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Pourquoi le Parti pirate a été banni de Twitch pendant le débat de la droite

La chaîne Twitch du Parti pirate a été bannie pour 48 heures. En cause, la retransmission du débat de la droite organisé par BFM TV.

Dans la soirée du 14 novembre 2021, cinq personnalités de la droite liées au parti Les Républicains débattaient en prévision de l'élection présidentielle de 2022. Sur le plateau de BFM TV étaient ainsi présents Michel Barnier, Xavier Bertrand, Éric Ciotti, Philippe Juvin et Valérie Pécresse. Objectif : permettre aux spectateurs de connaître les intentions de chaque challenger en vue du scrutin et aider les adhérents LR de choisir celui ou celle qui les représentera pendant la campagne.

Celles et ceux qui suivaient la chaîne d'information en continu ont pu voir les échanges en intégralité et jouer les prolongations avec des commentaires politiques en seconde partie de soirée. Mais pour qui regardait aussi le débat sur le net, les choses ont pu moins bien se passer. C'est typiquement le cas pour les internautes qui voulaient suivre le débat sur la chaîne Twitch du Parti pirate, alors que ses membres avaient prévu de commenter en direct les échanges des Républicains.

La diffusion sur Twitch du Parti pirate tourne mal

Sauf que les choses ont mal tourné. Comme l'a indiqué un autre message publié sur Twitter à 21h33 par le Parti pirate, sa chaîne Twitch « a disparu » dans la soirée. Plus exactement, elle a été désactivée un peu moins d'une heure après l'annonce par le mouvement de son direct commenté sur la plateforme de diffusion en streaming. Cette suspension est survenue assez vite après le début des débats : ceux-ci ont démarré à 20h45 et ont duré près de trois heures.

Les raisons de l'interruption s'avèrent provenir des règles en matière de droits d'auteur et de droits voisins en matière de diffusion audiovisuelle. C'est ce que montre un mail qu'a reçu le Parti pirate au moment de la suspension de sa chaîne et dont Pierre Beyssac, son porte-parole, partage une capture d'écran. On apprend par exemple que la demande n'a pa été formulée directement par BFM TV, mais par une société tierce, LeakID, qui agit pour le compte d'Altice France, la maison-mère de la chaîne.

Pour qui avait l'habitude de suivre l'actualité du piratage d’œuvres culturelles sur Internet, la société LeakID est un nom qui n'est pas vraiment étranger. Elle, comme d'autres, sont missionnées par des titulaires de droits pour traquer le partage illicite de ces contenus et obtenir leur retrait de certaines plateformes. C'est le cas par exemple des liens BitTorrent qui peuvent être visibles sur Google. Mais l'historique de ces entreprises est aussi émaillé d'erreurs parfois grotesques.

https://twitter.com/pbeyssac/status/1459998890669785090

Le bannissement a été prononcé pour une durée de 48 heures, ce qui signifie que la chaîne ne sera rétablie qu'à compter du 16 novembre. Par ailleurs, le Parti pirate fait maintenant l'objet d'un avertissement pour infraction au droit d'auteur. Dans son règlement interne, Twitch considère que le détenteur du compte qui reçoit trois avertissements doit être « considéré comme un contrevenant récidiviste ». Dans ce cas, des sanctions plus dures sont possibles, incluant la fermeture de la chaîne.

La suspension de la chaîne peut faire l'objet d'un recours pour lever plus vite la sanction et éventuellement obtenir le retrait de l'avertissement, si le Parti pirate parvient à démontrer que la sanction n'est pas fondée. Dans le cas contraire, le contenu incriminé restera hors ligne, à supposer que le Parti pirate comptait en conserver une copie en vue de proposer un replay sur sa chaîne Twitch -- en effet, la plateforme permet à ses membres de diffuser un direct sans rediffusion, ou avec.

Peut-on diffuser intégralement une émission d'une chaîne privée au nom du débat public ?

Commentant l'incident, Pierre Beyssac déclare que « le DMCA plombe donc directement le débat démocratique, comme la directive européenne sur le copyright ». Le DMCA est un acronyme désignant une loi américaine (la Digital Millennium Copyright Act) de 1998 qui a des similarités  avec la loi française pour la confiance dans l’économie numérique. Celle-ci donne un cadre juridique pour les ayants droit et les plateformes pour signaler et gérer les infractions au droit d'auteur sur le net.

Bien qu'américaine, la loi DMCA jouit d'une relative notoriété de ce côté-ci de l'Atlantique par le biais, justement, des streameurs et des streameuses qui se prennent de temps en temps des avertissements ou des suspensions à cause du DMCA, notamment quand il y a de la diffusion illicite de musique protégée par le droit d'auteur. C'est aussi le DMCA qui a causé des tracas au vidéaste Hugo Décrypte sur Twitch alors qu'il voulait retransmettre et commenter le débat entre Jean-Luc Mélenchon et Éric Zemmour.

La suspension de la chaîne a donné lieu à plusieurs échanges sur les réseaux sociaux sur l'équilibre à trouver entre ce qui peut relever d'une atteinte au droit d'auteur et au droit voisin de BFM TV, puisque son émission de télévision se retrouvait rediffusée sur Twitch sans son accord, et de ce qui peut entrer dans le cadre de la liberté d'expression -- ce que Pierre Beyssac souligne en estimant qu'il s'agissait d'une « vidéo de commentaire politique » s'inscrivant qui plus est dans l'actualité et dans une élection à venir.

Des dispositions intégrées au Code de la propriété intellectuelle autorisent, quand il s'agit d'une œuvre, « les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information de l’œuvre à laquelle elles sont incorporées ». Mais encore faut-il que cela se limite à des extraits et non pas à la reprise de tout le flux en intégralité. Or la légalité de la reprise complète de l'émission est discutable, même en ajoutant des commentaires politiques.

Il y a en tout cas un certain flou, dans la mesure où il est question d'un programme fourni par un groupe privé, en l'occurrence BFM TV, qui a des répercussions sur le débat public -- en l'espèce, le débat de la primaire de la droite -- et sur la prochaine élection présidentielle. Sur un plan juridique, l'avocat Alexandre Archambault signale ainsi que le droit européen prévoit des « possibilités d'aménagement » face à des reprises non autorisées de contenus de chaînes de TV. Mais ce n'est pas systématique.

Le problème qu'ont subi à la fois Hugo Décrypte et le Parti pirate en rediffusant sur Twitch des contenus produits par d'autres groupes au nom du droit de traiter de l'actualité et du droit à l'information pourrait devenir de plus en plus prégnant à mesure que l'échéance présidentielle se rapproche. Les émissions politiques vont se multiplier d'ici avril 2022 et, avec elles, les envies de participer au débat démocratique, y compris, donc, sur Twitch. Les requêtes DMCA pourraient pleuvoir.