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Guerre en Ukraine, espaces aériens fermés : comment ça se passe pour les avions qui survolaient la Russie ?

Voilà bientôt trois semaines que la guerre en Ukraine a été déclenchée. Parmi les mesures phares prises par l'Occident en représailles figure la fermeture des espaces aériens. La Russie a répliqué de la même façon.

Quels pays ont fermé leur espace aérien à la Russie ?

Tous les pays membres de l'Union européenne, soit vingt-sept États, ont fermé leur espace aérien à la Russie. À cette liste s'ajoutent des pays proches de l'UE : on retrouve le Royaume-Uni, la Norvège, la Suisse, l'Islande, la Moldavie ou encore l'Albanie. Ailleurs dans le monde, le mouvement n'a été suivi que par deux autres nations : les États-Unis et le Canada.

Cette exclusion de la Russie dans le ciel européen et américain s'est déroulée par étapes : la Pologne et la République tchèque ont été les deux premiers États à prendre cette décision, dès le 25 février, c'est-à-dire le lendemain de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. D'autres pays ont fait de même dans les jours qui ont suivi, avec les USA en point final le 2 mars.

La France, elle, a officialisé cette interdiction le 27 février. « La France ferme son espace aérien aux avions et compagnies aériennes russes à compter de ce soir », écrivait Jean-Baptiste Djebbari, le ministre délégué aux Transports. L'accès à la France était de toute façon devenu très compliqué avec la fermeture décidée par les pays voisins pour leur propre espace aérien.

Espace aérien fermé
Une carte partagée par un internaute sur Reddit donne une petite idée de l'exclusion de la Russie. // Source : railker

À quels pays la Russie a-t-elle fermé son espace aérien ?

Face aux mesures prises par les Occidentaux dans le secteur aérien, la Russie a répliqué le 28 février en prenant des dispositions en miroir : Rosaviatsia, qui est l'autorité russe en charge de l'aviation civile a prononcé « une restriction des vols des transporteurs aériens de 36 États ». Cela concerne toute l'Union européenne, mais aussi le Canada ou le Royaume-Uni.

Compte tenu de l'immense superficie de la Russie (c'est le plus grand pays du monde, avec une superficie de 17,1 millions de km² et dont la longueur s'étale sur onze fuseaux horaires), la décision prise par Moscou n'est pas du tout anodine. D'autant plus que le pays se trouve géographiquement entre l'Union européenne et certains pays d'Asie de l'Est. 

La fermeture de l'espace aérien russe n'est toutefois pas complètement hermétique. Officiellement, des compagnies aériennes ont la possibilité de faire une demande pour obtenir un « permis spécial » leur permettant d'affréter un vol au-dessus de la Russie. Rosaviatsia se charge d'analyser les requêtes au cas par cas. En pratique, les circonstances rendent cette éventualité caduque.

Y a-t-il encore des avions qui survolent la Russie ?

La Russie n'a pas fermé son espace aérien au monde entier. Seules les nations occidentales sont concernées. Il y a toujours des liaisons aériennes entre New Delhi et Moscou, par exemple. C'est la même chose pour la majorité des pays du monde. Un coup d’œil au site de référence FlightRadar24 permet de constater un trafic aérien presque normal en Russie.

Russie FlightRadar24
La situation dans le ciel russe pour l'aviation civile, le 16 mars. // Source : FlightRadar24

Il peut y avoir des exceptions permettant d'opérer des liaisons entre des pays membres de l'UE et la Russie. Il peut s'agir de vols officiels ou diplomatiques, mais aussi des vols humanitaires ou jugés stratégiques, à l'image de celui entre Moscou et Bratislava, en Slovaquie, le 1er mars, car il s'agissait d'un avion-cargo transportant du combustible nucléaire.

Comment ça se passe pour une société comme Air France ?

Air France a communiqué à la fin du mois de février 2022 pour tenir compte des annonces des autorités françaises, mais aussi européennes et russes. Dès le 24 février, jour de l'invasion de l'Ukraine, le ministère chargé des Transports émettait une consigne opérationnelle interdisant les opérations aériennes dans plusieurs zones aériennes ukrainiennes et d'Europe de l'Est.

