque laisse carte blanche. Le tout ne serait pas rentable pour une chaîne de télévision qui a besoin de contenus rapidement, mais a pour avantage de permettre la création de films/séries de très haute qualité (ce qui motive d’ailleurs le petit monde du cinéma à choisir Apple TV+ plutôt que les concurrents quand il en a la possibilité, même si l’audience est plus petite). À part HBO, aucun autre service de streaming ne semble avoir la même stratégie. Netflix et Amazon misent sur la quantité, Disney+ sur les licences…

Cette stratégie est-elle efficace ? Selon IMDb, oui. Les contenus Apple TV+ sont les mieux notés du marché (7,08/10 de moyenne en 2022), devant HBO (6,88/10) et Disney+ (6,71/10). La recette premium n’est pas qu’un mirage, Apple TV+ propose vraiment des meilleurs contenus que les autres.

En juin 2022, IMDb sacrait Apple meilleur producteur de contenus pour la seconde fois consécutive. // Source : 9to5mac
En juin 2022, IMDb sacrait Apple meilleur producteur de contenus pour la seconde fois consécutive. // Source : 9to5mac

Depuis son lancement fin 2019, Apple TV+ a signé plusieurs contrats prestigieux. Oprah Winfrey, Jon Stewart et Hillary Clinton ont tous les trois choisi Apple pour produire leurs émissions, Jennifer Aniston a joué dans une série (The Morning Show) pour la première fois depuis Friends, le nouveau studio de John Lasseter (ex-Pixar) s’est allié avec Apple TV+ pour assurer la diffusion de ses contenus (Luck), tandis que, plus récemment, c’est Vince Gilligan qui a annoncé que sa prochaine série serait une exclusivité Apple TV+, après 15 ans de contrat avec AMC pour Breaking Bad et Better Call Saul. Au vu de sa popularité et de l’attente des fans, Apple TV+ n’était pas le choix le plus évident. Pourtant, c’est bien la souplesse d’Apple qui lui a convenu. L’entreprise est la première à ironiser sur l’envie de tout Hollywood de travailler avec elle, avec des publicités moquant la présence de tous les acteurs sur Apple TV+, sauf Jon Hamm (spoiler : Jon Hamm a depuis rejoint Apple TV+).

https://www.youtube.com/watch?v=VD3wy3drkyA

Dans le futur, Apple devrait continuer à monter en gamme. En septembre 2022, deux séries prestigieuses sont en cours de tournage à Paris. L’une sur Benjamin Franklin (avec Michael Douglas), l’autre sur Coco Channel (avec Juliette Binoche). De quoi s’ouvrir aux productions locales, toujours avec une patte plus élitiste que les autres. Apple TV+ mise aussi beaucoup sur le documentaire de Selena Gomez ou un film de Noël avec Will Ferrell, Ryan Reynolds et Octavia Spencer pour recruter de nouveaux abonnés. Cette stratégie peut-elle marcher ? Le succès de House of the Dragon (HBO) sur OCS est la preuve que oui. Certaines personnes s’abonnent à un service pour une série… Mais encore faut-il que ce service soit proposé partout.

Tim Cook a rencontré le casting de Ted Lasso le 26 septembre 2022.

Le sport, l’autre arme d’Apple TV+

Enfin, le dernier volet de la stratégie d’Apple TV+ est le sport. Un peu à la manière d’Amazon, qui diffuse Roland Garros (Tennis) et la Ligue 1 (Football) en France, Apple s’intéresse petit à petit aux droits sportifs. Aux États-Unis, l’entreprise a mis la main sur la diffusion du baseball, tandis qu’elle a récemment signé un contrat inédit pour les droits de la MLS, le championnat américain de football. Pourquoi inédit ? Parce que ce contrat est mondial, alors que les droits se négocient généralement pays par pays.

Apple sera-t-il un jour l’adversaire de Canal+, beIN Sports et Amazon pour acquérir les droits de compétitions françaises ? Pour l’instant, Apple semble surtout miser sur les droits mondiaux et états-uniens. Mais avec la future Coupe du monde organisée en Amérique, on imagine bien l’entreprise tenter un immense coup de force. De quoi enfin devenir un réflexe pour les Français qui cherchent quelque chose à regarder le soir ? Au vu de la qualité de certains contenus (Ted Lasso ou Severance pour ne citer qu’eux), on a envie d’y croire.

Source : Montage Numerama

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