Seize mois de travail, presque quatre cent cinquante pages produites et quatre géants du net dans le collimateur des parlementaires américains. Voilà, résumé en chiffres, ce qu’est le fameux rapport antitrust d’une commission de la Chambre des représentants, qui a été rendu public le 6 octobre. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les « GAFA » (Google, Apple, Facebook et Amazon) y sont malmenés.
Que dit le rapport antitrust ?
Le rapport observe avec sévérité la place qu’occupent désormais Google, Apple, Facebook et Amazon dans l’économie. « Ces entreprises ont trop de pouvoir, et ce pouvoir doit être restreint et soumis à une surveillance et une réglementation appropriées », lit-on dans les travaux démocrates. Car, estiment les parlementaires, la situation est grave : « Notre économie et notre démocratie sont en jeu. »
Globalement, le rapport souligne ce que d’aucuns disent ou pressentent depuis longtemps : les GAFA sont aujourd’hui trop puissants sur leurs marchés respectifs, en ayant soit acquis une situation de monopole, pour Google (avec le moteur de recherche) et Facebook (la publicité en ligne), soit de détenir un pouvoir de marché significatif et durable, pour Apple (l’App Store) et Amazon (le marketplace).
Aujourd’hui, ces poids lourds du numérique agissent comme des gardiens contrôlant des écosystèmes de plus en plus importants, pesant sur les prix comme sur l’accès aux biens et aux services. « Ces entreprises qui étaient jadis des startups qui défiaient le statu quo sont devenues le genre de monopoles que nous avons vu pour la dernière fois à l’époque des barons du pétrole et des magnats des chemins de fer », lâche le rapport.
Qu’est-il proposé contre les géants du net ?
Compte tenu de la puissance acquise par ces mastodontes, le rapport multiplie les recommandations autour de trois axes :
- le rétablissement de la concurrence dans l’économie numérique,
- le durcissement des lois anticoncurrentielles
- le renforcement des moyens pour permettre qu’elles soient respectées.
Chaque axe est soutenu par une série de mesures qu’il conviendrait de prendre.
La disposition la plus spectaculaire demeure la possibilité de démanteler des géants du net, une idée qui est apparue un temps pendant la campagne présidentielle lorsque Elizabeth Warren était en course. L’intéressée ciblait alors Google, Amazon et Facebook, en leur retirant Waze, DoubleClick et Nest pour le premier, Whole Foods et Zappos pour le second, et WhatsApp et Instagram pour le troisième.
Parmi les autres dispositions envisagées figurent des règles visant à prévenir la discrimination, le favoritisme et l’autopromotion (en somme, éviter que les géants du numérique ne donnent la préférence à leurs propres produits et services), des pistes pour encourager l’interopérabilité et le libre accès et mettre en place des barrières pour contenir l’acquisition de certaines entreprises.
Qu’est-ce que ça change ?
À très court terme, rien. Pour que ces mesures aient une chance de passer de la théorie à la pratique, il faudrait pouvoir les adopter au Congrès. Or si les Démocrates ont le contrôle de la Chambre des représentants, ils sont minoritaires au Sénat, qui est dominé par les Républicains. En outre, l’élection présidentielle américaine, prévue le 3 novembre, occupe davantage les esprits.
Selon Fortune, il ne faut pas s’attendre à quoi que ce soit avant 2021. Et même si les deux chambres du Congrès basculent dans le camp démocrate, les Républicains ont toujours la possibilité divers outils de procédure pour bloquer l’adoption des projets de loi — ce camp étant historiquement sceptique à l’égard de toute initiative ayant trait au cadre antitrust. D’ailleurs, les Républicains n’ont pas signé ce rapport.
Comme le signale Axios, la commission antitrust ne va pas accoucher d’un rapport, mais de trois. Les deux autres seront fournis par les Républicains : il est prévu que le premier porte sur les supposés biais politiques des GAFA (les conservateurs ayant l’impression que leur voix est minorée, voire censurée par les géants du net), tandis que le dernier, au but plus vague, entend explorer une « troisième voie ».
Que disent les GAFA ?
Sans surprise, aucun des mis en cause ne partage les conclusions de la commission antitrust de la Chambre des représentants. Amazon et Google ont chacun sorti un billet de blog dédié, tandis que Facebook et Apple ont envoyé des communiqués à la presse, dont CNBC et Bloomberg. Chacun à leur manière, ils rappellent le rôle positif qu’ils estiment jouer dans la société américaine.
« Les grandes entreprises ne sont pas dominantes par définition, et la présomption selon laquelle le succès ne peut être que le résultat d’un comportement anticoncurrentiel est tout simplement erronée », argue Amazon, le jour de la publication du rapport. « Et pourtant, en dépit de preuves accablantes du contraire, ces erreurs figurent au cœur de la campagne de dénigrement de la réglementation antitrust.»
Pour Google, « les Américains ne veulent pas que le Congrès casse les produits de Google ou nuise aux services gratuits qu’ils utilisent tous les jours ». Le groupe craint même que « nombre des propositions évoquées dans les rapports d’aujourd’hui causeraient un réel préjudice aux consommateurs, au leadership technologique des États-Unis et à l’économie américaine — tout cela sans gain évident. »
Facebook défend pour sa part le principe des acquisitions, courantes dans n’importe quel secteur économique. « Ce n’est qu’une des façons dont nous innovons dans les nouvelles technologies pour apporter plus de valeur aux gens ». En outre, Instagram et WhatsApp ne seraient pas ce qu’elles sont aujourd’hui sans les « milliards » qui ont été investis, assure le site, qui ajoute qu’il n’y avait pas de raison de l’empêcher de les acheter.
« Nous avons toujours dit qu’un contrôle est raisonnable et approprié », concède de son côté Apple, mais plutôt au sujet des autres : « Nous sommes en désaccord total avec les conclusions de ce rapport concernant Apple.» Pourquoi ? Parce qu’Apple n’aurait aucune part de marché dominante dans aucun secteur où le groupe est présent. Quant à la taxe des 30 %, c’est un taux commun appliqué par d’autres.
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