La mesure portait sur les régions d'information de vol (« FIR »), qui sont des sous-divisions d'un espace aérien (il y en a par exemple sept en France, dont cinq en métropole). Cette instruction de ne pas pénétrer dans l'espace aérien ukrainien, ni même de s'en approcher, vise évidemment à éviter une catastrophe, compte tenu des opérations militaires dans le pays.

FIR
Une carte montrant le découpage des espaces aériens et des FIR. // Source : Theo Duntinger

Avec l'exclusion de l'espace aérien russe, une entreprise comme Air France doit donc non seulement éviter l'Ukraine, mais aussi la Russie (et, par ricochet, la Biélorussie, compte tenu de sa duplicité, et presque toute la mer noire). De fait, la flotte de l'avionneur français est en quelque sorte obligée de faire le tour de la zone, comme une déviation, pour rejoindre l'Asie de l'Est.

Ces nouvelles voies aériennes sont bien sûr moins optimisées, puisque la Russie se trouve sur le chemin -- sinon, les liaisons alternatives auraient été utilisées depuis belle lurette. Elles ont pour conséquence de rallonger le temps de vol, mais aussi d'entrainer une consommation accrue de carburant. Mais pour d'autres trajets ne passant pas par la Russie, cela ne change rien.

Quels pays de destination cela affecte-t-il ?

Tout dépend du point de départ et du point d'arrivée. Pour un pays comme la France, ce sont les liaisons avec la Chine, le Japon et la Corée du Sud qui sont surtout affectées. C'est d'ailleurs sur ces trois destinations qu'Air France a surtout communiqué le 28 février en évoquant les axes Paris-Pékin, Paris-Tokyo et Paris-Séoul.

Pour d'autres liaisons aériennes, la situation est sans grande conséquence : New Delhi, par exemple, ne nécessite pas de survoler la Russie. Idem pour tout le sous-continent indien, l'Océanie, la péninsule arabique ou l'Afrique. Pour l'Asie centrale, des corrections doivent également être observées, mais il y a nettement moins de liaisons avec ces pays que les trois d'Asie de l'Est.

tokyo japon
La ville de Tokyo, la nuit. // Source : 12019

Mais ailleurs en Europe, la mesure prise par Moscou est en pratique indolore. C'est ce que relevait le 28 février le Loïc Tribot La Spière, économiste spécialiste du transport aérien et délégué général du Centre d’Études et de Prospectives Stratégiques, dans un entretien à France Info. Des vols en partance de l'Italie ou de la Grèce n'ont nul besoin de remonter jusqu'en Russie.

De fait, il y a pu y avoir une relative désorganisation aérienne (nécessitant, entre autres, de prévenir les voyageurs) tout au début des exclusions croisées entre la Russie et l'Occident, mais la situation s'est stabilisée depuis. Le 28 février, Air France n'avait pas procédé à des annulations de vols (sauf pour la Russie), mais à des changements d'horaires pour des trajets vers l'Asie de l'Est.

Quelles sont les nouvelles routes ?

Là encore, tout dépend du point de départ et du point d'arrivée, car tout le monde n'est pas affecté de la même manière. Mais si l'on prend le cas de la France, on peut imaginer deux trajectoires possibles pour contourner la Russie et accéder à des pays comme le Japon, la Chine, et la Corée du Sud : par le nord, au-dessus de l'Arctique, ou par le sud, en survolant l'Asie centrale.

En pratique, c'est plutôt l'axe sud que les compagnies aériennes privilégient. En tout cas, on le remarque non seulement avec l'intensité du trafic -- comme le montre le site FlightRadar24 --, mais aussi en ciblant les liaisons effectuées par Air France : deux vols effectuant des liaisons Paris-Osaka et Paris-Tokyo traversent la Mongolie et le Kazakhstan.

