Un député propose d’amender la future loi contre la haine sur Internet pour permettre de retirer plus vite des contenus publiés par des activistes qui, selon lui, s’attaquent au modèle agricole et à l’élevage en France.

La loi contre la haine sur Internet sera-t-elle le cheval de Troie d’une censure accrue à l’encontre des associations militantes qui dénoncent, parfois au moyen d’actions spectaculaires, la souffrance animale ? En tout cas, un groupe de députés emmené par Marc Le Fur juge opportun de profiter du texte pour créer une disposition spéciale à destination de l’agriculture et de l’élevage.

L’amendement propose de compléter le 1er article de la loi pour obliger les plateformes à retirer en 24 heures les contenus signalés qui « [stigmatisent] les activités agricoles, d’élevage ou de vente de produits issus de l’agriculture et de l’élevage et incitant à des actes d’intrusion ou de violence vis à vis des professionnels de l’agriculture, de l’élevage et de la transformation et de la vente de produits de ces filières ».

Repéré le 1er juillet par le journaliste Marc Rees, l’amendement, s’il était adopté, inclurait donc une disposition de retrait accéléré bénéficiant à des personnes en raison de leur activité économique et non pas en raison de ce qu’elles sont — qui est pourtant le cœur de la proposition de loi, qui vise à lutter contre les contenus haineux basés sur la relation, le sexe, l’origine le handicap, l’orientation sexuelle, etc.

L’agribashing, une haine sur Internet ?

Le parlementaire s’alarme de ce qu’il décrit comme de l’agribashing et pointe du doigt des activistes qui « n’hésitent pas à tomber dans l’illégalité et se servent d’internet pour inciter des actes manifestement délictueux ». D’ailleurs, il estime que « bien souvent ces actions ont été suscitées, organisées puis diffusées à partir des réseaux sociaux et des sites de ces mouvements activistes ».

Pour soutenir son propos, l’élu cite une série d’actes illicites qui ont eu lieu en France ces dernières années : intrusions nocturnes, dégradations volontaires de commerces, saccages de laboratoires, bombes incendiaires, sabotage de matériel, menaces de mort envers les bouchers, les employés de laboratoires ou d’abattoirs, destruction par le feu de certaines installations.

Autant d’actes délictueux qui sont pourtant déjà réprimés par la loi. Les menaces de mort sont par exemple gérées dans le code pénal, avec à la clé plusieurs années de prison et une amende pouvant atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros. Idem pour les intrusions nocturnes, qui peuvent être assimilées à une violation de domicile — en témoigne ce qui a été retenu contre deux militants de l’association L214.

L'agriculture biologique nécessite plus de place pour atteindre les mêmes rendements. // Source : Pixabay/CC0 (photo recadrée)

L'agriculture biologique nécessite plus de place pour atteindre les mêmes rendements.

Source : Pixabay/CC0 (photo recadrée)

Est-ce aux plateformes de trancher ?

La lutte et la répression des actes qui s’en prennent physiquement aux personnes et aux biens ne souffrent d’aucune contestation. Le problème que pose l’amendement, c’est sa portée : il risque d’attraper dans ses filets les actions militantes non violentes que mènent des associations comme L214 ou PETA, en s’introduisant au cœur de l’industrie pour en dévoiler le fonctionnement.

Or, ces vidéos, même si elles ont été tournées illégalement, ont le mérite de mettre sur la table des questions éthiques qui ne seraient sinon peut-être jamais apparues dans le débat public. En tout cas, pas aussi vite et de manière aussi crue — car les images heurtent celui ou celle qui ne côtoie pas le monde de l’agroalimentaire. Pour juger du bien-fondé de ces images, ce serait en principe au juge judiciaire d’intervenir.

L214

Une manifestation L214.

Source : Jeanne Menjoulet

Le juge est « fondamental dans tout dispositif de lutte contre les contenus haineux pour éviter les abus, protéger les victimes et offrir toutes les garanties nécessaires d’indépendance », a déjà souligné le Conseil national du numérique ce printemps. Sauf que le mécanisme imaginé par la loi contre la haine sur Internet place les plateformes en première ligne.

Mais comme les plateformes sont menacées d’une forte amende si elles n’agissent pas très vite pour retirer un contenu litigieux, il est certain qu’elles ne vont pas tergiverser bien longtemps en cas de signalement : elles préféreront avoir la main lourde plutôt que de se risquer à ne rien faire. « Le doute bénéficierait à la censure », a prévenu le Conseil.

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