Un meeting virtuel qui n’en était pas un : j’ai écouté Emmanuel Macron dans Minecraft
C'est, sans conteste, l'un des meetings les plus étranges que j'ai vus.
Car oui : Emmanuel Macron a créé un serveur Minecraft dédié à sa campagne. Dans ce serveur, en dehors des affiches de campagne et des portraits du candidat à tous les coins de rue, on trouve surtout des PNJ (un personnage non joueur) qui nous informent des mesures prises par le président pendant son mandat. Une très grande map permet également de se balader dans les reconstitutions d'un hôtel de ville, d'une poste, d'un kebab, et même.. d'un palais des congrès.
Comme les équipes du candidat l'ont expliqué au journal Le Progès, ce palais n'a pas été installé dans le serveur par hasard, mais bien pour y accueillir un meeting de campagne. L'objectif est simple : séduire les jeunes joueurs de Minecraft, et ainsi « lutter contre l’abstention des 18-25 ans ». Et pour les attirer, en parallèle de son meeting donné le 2 avril à la Défense Arena, Emmanuel Macron a également tenu un « meeting virtuel » dans le palais des congrès du serveur Minecraft. J'y ai assisté.
Le meeting virtuel d'Emmanuel Macron n'en était pas un
En me connectant ce 2 avril un peu avant l'heure annoncée du début du meeting, j'ai été étonnée de voir que je n'étais pas la seule : une petite dizaine de joueurs se tenaient déjà dans la salle du palais des congrès destinée à accueillir le meeting, installés sur des sièges au milieu de PNJ. La salle s'est, de plus, remplie au fur et à mesure que l'heure du meeting se rapprochait, l'ambiance virant parfois au n'importe quoi : certains joueurs ont commencé à se taper, d'autres à sauter partout dans la salle, d'autres à se dandiner en face de la scène centrale. Impossible cependant de parler avec eux : le tchat du serveur avait été désactivé par les équipes d'Emmanuel Macron, et c'était très frustrant.
Mais ça n'a pas été la seule déception de ce « meeting virtuel ». À 15h30, à l'heure du début officiel, rien ne se passe dans le palais des congrès virtuel. Seul apparait sur mon écran un message disant qu'« Emmanuel Macron va bientôt prendre la parole », et que je peux « suivre son discours en cliquant sur un lien ». Ce lien m'emmène ... vers la retransmission YouTube du meeting. C'est tout : il ne se passe rien sur la scène centrale du palais des congrès virtuel pendant que la vidéo YouTube joue.
Pendant la première heure du meeting, pendant qu'un chauffeur de salle fait chanter le public de La Défense Arena avant qu'Emmanuel Macron ne monte sur scène, je n'arrive à suivre véritablement ce qu'il se passe qu'en mettant la vidéo YouTube en arrière plan, pendant que j'affiche le serveur Minecraft. La superposition des deux est non seulement extrêmement bizarre, mais surtout, n'a rien d'un meeting virtuel.
Le seul véritable moment qui pourrait ressembler à un meeting virtuel survient lorsqu'Emmanuel Macron commence son discours à La Défense Arena. C'est seulement à ce moment-là qu'apparait sur la scène centrale de Minecraft un avatar du candidat (oui).
Il ne parle pas, ne fait pas de bruit : cet avatar ne fait rien d'autre que bouger les bras et la tête. Il faut impérativement avoir YouTube en arrière-plan pour que l'illusion soit presque là : impossible sinon d'entendre le discours d'Emmanuel Macron pendant que son avatar gesticule. On est loin du meeting virtuel vanté par les équipes du candidat, d'un événement comme a pu le faire Travis Scott sur Fortnite, d'un colloque dans le métaverse ou même de Jean-Luc Mélenchon et de son hologramme en 2017. Et cela n'a, surtout ,aucun intérêt : autant regarder la vidéo sur YouTube.
Ce n'est vraiment pas ce à quoi je m'attendais en termes de « meeting virtuel », et je sens qu'autour de moi, la déception est palpable. Petit à petit, mes voisins disparaissent, et il ne reste bientôt dans la salle plus que l'avatar de Macron, des PNJ, et moi. Lorsque, après plus de deux heures de discours, le meeting IRL se termine enfin, je m'attends à une animation spéciale dans Minecraft. Mais il ne se passe rien sur le serveur, et l'avatar d'Emmanuel Macron disparait comme il est apparu, sans un mot.