Paris-Tokyo Flightradar24
Un vol entre Paris et Tokyo, le 16 mars. // Source : FlightRadar24
Paris-Osaka Flightradar24
Et une liaison depuis Osaka, le même jour. // Source : Flightradar24

Y a-t-il un surcoût ? Et en termes de durée ? Et comment se rendre en Russie ?

Toutes les liaisons qui passaient précédemment par la Russie parce que c'était plus rapide sont inévitablement affectées par un rallongement de la durée du temps de transport. Pour un vol Paris et Tokyo, c'est deux heures de plus environ. Pour qui a déjà voyagé sur des vols très long-courriers comme celui-ci, cela n'est pas anodin : il faut déjà près de 11 heures de vol en temps normal.

Cela se ressent aussi sur le prix du billet d'avion, puisque ces liaisons moins directes nécessitent une consommation plus importante de carburant. Or, la guerre entre la Russie et l'Ukraine a une incidence très négative en générale sur le prix du pétrole, ce qui fait que même des liaisons comme Paris-La Réunion ou Paris-Les Antilles se renchérissent de quelques dizaines d'euros.

C'est toujours moins long qu'un Paris-Sidney, mais quand même. // Source : Sourav Mishra

Quant à savoir s'il est possible de se rendre encore en Russie, la réponse est oui, mais ce ne sera pas avec un vol direct depuis la France. Il faut une correspondance, par exemple via Istanbul ou Ankara -- la Turquie n'ayant pas fermé son espace aérien. Voyager dans ce pays est toutefois fortement déconseillé par le ministère des Affaires étrangères, pour des raisons évidentes.

Les conséquences économiques pour une compagnie aérienne comme Air France devraient être relativement mesurées, dans la mesure où les liaisons avec la Russie ne sont qu'une fraction de ses activités. Il devrait y avoir un impact plus notable en matière de tourisme, mais aussi de taux de fréquentation de l'avion, à cause des prix plus élevés. Tout dépendra de la durée de la guerre.

Quid de la Biélorussie ?

Dans la guerre de la Russie contre l'Ukraine, la Biélorussie est complice du Kremlin. Avant l'invasion, Minsk a autorisé Moscou à stationner d'importantes troupes sur son territoire, au prétexte d'un exercice militaire bilatéral. La suite est connue : la Russie a lancé une attaque éclair vers Kiev, dans l'espoir de prendre la capitale très vite, en profitant de sa proximité avec la Biélorussie.

Il s'avère qu'au moment de la guerre, l'espace aérien biélorusse était déjà évité par les compagnies aériennes européennes. La raison ? Le président biélorusse, Alexandre Loukachenko, est accusé d'avoir dérouté un avion de ligne européen pour arrêter un dissident. C'était en mai 2021. Depuis, l'Union européenne a aussi fermé son espace aérien aux avions biélorusses.

Même sans ce détournement, la Biélorussie aurait été certainement sanctionnée comme la Russie de toute façon, compte tenu de sa complicité dans la guerre. Quoiqu'il en soit, les avions de ligne ont tout intérêt à se tenir à distance du pays, vu les opérations militaires. C'est pour cette raison d'ailleurs que même les vols autorisés en Russie évitent de manœuvrer près de l'Ukraine, y compris en Russie.

Et l'Ukraine, alors ?

L'Ukraine n'a évidemment pas fermé son espace aérien, en tout cas pas aux vols occidentaux, mais il s'agit d'un pays en guerre. Il est beaucoup trop dangereux pour les aéronefs civils de survoler la zone, alors qu'opèrent des avions de chasse et toutes sortes de moyens de défense antiaérienne. Même à quelque 10 000 mètres d'altitude, le risque de se prendre un missile est critique.

Il y a d'ailleurs un précédent : le vol Malaysia Airlines 17, qui faisait la liaison entre Amsterdam à Kuala Lumpur. En 2014, quelques mois après l'annexion de la Crimée et de la déstabilisation des régions russophones d'Ukraine (Donetsk et Lougansk), un missile sol-air parti du Donbass détruit le Boeing 777 en plein vol, causant la mort de 298 personnes.